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25 décembre 2011 7 25 /12 /décembre /2011 18:52

19 décembre 2011

Patrice Nganang

 

Des "crimes" d'Enoh Meyomesse, proclamé par un régime biyaïste stalinien 

 

http://bp1.blogger.com/_TrUe7u921Ek/R5oPGxyaPqI/AAAAAAAAAA4/bq5g5LjzXY4/S220/clip_image001.jpgIl est à Bertoua, en fait, à la gendarmerie de Bertoua, m’a-t-on dit, de plusieurs sources, mais c’est tout comme s’il était en Sibérie, nessa? Extraordinaire que cette histoire d’Enoh Meyomesse, écrivain public connu dans notre pays, intellectuel respecté partout, collaborateur de quotidiens comme Mutationset bien d’autres, candidat à l’élection présidentielle du 9 octobre 2011, qui soudain disparaît de la circulation – et personne ne sait ce qui lui est arrivé. Pire : personne ne peut dire ce qui lui est arrivé. Plus que pire : aucun media de notre pays n’a de reporter pour confirmer ou infirmer ce qui se passe ! Personnage public peut-il disparaître comme ça dans notre pays sans laisser des traces, ou alors : sans que la presse ne puisse dire clairement ce qui lui est arrivé ? Ce pays nommé Cameroun n’a cessé de me wanda, car entre nous, Enoh a disparu depuis le 29 novembre 2011 ! Compatriotes, je vous demande seulement ceci : vous trouvez ça normal ?

 

Pourtant tout se résume en un seul mot : l’Est. Lisons ce qu’en dit un autre proscrit des réalisations fainéantes : ‘le voyageur contemporain aura un peu de chance, après vingt-sept ans de promesse du renouveau, l’Est a eu droit à sa part de modernité, la route qui y conduit est en travaux. Même si le chantier est intermittent comme c’est le cas pour beaucoup d’autres voies, ceci pour diverses raisons, l’initiative reste inédite quand on se souvient qu’il y a un peu moins de deux ans, on mettait des jours pour traverser une région large de trois cent kilomètres. Le tracé de la route visible est réconfortant, il apportera de la vitesse à un peuple qui croupit dans le lointain retard.’ (La Belle de la République bananière, Chantal Biya, de la rue au Palais, p.83) Et les forces qui ont fait d’Enoh leur silencieux captif le savent, elles qui insistent qu’il ne faille pas faire les détails de son sort s’ébruiter dans les medias. Or pourquoi les medias n’iraient-ils pas eux-mêmes ‘à la source’, à Bertoua vérifier ? Eh bien, c’est que la circulation de l’information dans notre pays se résume à Yaoundé et à Douala. Déporté à l’extérieur de cette zone, bienvenue en Sibérie !

 

Jeté dans cette forêt où la source du journaliste c’est beaucoup plus les ‘pouvoirs publics’ que personne d’autre, que donc en réalité seul Cameroon tribune dessert, le cas Meyomesse est le véritable casse-tête d’une presse camerounaise bien embarrassée parce qu’elle le connaît bien, mais qui préfère se taire – et ainsi participer de cette volonté de ses captifs qui veulent tout taire sur sa disparition – que de publier des choses qui pourraient s’avérer fausses, du moment où elle n’a pas de correspondants efficaces sur place pour bâtir la réalité des faits. Les petites ambitions savent qu’ignare est qui déporterait encore citoyen à Tcholliré, ce mot seul évoquant le souvenir de la corvée. A Nkondengui, en plein Yaoundé elles auraient fabriqué un autre héros de la scène publique – ayant pris dans leurs mailles une des personnes qui y a des entrées les plus reconnues. Et ce pouvoir qui veut sans cesse parfumer les cacas, qui paye le milliard de FCFA à des journalistes de Le Monde pour deux ou trois articles élogieux sait que sa bataille aujourd’hui est celle de la communication. Le tyran peut être sanguinaire – ce qu’il est, oui – il suffit que tout le monde le sache costumé en bleu marine ; il peut être voleur – ce qu’il est, oui – il suffit que tout le monde le voie cassant l’échine à des éperviables ; il peut d’ailleurs avoir les cheveux et la moustache blancs – ce qui est vrai, oui – il suffit qu’il les teigne méthodiquement ! Quant à sa calvitie, il y fait pousser des granules pour parfaire son empire du paraître.

