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11 août 2008 1 11 /08 /août /2008 15:18

9 août 2008

 

A maître Abel Kassi, avocat international émérite.
En hommage à ses idées lumineuses et tous les brillants cerveaux africains encore mal exploités
.

L’instabilité chronique, les conflits incessants semblent être les marques déposées du continent africain. Un continent qui, des siècles auparavant, a connu des époques de lumière. Notamment sous l’Egypte antique. En ces périodes-là, l’Afrique fut la boussole du monde.

Aujourd’hui, c’est une tautologie de l’affirmer, l’Afrique va mal. Et ce malaise succite des débats tranchés entre anthropologues de tout acabit, Afro-péssimistes et ceux qui croient encore en la capacité du véritable vieux continent, berceau de l’humanité, à renaître de ses cendres funestes héritées d’une histoire qui à notre sens n’est pas vraiment la sienne. De ce point de vue, ces passions ne devraient pas se poser. Car il est une vérité universelle qui trouve tout son sens dans la substance même de la dialectique hégélienne. Une Vérité magistralement exploitée par Karl Marx et qui ne laisse nulle place à la fatalité: La dialectique.

Loin de nous l’idée de faire de l’esprit, mais le principe même de la vie et partant de la dynamique de toute société humaine rend ce débat forclos.

En revanche, ce qui nous paraît fondamental se résume en  un vrai diagnostic du mal être africain sans lequel tout débat sur l’avenir de notre continent se retrouve faussé à la base. L’Afrique telle qu’il nous l’a été démontré par Cheick Anta Diop et, avant lui, des savants arabes, grecs et romains a été l’épicentre de la civilisation humaine notamment sous l’Egypte pharaonique. Un continent où les peuples du monde venaient s’abreuver à la source du savoir. Elle a aussi connu de brillantes autres civilisations entre le VIII et le XVIè siècle. Les témoignages sont édifiants en la matière.

Celui de l’archéologue Mauny ne dit pas autre chose. Parlant de la ville de Koumi-Saleh, capitale de l'empire du Ghana (XIIIème siècle), il écrit ceci :
« Le centre de la ville est articulé autour d'une grande place d'où partent plusieurs rues ; dallages sur le sol, plaques sur le sol, plaques épigraphes, peintures en inscription sur les murs, escaliers de pierres [...]. Tout ceci nous permet de nous faire une idée de ce que fut une civilisation qui fleurit en ces lieux ».

Une description qui rompt d'avec les clichés caricaturaux dépréciatifs d'anthropomorphistes occidentaux tel le comte arthur de Gobineau, soutenu dans ses errements par des africains eux-mêmes dont le journaliste ivoirien Venance konan,auteur de ''Les prisonniers de la haine''.

A l’image de l’empire du Ghana, l’empire du mali  – dont Tombouctou et Djéné, fondées entre les IXè et Xèmes siècles, étaient au XVIème siècle de grands centres d'échanges commerciaux
- , l’empire Songhaï, le royaume du Congo, le royaume d’Ethiopie et bien d’autres encore ont connu de brillantes civilisations. Oeuvre des africains eux-mêmes.
L’Afrique influençait, tout en écrivant sa propre histoire, l’histoire de l’Humanité. Cependant, au cours de son évolution, deux faits marquants connus de tous, affectent grandement son histoire et signent par la même occasion sa descente en enfer. De ces deux moments - l’esclavage et la colonisation-, il nous semble crucial de nous attarder sur le deuxième pan qui, à nos yeux, apparaît comme le coup de grâce porté à l’histoire de notre continent.

Il convient, en tant qu’africains, de ne pas se voiler la face. L’Afrique s’est faite complice de l’esclavage. Ce que reconnaît explicitement l’écrivain journaliste ivoiro-antillais Serges Bilé, auteur de ‘’ noirs dans les camps nazi’’, dans son nouveau livre "Quand les Noirs avaient des esclaves blancs". Même si son intention, à travers ce livre, est d’ôter tout complexe d’infériorité aux Noirs vis-à-vis des occidentaux quant à leur passé d’esclaves ou de descendants d’esclaves.

