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28 avril 2010 3 28 /04 /avril /2010 09:50

Action des chrétiens pour l’abolition de la torture (ACAT-France) – Amnesty International

 

 

Togo : le quinquennat de l’impunité

Déclaration à la presse

26 avril 2010

 

 

Le cycle de l’impunité perdure toujours au Togo. Cinq ans après les violences politiques d’avril 2005 - ayant causé la mort de près de 500 personnes, selon les Nations unies - les victimes et leurs familles attendent encore et toujours que justice leur soit rendue.

 

L’ACAT-France et Amnesty International appellent le président de la République du Togo, Faure Gnassingbé, réélu en mars 2010, à mettre la justice au centre du processus de réconciliation nationale entamé il y a près de trois ans, à l’occasion de son discours d’Atakpamé de juillet 2007.

 

Selon Clément Boursin, responsable des programmes Afrique à l’ACAT-France, « la quête de réconciliation affichée par les autorités en place ne doit pas se faire aux dépens d’un processus judiciaire visant à établir la responsabilité pénale individuelle des auteurs des violences d’avril 2005 ».

 

A ce jour, plus de soixante-dix plaintes ont été déposées par le Collectif des associations contre l’impunité au Togo (CACIT) à Lomé, Atakpamé et Amlamé. Mais aucune enquête judiciaire n’a encore été ouverte faute de volonté politique. De son côté, la Commission vérité, justice et réconciliation (CVJR), officiellement installée en mai 2009, a été quasi inopérante en près d’un an d’existence malgré les moyens humains et financiers qui lui ont été alloués. 

 

En vertu de ses dispositions, la CVJR dispose d’un délai de dix-huit mois, prorogeable de six mois, pour accomplir deux missions :

 

·         déterminer, à travers un rapport circonstancié et détaillé, les causes, l’étendue et les conséquences des violations des droits de l’Homme et les violences qui ont secoué les fondements de la société togolaise de 1958 à 2005 ;

·         proposer des mesures susceptibles de favoriser le pardon et la réconciliation nationale.

 

A moins d’un an de la fin de son mandat officiel, force est de constater qu’aucune investigation approfondie n’a été initiée par la CVJR auprès des personnes, des institutions, des administrations, des autorités politiques, religieuses, traditionnelles et de la société civile afin de recenser et d’identifier les victimes de violences ou leurs ayants droit. Aucune audition majeure n’a également été organisée avec les victimes, les témoins et les présumés auteurs d’infractions.

 

En vue d’établir toute l’étendue et les conséquences des violations des droits de l’Homme et des violences qui ont secoué le Togo en près de 50 ans et de faire au gouvernement des recommandations portant sur le sort à réserver aux auteurs des violations des droits de l’Homme les plus graves et les mesures à prendre pour éviter la répétition de ces actes de violences, la CVJR devra donc redoubler d’activités pour réaliser ses missions avant la date butoir de mai 2011.

 

 

 

Toutefois, les activités de la CVJR ne doivent en aucun cas retarder l’examen par la justice togolaise des soixante-dix plaintes en attente d’instruction.

 

« A l’heure où le président réélu cherche à rassembler le plus grand nombre de Togolais autour de son projet de développement du pays, nous attendons plus que des signaux symboliques, nous attendons des actes en vue d’éradiquer l’impunité des auteurs et des responsables des graves atteintes aux droits humains perpétrées lors de la précédente élection présidentielle d’avril 2005 » affirme  Salvatore Saguès, chercheur d’Amnesty International chargé de l’Afrique de l’ouest francophone.

 

Pour l’ACAT-France et Amnesty International, « les auteurs de ces crimes doivent être recherchés et jugés et les victimes doivent se voir accorder des réparations adéquates ».

 

 

 

 

Contacts :

 

·         Clément Boursin, responsable des programmes Afrique, ACAT-France : 01.40.40.02.11, clement.boursin@acatfrance.fr

·         Salvatore Saguès, chercheur d’Amnesty International chargé de l’Afrique de l’ouest francophone : 01.53.38.55.15, ssagues@amnesty.org

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19 avril 2010 1 19 /04 /avril /2010 09:05

8 avril 2010 

Source : Safari Chizungu  

 

 

Arcane et rouages de la coopération militaire françafricaine

 

Les accords qui unissent notre pays avec beau nombre de dictatures africaines sont tenus secrets. Même les élus du Parlement ne peuvent y avoir accès... Et pour cause. Ces derniers sont un gage pour les dictateurs africains que la France, par la toute puissance du chef des armées de notre néo-monarchie présidentielle (Le Président de la République française) fera intervenir l'armée, et si l'opinion nationale s'y oppose, tout ce que notre pays compte d'anciens militaires " barbouzards ", de mercenaires pour intervenir contre les populations africaines pour sauver ces dictateurs en cas de soulèvements populaires.

 

Les médias français, complètement en connivence avec les services (DGSE, DST) et l' armée ne relatent jamais ces opérations musclées de l'armée française. Opérations de répression contre les populations qui assez logiquement veulent se débarrasser des dictateurs que nous leur imposons. On ne compte plus les interventions militaires françaises sur le continent africain ayant pour seul but de maintenir au pouvoir des dictateurs " amis de la France " contre la volonté des peuples (Le Gabon en est sans doute le meilleur exemple). Plus discrètement encore, suivant ces " accords ", l'armée française forme, arme et entraîne les gardes présidentielles de nombreux dictateurs. Ces gardes prétoriennes, souvent à composante ethnique, sont les seules armées vraiment organisées et efficaces des dictateurs qui bien évidemment les utilisent pour maintenir l'ordre, donc museler les populations, faire taire les opposants, les journalistes, etc.

 

Au lendemain des indépendances, la France a prolongé ses liens étroits avec ses anciennes colonies en menant une politique de coopération multiforme, tant sur les plans technique et culturel, qu'économique et militaire, visant à garantir une stabilité apte à conforter son influence. Cette politique, impulsée par le général de Gaulle et reproduite par ses successeurs, apparaissait aussi comme la volonté de garder à la France son statut de grande puissance aux côtés des Etats-Unis ou de la Russie, tout en se ménageant un espace protégé aux Nations Unies. Ses crises actuelles n'empêchent pas l'Afrique de demeurer un enjeu géopolitique. Les risques graves qui menacent plusieurs pays tendraient plutôt à accroître la vigilance des puissances occidentales : au lieu d'avoir à gérer les débordements des crises nationales successives (Somalie, Rwanda, Libéria, Soudan ...), elles préfèreraient les contenir par des pressions politiques et économiques fortes. Multiplication des conflits locaux, difficultés de construction des Etats, instabilité du pouvoir, croissance du commerce des armes : autant de failles, autant d'arguments avancés pour la conclusion ou la prolongation d'accords de coopération militaire franco-africains, qui en viennent aujourd'hui à concerner 23 pays. Les premiers ont été signés aussitôt après les indépendances, d'autres datent du début des années quatre-vingt. Tous sacrifient au dogme de la stabilité, quitte à sacrifier aussi des populations à l'enkystage, durant plusieurs décennies, de régimes dictatoriaux.

 

L'obsession de la stabilité 

 

Quelles qu'aient été les évolutions des données géopolitiques mondiales, la France continue d'accorder la priorité aux problèmes de sécurité. Elle tend à considérer la stabilité politique comme une valeur en soi, supérieure au développement et au progrès de l'Etat de droit - et non pas seulement corollaire ou concomitante. Du coup, l'Etat a systématiquement raison contre la population - dussent ses occupants, comme au Rwanda, pousser jusqu'au génocide la manipulation raciste. Le dernier Sommet franco-africain de Biarritz (novembre 1994) a enfoncé le clou de la sécurité, tout en remettant à l'honneur les plus célèbres champions de la répression sanglante ou du sabotage de la démocratie. Ainsi, le noble objectif de départ - sauver de l'anarchie et du sous-développement -, conduit à une sinistre caricature, qu'illustrent bien les terribles perversions que connaissent en certains pays, et chez certains de nos militaires, les mots " services " et " sécurité ". C'est que se conjuguent l'erreur complaisante et l'hypocrisie patente. La facilité latino-jacobine persiste à (faire) croire qu'un Etat peut, sans contre-pouvoirs réels, assurer autre chose qu'un ordre inhumain, à l'arbitraire exponentiel. Le double langage consiste à prôner la sécurité pour le développement, alors qu'on bunkérise les places fortes du pillage et des trafics en tous genres ; à prôner l'ordre au bénéfice de la société, alors que l'on favorise son encasernement. Au bout, la réalité ne retrouve pas le discours.  Le droit sacrifié  Le discours officiel doit donc se renouveler, augurer de nouveaux horizons : " Moins de milices ou de commandos parachutistes, mais des forces de gendarmerie ou de police, respectueuses des principes républicains, rendraient sans doute à la stabilité de vos Etats de meilleurs services ", lançait François Mitterrand lors de la séance inaugurale du Sommet de Biarritz. Mais, dans la pratique, la France arme, équipe et forme des milices claniques... Les avocats de la présence militaire française ne sont pas à court d'arguments : " nous le faisons mieux que d'autres ", ou " nous allons là où nous sommes utiles, là où il y a des progrès à faire "...

 

En réalité, nulle part, jamais, le choix du droit n'est vraiment fait : ni celui de l'Etat de droit comme élément central de la sécurité des populations, et de l'économie ; ni celui du droit républicain et du droit international, dans la mesure où les relations franco-africaines sont en permanence ravalées, par l'exécutif, à la familiarité, au bon plaisir, aux passe-droits et aux bakchich. L'armée française, généralement disciplinée, se voit ainsi contrainte d'exercer ses missions dans un contexte pervers : la " Garde républicaine " qu'elle doit épauler est évidemment tribale ; les armes ou les techniques de renseignement qu'elle procure servent aux exactions, la logistique aux trafics ; à l'extrême, on l'engage dans une opération humanitaire (Turquoise) qui couvre le repli d'un gouvernement, d'un état-major et d'un réseau de propagande génocidaires. Cela, c'est pour les militaires légalistes. Mais trop nombreux sont ceux qui plongent dans l'aventurisme (combien de petits Lawrence ou de pseudo-Rambo), qui entretiennent la culture des " coups tordus ", ou qui se dépêchent de pantoufler dans les innombrables officines parallèles de " sécurité " ou de vente d'armes. 