 

Tout, mais alors tout est communication pour ce tyran qui paye des maris effondrés pour les retourner en public contre leur épouse assassinée ; qui paye des sœurs en sanglots pour les retourner en public contre leur frère mort s’opposant à lui ; qui finance des fils endeuillés pour faire d’eux les Judas publics de leur père journaliste légendaire fauché le Bic encore trempé dans le fiel ; qui au besoin fait mourir de sida le journaliste braillard que son ministre a liquidé. Et la valise d’argent d’Issa Tchiroma, ci-devant ministre de la communication devant Satan, ou alors celle de Françoise Foning, cette pépite rare dont le génie communiquant n’éclot que dans le malodorant trou de cabinets tyranniques, ne cesse de désemplir ses millions dans le dos de ces cadavres que les sanguinaires ambitions multiplient ici et là. Il y a tellement d’orphelins à acheter ! Il y a tellement de veufs à taire ! Il y a tellement de pères laissés sans fils, ou de mères sans leur garçon-vandale exécuté à rendre silencieux ! La tyrannie du signe pour empêcher que s’entende le chant du cygne de l’assassin, c’est ça la réalité bien camerounaise de cette fin de régime. La société du spectacle pour recouvrir une à une les récalcitrantes gouttes de sang qui s’alignent sur le chemin tortueux que trace Mbiya devant le portail de son incarcération repoussée.

 

Oui, c’est devant le spectacle abracadabrant de cette tyrannie bien camerounaise que Bertoua devient un lieu idoine de déportation. Si l’Est c’est la Sibérie de la communication, Bertoua est le Goulag postmoderne ! Il sert la double fonction de couper des centres de l’information, Yaoundé et Douala, bref, de rompre cette chaine qui nous lie à la vérité, et de laisser lieu au soupçon : ‘Et si Enoh avait fait ça ?’ se dit-on. ‘Qui sait, peut-être que ?’ ‘Vous savez, je ne le connaissais pas vraiment, mais alors, vous dites qu’on l’accuse de quoi encore ?’ ‘De ‘braquage’, d’‘excroquerie’, de ‘traffic d’or en Chine’ et de quoi d’autre ?’ ‘D’‘association de malfaiteurs’ ?’ ‘Un candidat à la présidence devenu feyman ?’ ‘Bèbèla, les Camers sont forts !’ ‘Je vous avais toujours dit que le gars-là est louche !’ ‘Et voilà un autre vaurien !’ ‘Wèèèkè, si déjà les Abah Abah volent dans ce pays, pourquoi pas un morpion comme ton Meyomesse-là qui ne remplirait même pas une cabine téléphonique de ses soi-disant militants !’ ‘Ah, les opposants sont des affamés dans ce pays, voilà encore un autre nyamangolo !’ Et triomphe l’infamie ? Pourtant, non, non et non : Enoh Meyomesse serait-il coupable qu’il deviendrait notre Saint Genet. Allez djjjjjiiiire !

______________________________

 

Enoh Meyomesse est innocent, tout le monde le sait parfaitement!

 

Il est innocent de toutes ces charges farfelues dont on l’accuse. Mais son crime, lui, est simple, et nous le connaissons : il est béti, voilà la vérité.