On se faisait des guerres pour avoir le maximum de ‘’marchandises’’. Ce commerce de la honte a grandement contribué au rayonnement de certains empires comme ceux du Ghana, du mali et l’empire Songhaï pour ne citer que ces exemples.

La multiplication des conflits entre peuples, tribus, royaumes et empires africains,  motivée par le juteux commerce des esclaves porté à l'échelle industrielle avec l'arrivée des européens, a eu pour effets l’affaiblissement de notre continent et de nous mettre à la merci d’une Europe hégémonique ainsi que des peuples arabes venus d’Asie.

Si en participant au pillage de ses ressources humaines et de ses propres richesses naturelles, en échange de babioles et autres pacotilles, les africains ont écrit avec l’apport de l’Europe une page sombre de leur histoire ; peut-on en dire de même au sujet de la colonisation ?

La colonisation, elle, revêt un tout autre sens. Car elle marque la fin de l’histoire de l’Afrique.

Contrairement à l’esclavage dont l’occident a contribué au développement, la colonisation consacre le moment où l’histoire de l’Afrique s’est arrêtée par la ruse et la force pour faire place à l’histoire de l’Europe à travers l’Afrique et les Africains. A compter de cette période jusqu’à ce jour, la dynamique de notre continent est rythmée par l’occident au gré de ses exigences. Il définit ses orientations selon les besoins de son histoire et impose à l’Afrique  la cadence qu’elle lui exige.  Si bien que les africains s’interrogent sur leur devenir, leur histoire présente et future. Une angoisse à laquelle l’ex ministre malienne et écrivain engagé Aminata Traoré donne  tout son sens dans le résumé de son livre, ‘’L’Afrique humiliée’’:« Nous, peuples d’Afrique, autrefois colonisés et à présent recolonisés à la faveur du capitalisme mondialisé, ne cessons de nous demander : que sommes-nous devenus ? ».

Cette question identitaire démontre, si besoin l'est encore, l'absence d'une histoire propre aux peuples africains depuis la période de la colonisation.

De la colonisation à aujourd’hui, ce sont les occidentaux qui font une partie de leur histoire en Afrique. Et les africains n’en sont que les instruments. Or tout instrument ou outil n’a pas d’histoire propre. Il  n’a d' "histoire’’ que l’usage que le maître en fait.

C’est pourquoi, il ne nous semble pas opportun  d’affirmer comme René Dumont-en mettant en avant les travers de nos sociétés et les fléaux qui minent le continent depuis la colonisation jusqu’à nos jours- que ''l’Afrique (noire) est mal partie''. Car depuis la période coloniale, elle s’est arrêtée. Et elle n’est pas encore (re) partie. On ne peut donc juger de la valeur de son départ. C’est une autre Afrique, l’instrument de l’Occident, qui est en marche.

L’histoire de l’Afrique, celle des africains, ne redémarrera que lorsque l’Afrique imprimera sa raison à son évolution, autrement dit, quand elle redeviendra l’actrice principale de son destin et se l’appropriera. Car un esclave, un colonisé (mental ou physique) n’est rien d’autre qu’un instrument et, en tant que tel, n’a  pas d’histoire.

Aminata Traoré, à ce sujet, traduit bien une des voies à suivre pour redémarrer notre histoire : ‘’Le défi auquel nous faisons face aujourd’hui, c’est d’imaginer des perspectives d’avenir centrées sur les êtres humains. Une réappropriation de nos destins qui fait appel à nos langues, à nos repères, à des valeurs de société et de culture qui nous sont familières ».

Carell Bohoui-Baclaud
Consultant en communication et en stratégie politique et sociale
Burkina Faso
 
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