 

Le choix de la France 

 

La présence militaire française en Afrique (10 000 hommes sur le continent) est au service, dit-on, de la grandeur de la France - cette puissance moyenne qui veut se faire aussi grosse que les vrais Grands. Une certaine nostalgie de l'Empire, ajoutée au besoin de justifier sa présence au Conseil de sécurité de l'ONU, de protéger des marchés et de faire marcher des protégés, fabriquent une coopération militaire ambiguë, secrète, voire dangereuse. La France ne choisit pas le droit des populations des pays " aidés " : elle se détourne déjà, ainsi, de sa grandeur la plus universellement reconnue, sa devise " Liberté, Egalité, Fraternité ". Bien plus, elle ne choisit pas ses propres intérêts. Son rôle à l'ONU ne sera pas renforcé par les votes stipendiés de quelques dictatures militaires. Sa langue sera vomie si elle finit par trop évoquer la tyrannie. Et ces ruineux marchés baignant dans la corruption, plusieurs fois payés par le contribuable (via la COFACE et l'aide publique au développement), s'effondreront pour n'avoir jamais su installer la seule vertu commerciale durable : la fiabilité des produits et des services. On le voit, ce sont moins les dérives ou les errements de la présence militaire française en Afrique qui sont ici en cause, que l'impossibilité de lui assigner des objectifs équitables sans que soient restaurés les fondements de rapports équitables entre la France et l'Afrique. 

 

Arcanes et rouages de la coopération militaire

 

Qui décide ?  Les affaires africaines constituent le domaine réservé de l'Elysée. La coopération militaire faillit d'autant moins à la règle que le Président de la République est aussi le chef des armées. C'est le ministre de la Coopération qui met en oeuvre les directives du chef de l'Etat aux plans technique et financier. Toutefois, la caractéristique majeure de l'organigramme de la coopération militaire est un fractionnement des compétences. Du chef de l'Etat (et son conseiller aux affaires africaines) au ministre de la Coopération ou au ministre de la Défense, en passant par le Premier ministre, le Quai d'Orsay ou le Secrétaire général de la défense nationale, tous s'estiment concernés et responsables de la politique menée. La coopération militaire stricto sensu ne recoupe que les conventions d'assistance militaire techniques, tandis que les accords de Défense, conclus avec le " noyau dur " des pays du champ francophone, sont administrés directement par le ministère de la Défense. On se retrouve dans le cas de figure d'administrations concurrentes, gérant une politique d'autant moins harmonieuse que sa cohérence n'est tout simplement pas pensée (ni recherchée ?). La Mission militaire de coopération (MMC) illustre cette situation. Organisme théoriquement autonome, elle est dirigée par un général, qui relève donc de la Défense, mais qui gère 17 % du budget de la Coopération... Depuis 1965, la MMC est rattachée au cabinet du ministre de la Coopération. Elle propose et exécute la politique décidée à l'Elysée, à travers cinq domaines d'action : études, finances, logistique, personnel et stages. Dans les pays concernés, les chefs de mission d'assistance militaire recueillent, filtrent et incitent les demandes des responsables africains. Le champ d'action de la MMC est le même que celui de son ministère de tutelle. Comme ce champ, depuis les indépendances, n'a cessé de s'accroître - aux anciennes colonies belges, espagnoles et portugaises -, le nombre des pays concernés a doublé en 15 ans. Cette multiplication des partenaires fait partie d'une stratégie d'extension de l'influence française en Afrique : il s'agit non seulement d'élargir la francophonie, mais de se présenter à ces pays comme une alternative aux anciennes tutelles. C'est ainsi que la France a ravi le Rwanda, le Zaïre et le Burundi à leur parrain belge, ou la Guinée équatoriale à ses attaches espagnoles. Elle s'est substituée au grand frère soviétique dans les Etats anciennement marxistes (Guinée, Congo ...). Actuellement, des négociations sont en cours pour inclure le Mozambique, l'Angola ou le Zimbabwe . 

 

800 millions de francs : pour quoi faire ? 

 

Les budgets de la coopération militaire ont connu une courbe de croissance continue jusqu'en 1978, et se sont stabilisés (en francs constants) pour tourner autour du milliard de francs depuis 1984, avec une baisse sensible certaines années (820 millions en 1994). L'aide directe en matériel est plutôt en déclin depuis 1980, sauf lorsque des opérations ponctuelles requièrent une mobilisation particulière (par exemple les besoins d'armement et de véhicules de l'armée tchadienne ou rwandaise...). Mais la fourniture de matériel militaire capte en général la majeure partie du budget global de la coopération militaire (jusqu'à 50 %). L'assistance en personnel a, elle, décliné jusqu'en 1975 pour se redresser ensuite. Quant à la formation de stagiaires étrangers, elle perd des crédits de façon significative, notamment à cause de l'implantation d'écoles militaires en Afrique. Les formations nouvelles sont de plus en plus coûteuses, notamment dans des secteurs en pleine expansion comme l'aéronautique. Former un pilote ou un mécanicien coûte très cher et les demandes abondent. La France fait des efforts financiers particuliers dans ce domaine, car elle apparait quasiment seule en Afrique. Depuis le début de la coopération militaire, on remarque un net décalage entre le budget initialement voté et le budget final (+ 265 % en 1978... ). C'est effectivement un domaine imprévisible par excellence, les crises de certains pays ne trouvant de réponse que dans l'accroissement des budgets prévus (octroi de matériels, conseillers techniques,... ). De plus, l'accroissement systématique du nombre des pays du champ, sans augmentation significative du budget global, oblige les premiers prétendants à partager - ce qu'ils ne font pas volontiers. Des demandes inopinées en cours d'année tentent toujours de rattraper certaines diminutions de crédits. Enfin, la crise économique persistante n'incite pas les pays africains à l'autonomie en matière de sécurité et de défense, et la tendance est à une demande toujours croissante. En l'honorant trop mal, on craindrait d'inciter certains chefs d'Etat africains à rechercher d'autres partenaires.

 

Cette situation provoque un climat tendu à la MMC. Les octrois complémentaires lui échappent politiquement. Ils ne sont pas couverts par le ministère de la Coopération, au budget limité, mais accroissent les charges financières dont le ministère de la Défense doit faire l'avance. Ce déficit est structurel depuis 1984. Les fonctionnaires de la MMC pratiquent un lobby incessant pour que la Loi de Finances s'accorde sur la réalité et sur les priorités politiques réelles de la France. Mais une drôle de manie veut que Paris cache ses priorités, notamment en tout ce qui concerne le continent africain. Cette façon de jongler entre les crédits initiaux et les crédits réels constitue une illustration supplémentaire du refus de transparence patenté dans les relations franco-africaines. 

 

Liens et noeuds : les accords 

 

La coopération militaire recouvre deux notions distinctes :   l'assistance militaire technique, théoriquement non liée politiquement, et qui ne préjuge pas d'accords complémentaires pouvant consacrer des options communes aux deux parties. Le ministère de la Coopération, et plus spécialement la MMC, est normalement le premier interlocuteur des pays africains en la matière. Mais les compétences sont de plus en plus fractionnées, avec la montée en puissance de Matignon (Secrétariat général de la Défense Nationale), due aux périodes de cohabitation. Ce poste représente près d'un milliard de francs par an, avec 880 coopérants militaires. Les 23 pays qui ont signé des accords de coopération militaire avec la France sont : le Bénin, le Burkina, le Burundi, le Cameroun, la Centrafrique, les Comores, le Congo, la Côte d'Ivoire, Djibouti, le Gabon, la Guinée équatoriale, la Guinée, Madagascar, le Mali, Maurice, la Mauritanie, le Niger, le Rwanda, le Sénégal, les Seychelles, le Tchad, le Togo et le Zaïre. Certains accords datent du lendemain des indépendances, tandis que d'autres ont été établis après une rupture des relations avec la France, comme en Guinée, à Madagascar ou au Congo. D'autres pays récemment entrés dans le " champ " de la Coopération demandent à en bénéficier, comme l'Angola et le Mozambique.

 

Des actions ponctuelles de coopération militaire peuvent d'autre part être décidées en dehors d'accords globaux. C'est le cas en Haïti, où la France a proposé 20 millions de francs pour former et transformer une force de " police " locale (de 3 500 hommes) en une gendarmerie.  les accords de Défense, qui créent entre les deux Etats concernés des liens très étroits. Plus qu'une alliance militaire, ils vont de pair avec une certaine harmonisation de la vie diplomatique et même avec l'existence d'institutions politiques communes . Troupes prépositionnées, matériel, et institutions conjointes sont financés et administrés par le ministère de la Défense. La France a des accords de Défense avec huit pays : Côte d'Ivoire, Centrafrique, Djibouti, Gabon, Sénégal, Cameroun, Comores, Togo. Des forces prépositionnées permanentes sont présentes dans les cinq premiers. Il faut souligner que, dans les accords, le concept de défense est entendu dans sa double acception : interne et externe. Cela explique certaines incursions relevant strictement de la stabilité intérieure. Les clauses par lesquelles la France peut accepter de participer à des opérations de maintien de l'ordre si un Etat lui en a adressé la demande restent secrètes. Elles ne sont pas publiées au Journal Officiel. Ces accords mènent l'engagement français bien au-delà de la simple assistance militaire.

