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12 juillet 2011 2 12 /07 /juillet /2011 16:29

6 juillet 2011
James-William Gbaguidi

 

C’est sur la base d’un simple accord d'assistance logistique et de renseignement que la France entretient au Tchad environ un millier de soldats depuis pratiquement un quart de siècle. En réalité, c’est depuis le lendemain des indépendances que, soucieuse de maintenir un rang de puissance vis-à-vis de la Grande-Bretagne, de l’Urss et surtout des Etats-Unis d’Amérique, la France a décidé de tout mettre en œuvre pour conserver une importante influence dans ses anciennes colonies africaines alors même que les revendications indépendantistes se multipliaient tant sur le continent qu’en dehors. Cette influence qui devait lui assurer l’accès aux ressources et un rôle politique important avait alors besoin de se fonder sur un socle véritablement solide et sécurisé : l’armée. Les accords de coopération militaire et de défense signés à cette occasion ne laissaient pas le moindre doute à ceux qui en connaissaient le contenu. L’indépendance, un bien vain mot. Aussi, lorsque les forces militaires françaises sont intervenues en 1986 pour sauver le régime du président tchadien Hissène Habré de ses ennemis soutenus par la Libye, il n’y avait, pas grand-monde pour lever de protestations.

 

Le vol de l’épervier s’en va prendre fin. Déployé au-dessus-du Tchad depuis le milieu des années 1980, le dispositif militaire français au Tchad connu sous le nom d’ «opération épervier» égrène peut-être ses derniers jours. Si on en croit l’annonce faite par le Ministre français des Affaires étrangères, Alain Juppé. Mise en application de la politique sarkozyenne de « rupture » tant annoncée sans grand résultat ou repli stratégique pour manquer à un ami « ingrat » ?

 

Ce type de pratiques extrêmement banales à une époque de l’histoire, n’a commencé à poser problème qu’à la fin de la guerre froide et surtout à partir de la vague de démocratisations des années 1990. Même si en ses débuts d’exercice du mandat présidentiel, le président français François Mitterrand a mené quelques actions à l’encontre des réseaux occultes chargés par l’Elysée de maintenir le « pré-carré » français en Afrique. Autant dire à l’encontre de la France elle-même. Cela n’aura duré que le temps de s’en rendre à l’évidence. C’est sous le même François Mitterrand que l’opération Epervier a été déployée au Tchad en 1986. Et que, un peu partout en Afrique, la présence militaire française a été mise au service d’ambitions retors, totalement en contradiction avec les intérêts réels des peuples d’Afrique. Avec la bénédiction de leurs dirigeants. Comme par le passé. Minuscule aperçu de la « Françafrique ».

 

Les annonces de transmutation se sont succédées sans jamais se concrétiser.  La doctrine française également a évolué. En vocables. De « l’indépendance dans l’interdépendance » d’Edgard Faure à « accompagner sans dicter » de Dominique de Villepin en passant par « ni ingérence, ni indifférence » sous Lionel Jospin, on en est arrivé avec Nicolas Sarkozy à la promesse de « rupture » formulée en 2007. Pour le même résultat. Avant l’intervention de la force française Licorne en Côte d’Ivoire qui restera dans les mémoires comme l’action décisive qui a fait capituler Laurent Gbagbo, l’armée française est intervenue deux fois au Tchad dont une fois du temps de la « rupture ». En 2006 et surtout en 2008, alors que les forces rebelles hostiles au président Idriss Déby Itno étaient sur le point de prendre la capitale tchadienne Ndjamena, il aura fallu l’intervention, là encore décisive, du dispositif français « Epervier » pour sauver le régime. Raison pour laquelle, quand par ces temps derniers, il est évoqué avec une certaine insistance le retrait prochain des soldats français stationnés au Tchad, il m’arrive dans l’esprit une foule de questions et d’hypothèses.

 

D’abord pourquoi ? Et pourquoi maintenant ? Certainement parce que, sentant amoindrie la menace rebelle, le gouvernement tchadien a commencé depuis quelques mois à exiger de la France qu’elle paye pour justifier sa présence sur le territoire tchadien. Les forces rebelles traditionnellement armées par le Soudan sont en effet totalement déconfites et désorganisées suite au retrait du soutien que leur assurait le président soudanais Omar el-Béchir. Par ailleurs, l’autre menace potentielle, celle venant de la Libye, est peut-être en passe d’être éradiquée, du fait de l’insurrection et des bombardements de l’OTAN. Enfin, du point de vue français, le dispositif épervier coûte déjà environ quarante millions d’euros annuels au contribuable.

 

Néanmoins, ces hypothèses ne satisfont pas. Il y en a d’autres. Primo, il ne faut pas croire que la France va retirer son armée d’un pays qu’elle a gardé totalement sous contrôle durant pratiquement la totalité des 50années d’indépendance si elle n’avait d’autres moyens de pression. Deuxio, les exigences du Président Déby n’ont pas dû plaire. Et alors, peut-être faudrait-il le laisser se dépêtrer seul face à une rébellion qui pourrait bien profiter de l’occasion pour se reconstituer ou à une déferlante islamiste en provenance de la Libye voisine en feu.  Cela lui rappellera sans doute l’utilité de l’ « épervier » français. Tertio, ce peut bien être un simple effet d’annonce, à l’endroit d’une opinion publique française, même si elle n’en fait pas son plat de thé, attend sûrement de son gouvernement qu’il réalise de substantielles économies sur les postes supposés futiles, pour faire face à la crise interne.

 

En tout état de cause, les Français peuvent toujours faire mine de partir, ils reviendront. Sous les formes actuelles ou sous le nouveau manteau annoncé par le Quai d'Orsay. La fin de la Françafrique, ce n’est pas encore pour demain… Et cela ne commencera sûrement pas par le Tchad.

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