 

'Je te supplie, faites quelque chose pour moi. Ils vont me tuer.' Telles sont les paroles qu’Enoh Meyomesse aura adressées de sa cellule de Bertoua, à un ami comme lui journaliste d’opinion dans notre pays. Ce seront jusqu’ici ses dernies mots, sauf deux ou trois autres fois où il a appelé ici et là pour demander des aides sporadiques. Ce cri d’alarme fut lancé du fond de l’abime dans lequel les grandes réalisations l’auront jeté, car c’était avant son transfert au tribunal militaire de Yaoundé. Depuis cet écrivain des plus respectés, cet intellectuel camerounais des plus en vue, ce critique vocal de la dégringolade de son pays, ce candidat à l’élection présidentielle du 9 octobre 2011, ce Jean-Paul Sartre camerounais, comme l’appelle un jeune artiste, sera paradé devant les medias avec entre ses mains un écriteau disant ce dont il est accusé : ‘vol aggravé.’Dans ce pays où les criminels ne sont pas spectacle télévisuel, il sera montré au journal de vingt heures de la CRTV, à côté d’autres damnés présentés comme ses complices, lui qu’on veut nous dire chef de gang de bandits. Assassinat de caractère, nessa ?

 

Etablissement public de culpabilité, nessa ?

 

Foutaise ! Pourtant lisons ce qu’Enoh Meyomesse dit lui-même dans un livre paru cette même semaine-ci, sur la justice de notre pays : ‘L’ensemble du système et des procédures est si controversé que pour la plupart des justiciables, ce ne sont plus les injustices qui surprennent au Cameroun. C’est quand il y a un jugement d’équité qu’ils sont surpris.' Et comment ! Dans tous les pays, la justice a toujours le visage de l’Etat dont elle est l’expression : ainsi lors de la ségrégation raciale (et aujourd’hui encore), la justice américaine était accusée d’être blanche. De même en Afrique du sud, celle-ci ne sera devenue multiraciale qu’avec la victoire de l’ANC aux élections. Et c’est le modèle sud-africain, bref, c’est l’apartheid justement qui nous permettra de présenter avec un peu plus de précision la dimension de cette injustice camerounaise, fille qu’elle est de l’Etat tribal de Mbiya, qui a fait d’Enoh Meyomesse son captif. Comme l’Etat tribal, l’apartheid qui était basé sur la suprématie d’un groupe, banc, était plus qu’irrité par ces blancs-là, et ils étaient nombreux, qui étaient contre son système.

 

Comme au Beti Power, à l’apartheid il fallait établir une vision blanche homogène et hégémonique du pays, et cela n’était possible qu’en prenant en otage toute la population blanche d’Afrique du sud, et donc, en anéantissant les dissidents blancs.

 

Ceux-ci étaient d’habitude des écrivains, ces têtes dures de toute tyrannie. Ainsi en est-il par exemple de Breyten Breytenbach, André Brink, mais aussi du poète Dennis Brutus qui tous passèrent des décennies en exil, tout comme des activistes tel Ruth First ou son époux Joe Slovo. Les dernières années de Mongo Beti au Cameroun se sont passées sous la menace permanente du Beti Power, on le sait. Pour l’Etat tribal qu’a construit Mbiya au Cameroun, pour les milices militaires (BIR) et paramilitaires des Tsimi Evouna et autres Mama Fouda qui sont ses hommes demain, pour le Beti Power donc, Enoh Meyomesse est comme ces critiques blancs de l’apartheid. Pour un régime qui a reconduit l’axe Nord/Sud génocidaire en 2004, l’ennemi sudiste est le plus menaçant. Nul autre que Célestin Bedzigui, cet autre opposant sudiste a formulé l’incandescent sur lequel danse la phrase critique d’un béti, quand formulée au cœur de Yaoundé que les artisans du Beti Power veulent aligné, donc purifié : ‘Alors qu’on sait ce que le régime peut organiser contre vous quand vous commettez la faute mortelle d’être Beti-Boulou, Critique féroce, opposant déterminé, toutes qualités qu’Enoh a pour son malheur.’