 

Ainsi, "la République gabonaise a la responsabilité de sa défense intérieure, mais elle peut demander à la République française une aide dans les conditions définies par les accords spéciaux" (secrets). Lors des émeutes de Libreville et Port-Gentil, la France a donc pu légalement intervenir sous le prétexte de protéger ses ressortissants. L'accord de Défense autorise aussi l'armée française à utiliser les infrastructures gabonaises, à faire usage des balisages nécessaires sur le territoire et dans les eaux territoriales de la République gabonaise, les postes et télécommunications locaux..., etc. L'armée française est pour ainsi dire chez elle au Gabon - comme dans tous les pays avec lesquels elle a des accords de Défense. Moyennant quelles contreparties ? Les textes n'en parlent guère, mais on les imagine à l'usage.

 

Cette perméabilité favorise en tout cas, pour le moins, une osmose politico-économico-militaire... Autres exemples : le gouvernement malgache peut " faire appel au gouvernement de la République française pour l'entretien et les fournitures de matériels et d'équipements " ; l'accord de Défense avec le Togo prévoit une " assistance militaire technique fournie par le gouvernement français pour la formation en France de personnel des forces armées togolaises " et des " facilités de transit et d'escale " pour les forces armées françaises. Ces énoncés laconiques prennent bien sûr un relief particulier quand on observe les agissements de ces forces armées togolaises face aux manifestations de rue. L'Etat français oublierait-il de former les recrues togolaises à l'Etat de droit ? Outre ces accords de Défense et d'assistance militaire, il existe des conventions particulières secrètes (non publiées au Journal officiel), par lesquelles la France peut accepter de participer à des opérations de maintien de l'ordre si un Etat lui en fait la demande. Mais ces clauses deviennent très encombrantes pour Paris, car un régime autoritaire peut être menacé sans qu'il soit possible - décemment -, pour la France, de le protéger ouvertement des revendications populaires. Ainsi, en juin 1990, la France n'a pas donné suite à une demande d'intervention de ce type de feu Félix Houphouët-Boigny. Mais rien ne dit qu'elle n'a pas répondu de façon plus détournée, pour ne pas se compromettre sans contrarier " Le Vieux ".

 

Bases et moyens Les bases françaises en Afrique sont établies dans cinq de ces pays bénéficiaires d'accords de Défense : Côte d'Ivoire, Centrafrique, Djibouti, Gabon, Sénégal. La base la plus importante est celle de Djibouti, avec plus de 4 000 hommes (en comptant les administratifs). En tout, Paris entretient environ 10 000 hommes en permanence sur le continent africain, sans compter les forces temporaires, comme au Tchad ou récemment au Rwanda, qui ont considérablement diminué d'importance, si l'on considère les 58 500 soldats qui les occupaient dans les années soixante. Mais l'engagement français s'est plutôt modifié qu'amoindri. En effet, avec la création de la Force d'action rapide en 1983, trois divisions sont spécialisées sur l'Outre-mer, ce qui garantit une rapidité d'action et une efficacité nouvelle pour la France, surtout en combinaison avec les bases qui entretiennent l'infrastructure nécessaire à toute action militaire. 

 

Contenu

 

L'assistance militaire française se décline en trois volets :   Aide directe en matériel (environ 38 % du volume global de l'aide), finançant l'achat et l'entretien de matériel et d'équipements militaires. Après quelques tentatives d'exercer cette assistance à titre onéreux, le bureau logistique y a renoncé. Les équipements et fournitures sont procurés sans aucune contrepartie financière des Etats bénéficiaires. Le Tchad et le Sénégal sont les deux gros bénéficiaires de ce type d'aide, censé répondre aux besoins spécifiques des pays et partant donc de leurs propres commandes.  Assistance en personnel (environ 50 % des dépenses globales de la MMC). On compte environ un millier de coopérants militaires dans les 23 pays concernés par les accords avec la France (880 en 1994). Ce n'est qu'une maigre survivance des effectifs en poste dans les colonies, ou immédiatement après les indépendances (2 500 hommes en 1962). Ce millier d'assistants militaires techniques viennent des trois armes, de la gendarmerie et des services de santé de l'armée, avec cependant une nette prédominance de l'armée de terre et de la marine. Ces personnels portent l'uniforme des armées nationales auxquels ils sont rattachés, tout en dépendant hiérarchiquement du général, chef de la mission d'assistance militaire près l'Ambassade de France de chacun des pays concernés. Ils exercent en général des responsabilités à un niveau très élevé.

 

En son temps, le Zaïre était très demandeur de ce genre de personnel. Le Gabon et Djibouti aussi, et, dans une moindre mesure, la Côte d'Ivoire et la Mauritanie.  Formation des cadres militaires africains (qui absorbe environ 12 % du budget de la MMC). Considéré comme prioritaire, ce secteur se heurte à la limitation des places disponibles dans les écoles françaises, mais aussi au coût très élevé de certaines spécialités (notamment dans l'aéronautique). La Mission militaire de coopération accueille en moyenne 2 000 stagiaires par an, mais les demandes sont dix fois plus élevées. Les écoles militaires inter-africaines sont destinées à élargir les possibilités de répondre à toutes ces demandes. Elles sont implantées en Côte d'Ivoire, au Togo, au Zaïre et au Sénégal. La France envisage d'ouvrir d'autres écoles de formation militaire que les quatre existantes, de renforcer et de créer de nouvelles forces de gendarmerie, tout en essayant de réduire les effectifs pléthoriques des armées africaines. Ce dernier effort n'est pas seulement une réponse à l'incitation du Fonds monétaire international, qui veut réduire les budgets de fonctionnement d'Etats en faillite : les " demi-soldes " ou les soldats non payés constituent en effet le premier danger pour la population qu'ils rackettent, et le premier risque de trouble de l'ordre public... L'action de la Mission militaire de coopération revêt une importance d'autant plus forte qu'un tiers environ des Etats bénéficiaires de l'assistance militaire sont eux-mêmes des régimes militaires. Des rapports privilégiés existent fréquemment entre le général chef de la mission militaire de coopération sur place et les chefs d'Etat, souvent formés dans des écoles militaires françaises... 

 

L'importance stratégique que la France accorde officiellement aux différents pays " du champ " peut se lire à travers les budgets d'assistance qu'elle leur accorde :  Centrafrique : 139 MFGabon : 138 MFTchad : 128 MFCôte d'Ivoire : 116,2 MFMauritanie : 102 MF Niger : 101,2 MFCameroun : 98,5 MFDjibouti : 91,4 MFSénégal : 87,7 MF Rwanda : 82,8 MFComores : 54 MFBurundi : 51,5 MFTogo : 12,5 MF (Chiffres de 1993) Les effectifs stationnés sont eux aussi explicites :  Djibouti : 3 880 hommes + chars, blindés, hélicoptères, avions de chasse, patrouilleur, avion-cargo de transport.  Sénégal : 1 470 hommes + automitrailleuses légères, hélicoptères, avion- cargo, avion de patrouille. Centrafrique : 1 340 hommes + automitrailleuses légères, hélicoptères.  Tchad : 800 hommes + hélicoptères, avions de chasse, avion-cargo, automitrailleuses, chars, blindés.  Côte d'Ivoire : 710 hommes + une centaine de conseillers militaires auprès du régime d'Abidjan + blindés et véhicules légers.  Gabon : 650 hommes + une centaine d'instructeurs (encadrant aussi la garde présidentielle et se chargeant des services de " contre- ingérence " + engins blindés, avions de chasse, transport, ravitaillement.

 

Nul doute que ces troupes ne sont pas en Afrique pour des parades humanitaires. Bruno Delaye, responsable de la cellule africaine de l'Elysée de 1992 au début 1995, le reconnaît : " A quoi servirait de maintenir une force de 10 000 hommes en Afrique si c'est seulement pour évacuer nos ressortissants ? "  De la coopération à l'action  Les interventions françaises en Afrique (une trentaine depuis les indépendances) ponctuent la vie médiatique française au point que l'opinion publique y est presque indifférente. Il ne s'agit que de la partie émergée de l'iceberg, mais elle révèle les finalités du rôle de " gendarmerie " que la France entend tenir en Afrique, et leur évolution.

 

Chronologie des principales interventions militaires de la France en Afrique (1962-1994) : 

1962, Sénégal : maintien de l'ordre après une tentative de coup d'Etat contre le président Senghor. 

1964, Gabon : envoi de parachutistes après l'enlèvement du président Léon M'Ba, pour le remettre au pouvoir. 

1967-1970, Centrafrique : Bokassa craignant un coup d'Etat, la France lui envoie une compagnie de parachutistes. 

1968-1972, Tchad : participation à la lutte contre la rébellion au Tibesti (menée par l'homme du nord, Hissène Habré), à la demande du président Tombalbaye. 

1977-1978, Zaïre : guerre du Shaba, pont aérien entre Rabat et Kolwezi, évacuation des étrangers par les parachutistes. 

1979, Centrafrique : opération Barracuda. Deux compagnies de parachutistes aident David Dacko à renverser Bokassa. 

1983-1984, Tchad : opération Manta, 4 000 hommes pour soutenir Hissène Habré. 

1986, Togo : 150 hommes en soutien au président Eyadéma lors d'une tentative de coup d'Etat. 

1986 à aujourd'hui, Tchad : opération Epervier (900 hommes). Soutien au gouvernement tchadien contre les tentatives d'invasion de la Libye. 

1989, Comores : 200 hommes envoyés à Moroni après l'assassinat du président Abdallah. 

1990, Gabon : opération Requin. 2 000 hommes envoyés pour " protéger les ressortissants étrangers " après les émeutes de Libreville et Port-Gentil. 

1990-1993, Rwanda : opération Noroît. Entre 300 et 1 000 hommes aident le gouvernement en place à repousser les assauts du FPR.

