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14 novembre 2008 5 14 /11 /novembre /2008 00:29

11 novembre 2008
Laurence Caramel
Le Télégramme.com
Source : Le Monde

 

L'Afrique centrale cherche à monnayer sa forêt tropicale


L'équation est injuste : alors que ce continent émet moins de C02 que l'Etat du Texas, l'Afrique pourrait être la région du monde la plus touchée par le changement climatique. Mais grâce à la forêt tropicale qui s'étend autour du bassin du Congo - la deuxième plus grande du monde après celle de l'Amazonie -, elle possède aussi une partie de la solution que tente d'échafauder la communauté internationale pour stabiliser le réchauffement.

La déforestation est jugée responsable de 18 % des gaz à effet de serre présents dans l'atmosphère. Freiner le déboisement est donc devenu un des enjeux majeurs des années à venir. Les six pays - Cameroun, République du Congo, République démocratique du Congo (RDC), Gabon, Guinée Équatoriale, Centrafrique - qui se partagent les 227 millions d'hectares du Bassin du Congo comptent sur l'argent de la communauté internationale pour financer l'effort qui leur est demandé.

Combien, comment, pour qui ? Ces questions sont loin d'êtres réglées alors qu'en arrière-plan des débats, les experts pointent d'ores et déjà le risque de voir se créer une nouvelle rente qui ne profite pas aux populations de ces pays parmi les plus pauvres de la planète. "Les efforts que nous fournissons pour conserver la forêt doivent être reconnus par la communauté internationale", a plaidé Henri Djombo, ministre de l'économie forestière du Congo, à l'occasion du Forum mondial du développement durable organisé à l'initiative de la revue Passages, du lundi 27 au jeudi 30 octobre à Brazzaville (République du Congo).
Sur le principe, cette contrepartie financière a été actée lors de la conférence de Bali sur le climat en décembre 2007. Un mécanisme rémunérant les réductions d'émissions liées à la déforestation et à la dégradation des forêts (REDD) devrait voir le jour à partir de 2013 dans le régime international de lutte contre le changement climatique, qui remplacera le protocole de Kyoto.

Au fil des mois cependant, les Africains, qui croyaient avoir arraché une victoire à Bali, ont commencé à douter. A la différence du Brésil et de l'Indonésie, où la forêt recule sous le coup de vastes coupes blanches ouvrant de nouveaux espaces aux cultures agricoles ou aux agrocarburants, la disparition de la forêt congolaise est beaucoup moins spectaculaire. Elle prend jusqu'à présent davantage la forme d'un mitage. D'où le risque que la compensation ne soit pas à leur avantage.

"Il est très difficile de mesurer la dégradation et tous les experts consultés nous disent que cela serait extrêmement coûteux", reconnaît Vincent Kasulu, un des négociateurs africains. L'autre option que les pays africains sont tentés de pousser consisterait à rémunérer la forêt sur pied sous forme de rente versée en argent ou en crédits-carbone. Mais "on ne peut pas verser une rente indépendamment des politiques menées, ce serait contre-productif", prévient Alain Karsenty, du Centre international en recherche agronomique pour le développement (Cirad).

"BIEN PUBLIC MONDIAL"

L'enjeu financier pour ces pays est considérable car il s'agit de prendre en compte tous les services rendus au titre du climat et de la préservation de la biodiversité et pas seulement le prix du bois sur le marché international. A Brazzaville, l'expert de la Banque mondiale Paul Martin a montré qu'à côté des 160 millions de dollars que la RDC tire de la vente du bois, il faudrait comptabiliser 1 milliard de dollars liés au commerce de viande de brousse, 1 milliard de l'utilisation du bois comme combustible et 500 millions encore pour le rôle de remparts contre les inondations que joue la forêt. Le gouvernement de la RDC estime ainsi qu'il faudrait lui verser 3 milliards de dollars par an pour sauver "ce bien public mondial", soit autant que son budget annuel actuel.

Personne n'envisage de signer un tel chèque en blanc. "Le sort de la forêt se joue en dehors de ses limites, il faut réformer le droit foncier, qui encourage la déforestation, en accordant le droit d'exploiter toute terre nouvellement conquise. Il faut encourager les paysans à changer leurs pratiques agricoles", explique Alain Karsenty.

Dans cette région du monde, des dizaines de millions de personnes tirent leur subsistance de la forêt. "Si l'urbanisation rapide peut faire illusion, il ne faut pas oublier que la croissance démographique dans les zones rurales reste forte et que les pressions sur la forêt vont aller croissantes", rappelle le géographe français Roland Pourtier.

Sans traiter le problème de la pauvreté rurale, la forêt pourra difficilement être sauvée. Les gouvernements sont-ils les mieux placés pour cela ? Le bilan des dernières décennies ne plaide pas en leur faveur. "L'Afrique centrale a échoué à produire des richesses pour le plus grand nombre parce que nos gouvernants se sont comportés avec nos ressources naturelles comme de véritables prédateurs", dénonce Mwayila Tshiyembe, directeur de l'institut panafricain de géopolitique, redoutant qu'une manne financière liée à la forêt ne subisse le même sort qu'une grande partie de l'aide au développement.

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