 

Et dans son essai, Discours sur le tribalisme (2010), Enoh voit très bien la profondeur de cette gangrène. Lui qui ne définit encore le tribalisme que comme ‘discrimination fondée sur l’appartenance ethnique’ (p.6), vit dans sa chair aujourd’hui le fait qu’il soit dans notre pays un système politique comme le racisme pour l’apartheid, un système donc, qui veut‘mettre chacun à sa place’ ; un système qui est fondé sur l’inégalité de fait des multiples tribus du Cameroun et leur organisation hiérarchique : boulou en haut, pygmées en bas. Si malgré ses mascarades qu’il nomme ‘dosage ethnique’ le RDPC a effectivement mis le Cameroun sous la bote des béti, il a pris les béti en otage de sa violence, et encore plus les boulou. Etre opposant est un luxe auquel le béti n’a pas droit au Cameroun. Moins évidemment qu’il ou elle ne soit une taupe au service du tyran comme Esther Dang. Un opposant béti, marxisant en plus comme Enoh Meyomesse, est un ‘traitre à la tribu.’ Il est donc similaire au communiste blanc sous l’apartheid. Lisons ce qu’Enoh disait de ce tribalisme défensif, dans un texte comme il en écrivait, distribué en janvier 2009, intitulé ‘Accentuer la lutte pour la chute de Paul Biya’, et dans lequel il décrivait le réveil de février 2008 : ‘Autrement dit, même les Beti, le groupe ethnique auquel il appartient, sont entrés dans la contestation. Lui, pour se consoler, s’obstine à affirmer que ceux-ci ont été manipulés.’ L’Etat tribal tel que conçu et mis en pratique par Mbiya, est fondé sur l’infantilisation des boulou, et des béti. La libération du Cameroun de la tyrannie commencera par ces fissures qui se dessinent sur le glacis béti avec les multiples emprisonnements d’Epervier – à commencer évidemment par celle de Titus Edzoa.

 

En Afrique du sud aujourd’hui, les blancs se disent ‘libérés’ – libérés de l’apartheid. Le tour des béti arrive au Cameroun. Les fractures que des dissidents comme Enoh Meyomesse auront dessiné sur le visage de l’union sacrée des ‘ressortissants du sud’ que la propagande nous dit‘unie derrière’ le tyran, les couacs qui ressortent de réunions pré-génocidaires qu’un Fame Ndongo concocte dans les bureaux de la CNPS et qui ici et là débouchent sur des appels haineux lancés au cœur d’un Yaoundé pourtant cosmopolite, n’est-ce pas ce qui donne le plus de sueur froide à l’assassin qui nous dirige ? En aout 1982, le régime de l’apartheid avait envoyé une lettre explosive à Ruth First, communiste, blanche anti-apartheid donc, jusque dans son exil mozambicain, et l’avait tuée ainsi. Au Cameroun le RDPC ne procède pas différemment : il attrape le béti opposant et après l’avoir maintenu dans le secret à Bertoua pendant un mois, torturé, coupant toutes les chaines de communication sociale de l’homme, le trimbale devant le regard de la république, et pour le frustrer de la gloire qu’il croit résider dans le titre de prisonnier d’opinion que mérite tout opposant, lui colle sur le dos une accusation de ‘vol aggravé’, de ‘braquage à main armée’,d’‘association de malfaiteurs’, de ‘recel de minerais’, une accumulation de charges qui laissent si pantois le naïf qu’elles lui font oublier que ce n’est qu’une autre de ces manipulations de la loi dont ce régime se sert toujours. Or c’est simple pourtant: le seul crime d’Enoh Meyomesse, c’est qu’il est béti. Seulement, être un béti n’est pas un crime dans une république. Et notre pays en est bien une.

 

Enoh Meyomesse est innocent. Allez djjjjiiiiire !

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commentaires

P
Qui a commis un crime ? l’Etat du Cameroun ou bien Meyomesse ? je pense que la justice rendra son verdict, prière de ne pas chercher à manipuler l’opinion. L’image du Cameroun n’a pas besoin de<br /> tout ça.
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Textes De Juliette