1991, Togo-Bénin : 450 hommes sur l'aéroport de Cotonou, censés répondre à une tentative de putsch contre le Premier ministre togolais à Lomé. Cette gesticulation se solde finalement par une non-intervention. 

1991-1992, Zaïre : 1.000 hommes envoyés à Kinshasa après les émeutes anti-mobutistes. 

1992, Angola : opération Addax. 50 hommes encadrent les élections angolaises. 

1992, Somalie : opération Oryx. 2 100 hommes sous commandement américain dans le cadre de l'UNITAF.

1993, Somalie : 1 100 hommes sont engagés dans l'opération UNOSOM II. 

1994, Rwanda : opération Turquoise, " intervention humanitaire " déployée à partir du Zaïre (officiellement, pour arrêter le génocide des Tutsis).

 

Mandat de l'ONU  

 

CONCLUSIONS :  Au vu des dérives de la coopération militaire franco-africaine, la question de la suppression de ce type de coopération pourrait se poser, ou au moins celle de ses outils les plus visibles comme les bases permanentes. Mais cette question débouche vite sur une autre : la coopération militaire française, en se retirant ou en voulant respecter certains principes, ne laisserait-elle pas la place à d'autres, qui en profiteraient pour grignoter la chasse gardée de la France ? Déjà, devant le refus français de financer une garde présidentielle " loyale " au président congolais Lissouba, c'est Israël qui a accepté de former cette milice. Au prix fort : 49 millions de dollars pour cinq anciens agents du Mossad .

 

De plus en plus d'Etats africains créent des liens avec Israël, d'Idriss Deby (Tchad), menacé par son voisin arabe du Nord, au Cameroun, au Zaïre, au Gabon, en passant par les pays sahéliens à dominante musulmane, comme le Sénégal, le Niger, la Mauritanie, voire même le Soudan ! Il convient de noter cependant qu'à part Israël (et parfois la Chine), aucun pays ne se précipite pour appuyer militairement ces régimes. Faut-il comprendre cela comme un lâchage de l'Afrique ? N'est-ce pas aussi que ces régimes sont indéfendables ? Le lâchage de l'Afrique affecte d'ailleurs beaucoup plus ses habitants que ses dirigeants. Le problème est en réalité celui d'un double langage qui ne pourra plus longtemps être tenu. Quand des dictateurs font appel à des mercenaires israéliens, les choses sont claires pour tout le monde. La France prétend, elle, que sa présence et sa coopération militaire sont conformes à ses valeurs, qu'elles oeuvrent en faveur de l'Etat de droit. Si c'est cette plus-value qui légitime l'investissement militaire français en Afrique, il faut qu'elle soit honorée, et perçue.

 

S'il s'agit seulement de rivaliser avec d'autres entreprises publiques, para-publiques ou privées, fournisseurs de gorilles et de gadgets électroniques à potentats locaux, il n'est pas sûr que l'influence de la France - autre éternel prétexte - y gagne à terme. Et l'on ne voit pas pourquoi le contribuable subventionnerait de son impôt le soutien militaire de régimes criminels et l'instruction de leurs milices : l'alibi de la solidarité internationale a des limites, comme le mépris de la devise républicaine. Il faudrait laisser alors les " privés " prendre leurs risques, et en payer éventuellement le prix, sans y compromettre notre pays.

 

La France ne pourra longtemps encore jouer sur tous les tableaux - du lyrisme humanitaire au cynisme trafiquant. Elle, et son armée, sont probablement capables de coopérer à l'institution de l'Afrique en communiquant l'héritage de leurs valeurs républicaines. C'est cet espoir qui fait que leur image n'est pas encore définitivement galvaudée. Mais cet espoir s'étiole. L'heure est proche du rejet violent d'une hypocrisie qui paraîtrait invétérée - et le mensonge militaro-humanitaire ne ferait qu'accélérer ce constat. La France vaut mieux que les incartades d'un Barril, les conseils d'un Lacaze, les trafics d'armes de la DGSE, le soutien cynique aux bourreaux de Khartoum, Kinshasa, Lomé, N'Djaména,... ou elle ne vaut rien. Si elle n'est pas capable d'inventer une coopération militaire privilégiant la sécurité des populations plutôt que de ceux qui les martyrisent, de contracter avec des pays plutôt qu'avec leurs pillards et leurs assassins (invention qui serait une contribution appréciable à l'essor du continent africain - alors l'illégitimité de sa présence militaire s'imposera comme une traînée de poudre) et il vaudrait mieux programmer vite fait son extinction.  

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13 avril 2010 2 13 /04 /avril /2010 18:42
  par Sadig Rasheed

 Texte intégral d'un article paru dans le Bulletin DPMN, 3(1), août 1995: pages 12 - 14

Les mesures pour renforcer l'étique et la responsabilité sont souvent un point essentiel inscrit à l'agenda de la réforme du service public dans les pays en voie de développement et les pays développés. Ces dernières années, le débat sur les violations morales et les efforts pour les freiner et pour renforcer la responsabilité se sont intensifiés en Afrique, principalement pour quatre raisons:

 

  • l'augmentation de la fréquence des pratiques immorales et le manque de responsabilité ;
  • la vague de libéralisation politique dans laquelle l'Afrique a plongé depuis 1989 et qui a donné à une société en herbe le courage de demander l'application de codes de moralité et la condamnation de ceux qui les violent;
  • une reconnaissance progressive de la contribution des pratiques immorales aux difficultés financières auxquelles de nombreux pays africains doivent faire face; et
  • la pression exercée par les bailleurs de fonds extérieurs qui exigent que les pays africains s'attachent plus scrupuleusement à assurer une bonne gouvernance et à réduire le gaspillage et la dissipation des ressources.

Le manque de responsabilité, le comportement immoral et les pratiques de corruption se sont tellement répandus, devenant même des normes institutionnelles de comportement en Afrique, que l'on peut parler à juste titre d'une crise de moralité dans les services publics africains. Alors que certains pays, comme la Namibie ou le Botswana, se distinguent par des niveaux "acceptables" de corruption, la réalité est malheureusement différente dans la majorité des pays africains. En dehors de la corruption inconditionnelle, le patronage, le népotisme, le détournement de fonds, le trafic d'influence, l'utilisation de sa position pour son enrichissement personnel, le favoritisme de parents ou d'amis, le travail au noir, la partialité, l'absentéisme, les arrivées tardives au travail, l'abus des biens publics, la fuite et/ou l'abus d'informations gouvernementales sont des manifestations courantes de cette situation critique. L'impact négatif évident de telles pratiques sur la productivité, la réactivité, la légitimité et la transparence des gouvernements, la mise en oeuvre effective des politiques, et les efforts pour engendrer le redressement et le développement dictent en général le besoin d'engager des actions concertées entres toutes les personnes concernées pour traiter ce problème débilitant.

 

 Traiter avec succès ce phénomène nécessite une compréhension plus profonde des causes sous-jacentes. Les divers auteurs qui ont tenté de donner une explication plausible du problème ont souvent distingué l'une ou l'autre dimension comme facteur le plus crucial. Certains affirment cependant que la question n'est pas si simple et que des facteurs politiques, culturels et économiques sont à la racine du problème multidimensionnel.

 

 Au fil des années, l'Etat africain s'est transformé peu à peu en entité non démocratique, autocratique, et patrimoniale. Etant essentiellement un véhicule exécutant la volonté et les caprices non remis en question d'une élite dirigeante irresponsable, l'Etat est devenu un terrain idéal de reproduction des forces extrêmes engendrant un comportement immoral. Même avec la transition vers une libéralisation politique plus importante, le paternalisme est une qualité dont l'Etat doit effectivement se débarrasser.

 

 Parce que le recrutement dans le service public a été et est toujours très influencé par le patronage et les facteurs politiques, les loyautés, les engagements et les actions des fonctionnaires publics sont souvent guidés et façonnés par leurs loyautés primordiales plutôt que par les exigences d'un professionnalisme impartial.

 

 La nature omniprésente de l'Etat, son contrôle surdéveloppé des affaires économiques, les pouvoirs de licenciement et d'approbation dont sont investis les fonctionnaires publics ont créé de grandes opportunités d'abus professionnel à des fins d'enrichissement personnel.

 

 La question quant à savoir si la crise économique est une cause ou un effet de la crise éthique en Afrique est toujours très discutée. Certains sont néanmoins d'avis que, alors que les deux crises se renforcent sans aucun doute mutuellement, la détérioration rapide des conditions économiques - que connaît la majorité des pays africains depuis le début des années 80 - a encouragé davantage les titulaires des bureaux publics, tant politiciens qu'administrateurs, à chercher et à obtenir des compensations en échange de leurs services et qu'elle a affaibli leur aversion et leur horreur de telles pratiques.

 

 Peut-on remédier à la situation?

Plusieurs tentatives ont été entreprises au cours des années pour combattre les pratiques de corruption et de violations éthiques. La promulgation de règles et la mise en place de mécanismes institutionnels pour renforcer le comportement moral sont communs à toutes ces tentatives.

 

 En 1975, le Nigéria a promulgué un Code de conduite qui a été intégré par la suite dans les constitutions de 1979 et de 1989, exigeant des hauts fonctionnaires de ne pas autoriser leurs intérêts personnels à entrer en conflit avec leurs responsabilités officielles, de ne pas s'impliquer dans des engagements pécuniaires secondaires, de ne pas exploiter des comptes dans des banques étrangères, de ne pas demander de cadeaux, de déclarer leurs biens lors de leur entrée en fonction, tous les quatre ans et à la fin de leur contrat. En 1957, l'Ethiopie a promulgué un article spécial dans le code pénal civil qui, sous le titre "Rupture de la confiance et délits contre les intérêts du gouvernement et du service public," couvrait des clauses gérant notamment la perception de gains mal acquis, l'abus ou le gaspillage de biens publics, la fraude de documents publics, les pratiques de corruption, et l'acceptation d'avantages non dus. La Côte d'Ivoire a promulgué une loi contre la corruption et un "Certificat de lutte contre la corruption" en 1977.

 

Divers organismes ont aussi été mis en place pour freiner les violations éthiques. Le système de médiation chargé d'arbitrer les litiges entre les citoyens et l'administration a été mis à l'épreuve au Ghana, au Nigéria, en Namibie, au Soudan, en Zambie, en Tanzanie et au Zimbabwe. Le Nigéria a instauré un comité de réclamations publiques en 1975 pour enquêter sur les plaintes relatives à des actes administratifs commis par des hauts fonctionnaires, ainsi qu'un comité des comptes publics en 1966 pour assister les législateurs dans leurs fonctions de surveillance des bureaux exécutifs quant à la dépense des fonds publics. Des organismes identiques ont été mis en place dans d'autres pays, comme par exemple le comité de contrôle des travailleurs (1987) et la "Cour spéciale" pour juger les délits relatifs à l'exploitation, au gaspillage et à l'abus de l'autorité, à la pratique de corruption et au favoritisme (1981) en Ethiopie; le Groupe anti-corruption (1975), la Commission de renforcement du code de direction (1973) et la Commission permanente d'enquête (1966) en Tanzanie.

Dans certains cas, ces initiatives ont en partie réussi à réaliser certains des objectifs directs cachés derrière ces mesures. Cela n'a cependant pas été généralement le cas. Plus important est le fait que la fréquence de violation éthique s'est accrue, même dans des pays où un grand nombre de contrevenants ont été soumis à une enquête et/ou condamnés.

Reste la question cruciale: pourquoi ces mesures ont-elles été en général un échec? Est-il réaliste d'espérer remédier à cette situation étant donné l'étendue du malaise de conduite immorale et, jusqu'ici, le succès limité de son traitement?

En premier lieu, ces mesures étaient un échec car elles ont été introduites dans un environnement politique et politicien qui contribuait insuffisamment au succès de ces mesures. Lorsque la grande corruption sévit au niveau supérieur du gouvernement et des politiques, la nature de la gouvernance reste fondamentalement non démocratique, irresponsable et patrimoniale. Là où les systèmes de patronage sont restés intacts, on peut à peine espérer mettre en vigueur des mesures contre le comportement immoral avec un quelconque degré de sérieux ou espérer que les systèmes et les institutions visant à renforcer l'éthique fonctionneront sans ingérence. Donc, la nature de l'Etat, de la gouvernance et de l'engagement au plus haut niveau politique sont des conditions nécessaires pour arriver à freiner et à condamner avec succès les violations éthiques.

Deuxièmement, les mesures introduites ont été essentiellement de nature partielle, se focalisant surtout sur les sanctions.

Troisièmement, de nombreuses institutions mises en place pour encourager la moralité et la responsabilité ont souvent manqué de ressources, de visibilité publique, d'impartialité et de soutien public nécessaires à leur succès.

L'ampleur du travail pour traiter les pratiques de corruption et pour encourager la moralité et la responsabilité dans le service public africain ne doit pas être sous-estimée. Malgré des expériences désastreuses dans ce domaine, il est toujours possible d'en tirer de grands bénéfices. A cet effet, il est nécessaire que le gouvernement et le public appliquent de manière consciencieuse et soutenue des mesures globales se renforçant réciproquement - pas simplement des solutions partielles - pour faire face à la nature multidimensionnelle du problème, dans le cadre d'une gouvernance démocratique, réactive, transparente et responsable.

Un agenda détaillé pour encourager l'éthique et la responsabilité dans les services publics de l'Afrique contemporaine devrait englober les points suivants:

  • Stimuler et encourager des mesures aptes à renforcer les normes professionnelles et morales.
  • Mettre en avant et affirmer des politiques saines sur le recrutement, la formation et la gestion du personnel du service public.
  • Encourager les associations du service public à jouer un rôle catalytique dans l'institutionnalisation des valeurs professionnelles et dans la défense des intérêts ayant rapport avec la profession.
  • Créer une psychologie du service dans la vie publique et politique.
  • Créer, renforcer et soutenir l'intégrité et l'efficacité des institutions publiques en matière de responsabilité.
  • Réduire une centralisation et une bureaucratie excessives.
  • Mettre en vigueur, améliorer et renforcer effectivement des outils légaux, des codes de conduite et des arrêtés qui encouragent l'éthique et la responsabilité.
  • Etablir des coalitions d'associations professionnelles et de la société civile pour dévoiler et combattre la corruption.
  • Informer par des campagnes de masses de l'étendue et du coût de la corruption et du comportement immoral.
  • Poursuivre en justice, de manière systématique et impartiale, les contrevenants.
  • Stimuler la participation de la population pour garantir la réactivité, la responsabilité et la transparence de la gouvernance.

Ce dernier point de l'agenda détaillé demande une discussion plus approfondie. Même les meilleures garanties et les meilleures pratiques sous les systèmes de gouvernance démocratique peuvent céder aux abus, comme l'a démontré à plusieurs reprises l'expérience des pays développés. C'est pour cette raison qu'une garantie considérable de normes supérieures de moralité et de responsabilité doit relever de la capacité des citoyens, des organisations et des associations populaires à tenir les fonctionnaires publics et les politiciens responsables de leurs actes et également s'assurer que les institutions publiques remplissent leurs fonctions de manière correcte et responsable. En Afrique, le processus de réforme politique en cours devrait renforcer de telles opportunités.

Enfin, il ne faut pas négliger la dimension internationale de la crise éthique. La corruption des hauts fonctionnaires publics dans les pays en voie de développement a souvent été employée par les hommes d'affaires des pays développés comme une méthode juste et légitime pour favoriser l'exportation. Dans les pays industrialisés de nombreux gouvernements passent la corruption sous silence, certains l'encouragent ouvertement et d'autres accordent même des réductions d'impôt sur les pots-de-vin. Il est urgent de renforcer le comportement éthique au niveau international enfin de pouvoir réduire la grande corruption dans les pays en voie de développement - dont l'Afrique - résultant des transactions d'activités internationales. Ces dernières années, Transparency International a joué un rôle appréciable en tirant la sonnette d'alarme sur ce problème et en demandant la prise d'actions pour y remédier. N'importe quel progrès significatif dans ce sens demanderait un accord sur des conventions internationales et leur mise en vigueur stricte visant à condamner les corrompus, renforcer des systèmes internationaux d'intégrité, instaurer des lois de divulgation des comptes extérieurs, le rapatriement des biens et des paiements acquis par voie de corruption internationale. La communauté internationale est cependant loin de tout consensus susceptible d'aborder de telles mesures.


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13 avril 2010 2 13 /04 /avril /2010 18:06

9 avril 2010

L'Indépendant

Sortie prochaine en librairie d’un excellent livre de Franck Saragba sur la compétition politique.

Comme disait l’autre, un écrivain, c’est d’abord un homme, une famille, un pays, une vocation. Même s’il n’a pas, lui, la prétention d’être un écrivain, après Fini kodé, son premier ouvrage qui a été bien accueilli par les lecteurs, Franck Saragba récidive et revient avec un magnifique livre dont la thématique est d’actualité en Centrafrique et dans certains pays africains : ÉDUCATION POPULAIRE À LA COMPÉTITION POLITIQUE. Autrement dit, apprentissage de la démocratie au peuple ou simplement, comment aider les masses populaires africaines à s’approprier les règles inhérentes à un processus électoral.


M. Franck Saragba
M. Franck Saragba
ÉDUCATION POPULAIRE À LA COMPÉTITION POLITIQUE est le titre du livre de Franck Saragba qui sera disponible en librairie début mai. À la veille des élections présidentielles et législatives prévues en Centrafrique, ce livre apparaît comme l’une des réponses à la question complexe et compliquée de l’éducation des électeurs à l’exercice démocratique. L’auteur nous ramène à cette réalité fondamentale. Et il était grand temps. 

Son expertise, désormais incontestable sur les questions politiques de la Centrafrique nous aide à comprendre le mécanisme électoral. Franck Saragba montre le chemin, donne les outils, suggère des méthodes pour la réussite de toute opération électorale. 

ÉDUCATION POPULAIRE À LA COMPÉTITION POLITIQUE se lit de bout en bout avec une curiosité sans cesse en éveil. C’est un livre qui nous apprend une foule de choses, autant sur les opinions de son auteur que la problématique abordée. Le livre est publié aux Éditions BEAFRICA, une maison centrafricaine. C’est un ouvrage d’environ 200 pages qui ne coûte que 20 euros. 

Vous pouvez dès à présent le commander en envoyant un mail à cette adresse : assobeafrica@yahoo.fr; adressez votre chèque de 22 euros, frais de port compris, à l’ordre de Juste-Archange Poussou III. 

Si vous êtes à Bangui, rendez-vous à la Maison de la Presse ou contactez les Éditions BEAFRICA, monsieur Prosper YAKA, à ce numéro : 75 50 36 32. Vous n’allez débourser que 10. 000 FCFA seulement. 

ÉDUCATION POPULAIRE À LA COMPÉTITION POLITIQUE est à lire absolument. 

 

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12 avril 2010 1 12 /04 /avril /2010 11:24

10 avril 2010

RFI

 

 

Les gouvernements africains ont multiplié les contrats de location de terres agricoles avec des sociétés étrangères au cours de ces cinq dernières années. Le phénomène n'est pas nouveau mais les motivations, les acquéreurs et le rythme d'acquisition, oui.

 

 Depuis deux ans, l'Association des agriculteurs sud-africains (Agri-SA) est très courtisée par les gouvernements africains.


La puissante organisation, créée en 1904 et qui compte 70 000 membres, est une aubaine pour plusieurs pays qui veulent redynamiser leur agriculture. Agri-SA, qui doit faire face à un programme de restitution de terres aux communautés locales, freiné mais inéluctable, se montre très intéressée. La flambée des prix des denrées de base, le développement des agrocarburants ne sont pas étrangers à ce nouvel intérêt. Mais surtout, pour la première fois, en 2008, l'Afrique du Sud a dû importer de la nourriture : la production nationale ne suffisant plus à une population en constante augmentation.


Ainsi le gouvernement du Congo-Brazzaville -tout comme celui de la République démocratique du Congo- a-t-il offert aux agriculteurs sud-africains de venir exploiter 10 millions d'hectares de terres agricoles.


Les pourparlers sont entourés d'extrême discrétion en raison des fortes résonances que constitue un tel accord. Toutefois, en novembre 2009, l'un des responsables d'Agri-SA annonçait la signature d'un contrat avec le Congo-Brazzaville portant sur l'exploitation de 200 000 ha dans la vallée de Nyari. Cette superficie étant, selon le communiqué officiel, celle des fermes d'État, abandonnées depuis plus de 10 ans. Par la même occasion, Agri-SA confiait que des contrats étaient en discussion avec 16 autres pays africains.

 

Des rapports alarmants


La location de terres agricoles à des sociétés étrangères n'est pas un phénomène nouveau en Afrique. Du temps de l'administration coloniale, les partenariats État-privé existaient déjà. Les indépendances ont simplement modifié les intervenants nationaux. Les contrats peuvent revêtir de multiples formes avec soit l'importation de main d'oeuvre, soit la participation de petits agriculteurs assistés par les sociétés qui leur fournissent semences, pesticides et équipement. Cultures d'exportation sont bien entendu favorisées. Cette distinction provoquant des inégalités criantes entre agriculteurs et menaçant l'équilibre des productions alimentaires locales.


En 2008, la hausse spectaculaire des prix du pétrole (voir graphique La Documentation française) a provoqué une ruée mondiale sur les terres susceptibles d'accueillir le colza, palmier à huile, canne à sucre, tournesol et toutes plantes pouvant se transformer en agrocarburant. La hausse des denrées alimentaires à base de céréales, a suivi, rendant attractif un secteur traditionnellement délaissé.


Les investisseurs se sont manifestés en Amérique du Sud, en Asie mais aussi en Afrique. La terre n'y est pas chère. L'agriculture a besoin de capitaux pour se moderniser. Les paysans, et la société civile, sont peu organisés.

 

Ce sont les négociations entre le Sud-coréen Daewoo Logistics et le gouvernement malgache de Marc Ravalomanana, entamées en novembre 2008 portant sur 1,3 million d'hectares pour un bail emphytéotique, qui ont servi de détonateur dans le paysage africain. Le projet, vivement combattu sur le terrain, sera retiré quelques mois plus tard et provoquera la chute du président, le 15 mars 2009.

Depuis, plusieurs organisations internationales dont la Banque mondiale et l'Organisation des Nations unies pour l'alimentation et l'agriculture (FAO) s'alarment de cette frénésie foncière à parfum spéculatif, certaines sociétés n'ayant aucune expérience dans le domaine de l'agriculture. Les gouvernements, dont la probité en matière de gestion des sols reste aléatoire (80% des terres africaines relèvent de «propriété légitime» et n'ont pas de titres légaux de propriété, selon le Centre de coopération internationale en recherche agronomique pour le développement-Cirad), ne sont pas insensibles à l'appel de ces nouvelles sirènes et, force est de reconnaître, que les contrats sur des terres dites «sous-exploitées», ces cinq dernières années. L'opacité qui entoure les tractations et la clandestinité de certains contrats n'ont rien de rassurant.


Les pays qui achètent


L'Arabie saoudite et les Émirats sont parmi les plus gros acheteurs. En 2008, l'Arabie saoudite s'est imposée de nouvelles limites sur l'utilisation de l'eau en agriculture et a offert des prêts à taux préférentiels aux sociétés qui s'implanteraient dans des pays à fort potentiel agricole. Leurs terrains de prédilection : l'Égypte, le Soudan* qui sort lentement de la guerre civile, l'Éthiopie (la location annuelle est de moins d'1 euro/ha), le Kenya et l'Ouganda. Leurs intérêts se portent aussi sur le Mali et le Sénégal.


L'Égypte, Djibouti, l'Inde, la Chine prospectent également en Éthiopie. Un pays très ouvert qui a aligné plus de 800 contrats (enregistrés) de location avec des investisseurs étrangers depuis 2007. Les surfaces couvertes par ces contrats ne sont pas astronomiques au regard de ce qui se conclut dans d'autres pays, mais les facilités d'exportation et les exemptions accordées par le gouvernement, choquent dans un pays où la disette est monnaie courante, et où les petits paysans ne peuvent faire valoir leurs titres de propriété.


La République de Djibouti, dont les surfaces arables ne constituent que 0,05% de son territoire, est allée prendre langue avec les dirigeants malawites pour cultiver 55 000 ha.


La Chine, qui a fait venir 400 nationaux et ses propres semences, exploite aujourd'hui un peu plus de 4 000 ha en Ouganda. Au Cameroun (10 000 ha) et au Mozambique, les Chinois comptent cultiver du riz. Des négociations pour faire venir 10 000 colons en Afrique australe sont en cours.

 
En Tanzanie, c'est une société suédoise qui convoite 400 000 ha dans le district de Bagamoyo, au nord de Dar-es-Salaam pour planter de la canne à sucre. Précisément là où subsistent 1000 petits riziculteurs.


Au Liberia, la Lybian African Investment Portofolio, filiale suisse d'un fonds souverain lybien, lorgne sur une concession de 17 000 ha pour produire du riz.


Avec 197 millions d'ha en cultures sur 807 millions d'ha, identifiés comme «disponibles», le continent africain apparaît comme plein de promesses.


Le Nord du Soudan a une longue tradition de location de terres à des sociétés étrangères qu'elles soient occidentale, africaine ou arabe. La plaine de Gezira comptait 105 millions d'ha en exploitation en 1962 contre un peu plus d'une centaine en 1911.

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11 avril 2010 7 11 /04 /avril /2010 02:58
7 avril 2010

IFEX

 

Le CJFE sollicite des nominations en vue de l’attribution de récompenses pour la liberté de la presse

Le groupe des Journalistes canadiens pour la liberté d’expression (CJFE) sollicite des mises en nomination en vue de l’attribution de ses Prix internationaux de la Liberté de la presse, en reconnaissance du courage de journalistes qui ont surmonté des difficultés considérables - souvent au risque de leur vie - pour que les médias d’informations restent libres. Le CJFE sollicite également des candidatures en vue de l’attribution du Prix commémoratif Tara-Singh Hayer de la liberté de la presse, qui reconnaît un journaliste canadien qui, par son travail, apporte une contribution importante au renforcement et à la promotion du principe de la liberté de la presse au Canada ou ailleurs. 

Les lauréats de l’an dernier étaient la journaliste iranienne Jila Baniyaghoub et le journal « Novaïa Gazeta » de Russie. 

Chaque récompense consiste en une somme de 3 000 $CDN. La date limite des mises en nomination est le 30 avril 2010. 

Prix international CJFE de la liberté de la presse et Prix Tara Singh Hayer 
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10 avril 2010 6 10 /04 /avril /2010 23:09

1er décembre 2009

Aurélie Carton 
Amnesty International

 

 

NIGERIA. Cent jours après la publication du rapport d’Amnesty International sur le fléau de l’or noir dans le Delta du Niger, l’organisation a fait un premier bilan et maintient la pression sur le gouvernement nigérian et sur Shell, principal acteur pétrolier dans le pays. Premier bilan. 

 celestine akpobari

 

Celestine AkpoBari dénonce l’obsession pétrolière 


«À Paris, j’ai dormi comme un bébé car pour la première fois de ma vie, je respirais de l’air frais»., plaisante, débonnaire, Celestine AkpoBari qui appartient au peuple ogoni vivant dans l’État de Rivers au sud du pays. Le militant situe d’emblée son engagement dans le sillon de la figure charismatique de cette communauté, l’écrivain Ken Saro-Wiwa, exécuté en 1995 après un procès gro- tesque. « Ken s’est opposé aux activités de Shell qui a exploité notre territoire de 1958 à 1993. Voyageant beaucoup, il s’est rendu compte du double standard entre le partage des revenus tirés du pétrole au Texas et celui que l’on connaît au Nigeria. En Afrique, là où vous avez du pétrole, vous avez la pauvreté et la violence ».


Issu d’une famille de fermiers, Celestine a travaillé dans une plantation de palmiers pour financer ses études à l’université. Choqué de voir les managers disposer de l’air conditionné tandis que les travailleurs s’entassent comme du bétail dans les camions, il s’investit dans le syndicalisme. Par le biais d’actions non-violentes, il obtient une sorte de mutuelle de santé, des augmentations de salaires et des bourses pour que le personnel puisse étudier.

 

 Issu d’une famille de fermiers, Celestine a travaillé dans une plantation de palmiers pour financer ses études à l’université. Choqué de voir les managers disposer de l’air conditionné tandis que les travailleurs s’entassent comme du bétail dans les camions, il s’investit dans le syndicalisme. Par le biais d’actions non-violentes, il obtient une sorte de mutuelle de santé, des augmentations de salaires et des bourses pour que le personnel puisse étudier. se souvient-il.

 

 En 2005, conscient des tentatives menées par le gouvernement pour détourner les militants de la lutte contre la pollution pétrolière, Celestine reprend le flambeau au sein du Forum de solidarité Ogoni du Nigeria. Une pollution encore bien visible : rivières désertées par les poissons, terres rendues incultes, problèmes respiratoires et lésions cutanées des habitants. Aujourd’hui, son mouvement demande des compensations financières, un travail de dépollution et l’annulation du jugement qui a conduit à la pendaison de Ken Saro-Wiwa. « Quand on me dit que les pétroliers sont une opportunité en termes d’emplois pour la population, je réponds que nous préférons nos activités traditionnelles, la pêche et l’agriculture qui permettent de vivre dans un environnement sain ».

 

 Après sa tournée en Europe (France, Suisse, Pays-Bas), Celestine a pris son bâton de pèlerin pour mobiliser le Delta du Niger : « Les élus, dont 80 % sont sponsorisés par les compagnies pétrolières, voudraient chasser les locaux et transformer ce territoire en immense exploitation car le pétrole est partout, sous nos maisons, dans nos champs… Quant au gouvernement, il n’a pas l’expertise pour comprendre en détail les contrats que les compagnies lui font signer », accuse Celestine. Il est loin le temps où les sociétés étrangères, fortes de leurs promesses de développement, étaient accueillies par une population locale en costume de fête.

 

 Cinquante ans plus tard, certains mouvements se radicalisent n’hésitant pas à pratiquer des enlèvements d’expatriés ou à se livrer au vandalisme. « Il y a une exaspération surtout chez les jeunes : Obansanjo, l’ancien président du Nigeria jusqu’en 2007, est venu trois fois chez nous sans lancer un seul projet de développement ! » Certes l’option pacifique du militant ogoni n’est pas dénuée de risques : récemment, 50 soldats sont venus l’arrêter alors qu’il présentait à des journalistes les désastres environnementaux causés par les torchères et le déversement des déchets. « J’ai alors envoyé un texto à mes gars et en moins de trois heures, les médias étaient prévenus et les responsables se sont excusés. Ils m’ont même offert à manger mais j’avais peur de finir empoisonné ! ». Célibataire à 36 ans, Celestine ne cache pas avoir négligé jusque là sa vie privée pour privilégier la cause, d’autant que dans un Nigeria sous régime militaire jusqu’en 1998, il craignait de faire d’une épouse une veuve et d’enfants des orphelins « Maintenant, j’y pense sérieusement ! », conclut-il avec un grand sourire. 

 

 

 ENTRETIEN AVEC FRANCIS PERRIN

 Membre du bureau exécutif d’Amnesty International France

 

 Le rapport d’Amnesty International sur le fléau de l’or noir au Nigeria est sorti en juin dernier, quel bilan peut-on faire aujourd’hui ? 
La conférence de presse organisée à Abuja le 30 juin pour lancer ce rapport a eu beaucoup d’échos à la fois médiatique et politique. La délégation d’Amnesty International a pu obtenir des entretiens de haut niveau, notamment avec le département des Ressources pétrolières censé réguler les activités des compagnies et surtout avec des parlementaires. Ces contacts sont très importants au moment où est discuté au Parlement un projet de loi gouvernemental pour réformer l’industrie pétrolière. Avec une dizaine d’ONG, nous estimons que cette réforme est une opportunité pour demander que soient pris en compte le respect de l’environnement et les droits de l’Homme liés à la question pétrolière. Dans le projet actuel, ces aspects sont peu présents. 

Pourquoi est-ce surtout la compagnie Shell qui est interpellée dans le rapport ? 
Shell est la compagnie étrangère la mieux implantée au Nigeria. En régime normal, le pays peut produire 2,5 millions de barils de pétrole par jour et 40 % de cette production est produite par cette compagnie. De plus, dans le Delta du Niger – région sur laquelle porte le rapport – Shell est le principal acteur pétrolier. Enfin, si le document d’Amnesty cite d’autres compagnies importantes comme Chevron, Exxon-Mobil, Total et Eni, sur le terrain, le travail de recherche de nos équipes a le plus souvent débouché sur des pratiques inacceptables de la compagnie Shell. 

Comment Shell a réagi à ces mises en cause ? 
Amnesty International a dû faire face à un véritable tir de barrage : Shell a répondu publiquement que le rapport n’apportait rien de nouveau, qu’il surestimait ses responsabilités et sous-estimait le fait qu’elle était la cible d’attaques, d’enlèvements de ses cadres etc. Shell affirmait en particulier que 85 % de la pollution était la conséquence d’actes de sabotages. Amnesty International conteste ce chiffre. Très souvent, en l’absence d’une instance indépendante, les compagnies sont juges et parties pour évaluer leur responsabilité dans un cas de pollution et préfèrent l’attribuer à un tiers pour éviter d’avoir à verser des compensations. Quand on parle de l’insécurité, il faut également analyser ses causes profondes : un environnement dévasté par une exploitation non contrôlée des ressources énergétiques qui met en péril la vie des habitants. Shell affirme qu’elle a mis en place des programmes d’aide aux populations locales à qui elle fournit des emplois, mais nous répondons qu’en matière de droits humains des violations ne se compensent jamais. Amnesty International a pris en compte les questions de sécurité en rappelant dans son rapport que les autorités nigerianes n’avaient pas su réglementer les activités des entreprises pétrolières. 

Où en sont les procès contre certaines compagnies qui ont réduit drastiquement les moyens de subsistance des populations locales ? 
Il y a eu un procès aux États-Unis intenté contre Shell par des proches de Ken Saro-Wiwa. Sans reconnaître sa responsabilité dans l’exécution de cet activiste, Shell a versé des compensations financières « à titre humanitaire » après accord entre les deux parties. Un autre procès est en cours aux Pays-Bas (siège de la compagnie Shell) dans lequel s’implique l’ONG de protection de l’environnement Les Amis de la terre. On peut également citer les décisions – certes non contraignantes – de la Commission africaine des droits de l’homme et des peuples selon lesquelles, en donnant le feu vert à un acteur économique privé, le gouvernement nigerian a laissé la porte ouverte à d’éventuelles violations des droits des Ogoni. Au Nigeria en revanche, il ne se passe pas grand-chose mais le fait que la Commission nationale des droits de l’homme envisage de se porter partie civile est une voie intéressante qui n’a pas été suffisamment exploitée jusqu’à présent.


Propos recueillis par A. C. 
Nigeria. Pétrole, pollution et pauvreté dans le Delta du Niger. Réf.
 AFR 44/018/2009.

Voir également notre page Nigeria le fléau de l'or noir

 « Nous avons surtout réussi à dénoncer la corruption des directeurs qui ont été renvoyés par le gouverneur militaire », se souvient-il.

Celestine Akpobari lors de son passage à la section française d'Amnesty International fin octobre 2009. (c) AI



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5 avril 2010 1 05 /04 /avril /2010 20:49

Lu 5 avril 2010

 Damien Millet

 Source : L'Afrique sans dette, CADTM / Syllepse 2005

 

afrique.jpgL'Afrique n'est pas une et indivisible. Toutes les sensibilités coexistent dans cette mosaïque. Tous les espoirs, tous les doutes aussi. Pourtant l'identité africaine n'est pas le seul trait d'union des peuples du continent : tous, ou presque, ont connu longtemps la domination et l'oppression. Pendant la première moitié du vingtième siècle, être africain signifiait d'abord être colonisé. Au début des années 1960, ce concept du « colonisé » va être déconstruit. L'horizon semble s'ouvrir.

 

Le pourtour africain

 


Vue d'Europe, l'Afrique n'a longtemps été qu'un pourtour. Dès le quinzième siècle, les Portugais furent les premiers à longer ses côtes, mais avant tout pour la contourner et trouver un chemin vers les Indes.

 

La traite transatlantique des Noirs (au moins onze millions d'Africains, selon l'estimation basse, déportés vers les Amériques entre le 16e et le 19e siècle) consistait surtout pour les négriers à récupérer des esclaves |1| sur les côtes. La traque des futurs esclaves dans l'intérieur du continent était souvent le fait d'Africains eux-mêmes, cédant à l'appât du gain ou à l'occasion de livrer leurs ennemis. Bien sûr, cela n'inverse en rien les responsabilités : la logique même de cette domination-là était imposée par de riches Européens, qui ont dû leur fortune au commerce triangulaire (esclaves africains vendus en Amérique, en échange de sucre, café, tabac, coton rapportés en Europe, avant d'embarquer fusils, étoffes et verroteries vers l'Afrique). Cette riche bourgeoisie européenne, qu'elle soit de Nantes, Bordeaux, Londres, Lisbonne ou Copenhague, a su trouver, dans ce but, des alliés et des subordonnés en Afrique, mais c'est elle qui est à l'origine et à l'aboutissement du processus de domination. Le témoignage du négrier français Théodore Canot (1806-1860) est limpide : « J'affirme sans hésiter que les trois quarts des esclaves exportés d'Afrique sont le fruit des guerres fomentées par la cupidité de notre propre race |2|. » Des résistances ont bien sûr existé : par exemple, le roi Adandozan du Dahomey (l'actuel Bénin) fut renversé en 1818 car il s'opposait à la traite négrière. La force était du côté des riches Européens qui ont pu imposer cette traite pendant plus de trois siècles |3|.

 

Les conséquences pour l'Afrique seront terribles. Les recherches de l'historien Joseph Ki-Zerbo prouvent en effet que l'Afrique avait atteint un haut niveau de développement politique, social et culturel avant que la traite des esclaves n'amorce le déclin du continent : « La traite des Noirs fut le point de départ d'une décélération, d'un piétinement, d'un arrêt de l'histoire africaine. Je ne dis pas de l'histoire en Afrique, mais d'une inversion, d'un retournement de l'histoire africaine. Si l'on ignore ce qui s'est passé au travers de la traite des Noirs, on ne comprend rien à l'Afrique |4|. »

 

L'exploration de l'intérieur du continent par des Européens n'a débuté qu'au 19e siècle et, en ayant recours à la violence, les grandes puissances sont parvenues à dominer l'ensemble du continent. A la suite de la conférence de Berlin en 1885, sept puissances coloniales européennes sont présentes en Afrique et opèrent un pillage en règle, baptisé « mission civilisatrice » : la France au Maghreb, en Afrique occidentale et équatoriale, à Madagascar, aux Comores, à Djibouti ; l'Angleterre au Nigeria, en Sierra Leone, en Gambie, en Côte d'Or (futur Ghana) et sur un arc allant de l'Egypte à l'Afrique du Sud ; l'Allemagne au Togo, au Cameroun, en Namibie et dans la région des Grands Lacs ; la Belgique au Congo belge ; l'Espagne en Guinée équatoriale et au Rio de Oro (Sahara occidental) ; le Portugal en Angola, au Mozambique, en Guinée-Bissau, à Sao-Tomé-et-Principe et au Cap Vert ; l'Italie en Libye, en Somalie et en Erythrée.

 

La défaite allemande lors de la première guerre mondiale conduit au démantèlement de son empire colonial, qui sera partagé entre la France, l'Angleterre et la Belgique.

 

Si l'on excepte quelques cas particuliers comme le Liberia (acheté au 19e siècle par une société américaine dite philanthropique pour y envoyer des esclaves afro-américains affranchis, mais surtout fortement dominé par la société états-unienne de pneumatiques Firestone Tire & Rubber Co, qui y exploite dès 1926 une gigantesque plantation d'hévéas de 400 000 hectares) et l'Ethiopie (sous domination italienne pendant une très brève période seulement), l'Afrique est, dans les années 1930, un continent sous la botte coloniale.

 

La décolonisation en marche

 

Les premières protestations ont lieu au lendemain de la première guerre mondiale. En France, c'est d'abord Lamine Senghor, militant communiste en relation avec le mouvement noir américain, qui dénonce le colonialisme avec le plus de virulence. Les décennies suivantes voient croître les protestations contre ce système colonial et les mouvements indépendantistes commencent à se structurer. La seconde guerre mondiale se révèle être un tournant décisif dans la voie des indépendances. Pour la première fois, les colonies voient leurs métropoles en position d'extrême faiblesse, et les troupes venues d'Afrique jouent un rôle important. La France et l'Angleterre proposent alors à leurs colonies une relative autonomie bien contrôlée afin d'éviter de perdre complètement leur emprise. Pourtant le vent de l'Histoire souffle dans le sens de la décolonisation et dès les années 1950, le sujet devient d'une brûlante actualité. Le terme Tiers Monde apparaît en 1952 sous la plume d'Alfred Sauvy dans l'Observateur. Le véritable acte de naissance de celui-ci est la conférence de Bandoeng (Indonésie) en 1955, dont l'objectif est de mettre définitivement fin au colonialisme |5|. En Afrique, les situations sont fort diverses d'un pays à l'autre.

 

Globalement, l'Afrique du Nord s'empare très tôt de cette revendication et les anciennes colonies deviennent progressivement indépendantes : la Libye en 1951, l'Egypte en 1953, le Soudan, le Maroc et la Tunisie en 1956. La France refuse celle de l'Algérie et lui impose une guerre à partir de 1954 qui conduit logiquement à l'indépendance algérienne en 1962, non sans provoquer un changement de régime en France et l'arrivée au pouvoir du général de Gaulle en mai 1958.

 

En Afrique noire, après le Ghana en 1957, les colonies britanniques obtiennent leur indépendance au début des années 1960. Dès 1958, la France propose à ses colonies, par référendum, de les intégrer dans la Communauté française. Seule la Guinée de Sékou Touré répond « non » et proclame son indépendance. Mais la pression anticoloniale s'intensifie et cette Communauté ne dure pas : les autres colonies françaises obtiennent leur indépendance à leur tour dans les années qui suivent. Le Congo (en 1960), le Rwanda et le Burundi (en 1962) s'émancipent de la métropole belge.

 

Quelques zones d'Afrique, très limitées, deviendront indépendantes plus tardivement : la Guinée équatoriale en 1968, les colonies portugaises entre 1973 et 1975 à la fin de la dictature à Lisbonne (qui est d'ailleurs une conséquence des luttes de libération dans ces colonies), quelques archipels comme les Comores, les Seychelles ou Djibouti dans les années 1970, le Zimbabwe en 1980, enfin la Namibie se libère de l'Afrique du sud en 1990, et l'Erythrée de l'Ethiopie en 1993. La question du Sahara occidental reste posée : annexé par le Maroc dès le retrait de l'Espagne en 1975, il s'est proclamé indépendant sous le nom de République arabe sahraouie démocratique (RASD) en 1976, mais reste sous domination marocaine et n'est pas encore le 54e pays d'Afrique. De même, Mayotte et la Réunion sont actuellement encore des départements français de l'Océan indien.

 

 

 


La violence comme fragile refuge

 

Si la guerre d'Algérie a marqué les esprits par son ampleur, il y eut d'autres guerres de libération, par exemple dans les colonies portugaises (notamment en Angola et au Mozambique). En général, la métropole répondait à des révoltes indépendantistes et à des guérillas insurrectionnelles par une répression massive et brutale. Citons Madagascar où les troupes françaises provoquèrent plus de 80 000 morts en 1947 ; le Cameroun où les revendications du leader de l'Union des populations camerounaises (UPC), Ruben Um Nyobé, conduisirent à l'interdiction de son parti par les autorités françaises en 1955, à son assassinat en 1958 ainsi qu'à celui de son successeur, Félix Moumié, en 1960, et à une répression massive et très meurtrière des maquis de l'UPC ; ou encore le Kenya où entre 1952 et 1960, les troupes anglaises ont réprimé violemment la révolte des Mau-Mau, au sein de l'ethnie des Kikuyus |6|.

 

Malgré ces soubresauts, parfois violents, la force des revendications populaires a contraint les puissances colonisatrices à reconnaître la plupart des colonies comme des États souverains. Le sentiment qui prévaut en Afrique au début des années 1960 est que, parfois au prix fort, le continent est globalement parvenu à l'indépendance. Certains pays vont symboliquement choisir de changer de nom, comme l'Oubangui-Chari qui devient la République centrafricaine, le Nyasaland qui devient le Malawi, ou la Rhodésie du Nord qui devient la Zambie - alors que la Rhodésie du Sud deviendra en 1980 le Zimbabwe. Plusieurs leaders africains vont s'illustrer par des déclarations et des actes emblématiques de cette phase d'émancipation.

 

Nasser et le canal de Suez

 

Un des premiers actes marquants de cette période est l'annonce de la nationalisation du canal de Suez par le régime nationaliste de Gamal Abdel Nasser en Egypte, le 26 juillet 1956. Son discours, prononcé à Alexandrie, est tout un symbole : « En ce jour, nous accueillons la cinquième année de la Révolution. Nous avons passé quatre ans dans la lutte. Nous avons lutté pour nous débarrasser des traces du passé, de l'impérialisme et du despotisme ; des traces de l'occupation étrangère et du despotisme intérieur. [...] La pauvreté n'est pas une honte, mais c'est l'exploitation des peuples qui l'est. Nous reprendrons tous nos droits, car tous ces fonds sont les nôtres, et ce canal est la propriété de l'Egypte. La Compagnie est une société anonyme égyptienne, et le canal a été creusé par 120 000 Egyptiens, qui ont trouvé la mort durant l'exécution des travaux. La Société du Canal de Suez à Paris ne cache qu'une pure exploitation. [...] En quatre ans, nous avons senti que nous sommes devenus plus forts et plus courageux, et comme nous avons pu détrôner le roi le 26 juillet [1952], le même jour nous nationalisons la Compagnie du Canal de Suez. [...] Nous sommes aujourd'hui libres et indépendants. »

Les populations de toute l'Afrique du Nord et du Moyen-Orient sont enthousiastes. La France et l'Angleterre, co-gestionnaires du trafic sur le canal jusque là, interviennent militairement avec la complicité de l'armée israélienne, mais doivent battre en retraite à la suite de pressions de la part de l'Union soviétique, qui soutient Nasser, et des États-Unis.

 

Le panafricanisme de Nkrumah et de Sékou Touré

 

Kwame Nkrumah, le père de l'indépendance du Ghana, est un panafricaniste convaincu. Quelques mois après son accession à la présidence en 1960, il écrit : « Le nationalisme africain ne se limite pas seulement à la Côte d'Or, aujourd'hui le Ghana. Dès maintenant il doit être un nationalisme panafricain et il faut que l'idéologie d'une conscience politique parmi les Africains, ainsi que leur émancipation, se répandent partout dans le continent. »

Ainsi va-t-il soutenir la démarche d'une autre figure importante du panafricanisme, Sékou Touré, en Guinée, premier pays d'Afrique noire à s'extraire de la zone d'influence française. Au moment où la Guinée dit « non » à la France de De Gaulle, Sékou Touré est très clair sur le sens de sa démarche : « Il n'y a pas de dignité sans liberté : nous préférons la liberté dans la pauvreté à la richesse dans l'esclavage. »

 

L'affront de Lumumba

 

Le 30 juin 1960, jour de l'indépendance du Congo, le roi des Belges prononce un discours haut en couleurs : « L'indépendance du Congo constitue l'aboutissement de l'œuvre conçue par le génie du Roi Léopold II, entreprise par lui avec un courage tenace et continuée avec persévérance par la Belgique. [...] Lorsque Léopold II a entrepris la grande œuvre qui trouve aujourd'hui son couronnement, il ne s'est pas présenté à vous en conquérant, mais en civilisateur. [...] Le grand mouvement d'indépendance qui entraîne toute l'Afrique a trouvé, auprès des pouvoirs belges, la plus large compréhension. En face du désir unanime de vos populations, nous n'avons pas hésité à vous reconnaître dès à présent cette indépendance. »

La réponse cinglante de Patrice Lumumba, Premier ministre congolais, reste gravée à tout jamais dans les mémoires africaines :
« Cette indépendance du Congo, si elle est proclamée aujourd'hui dans l'entente avec la Belgique, pays ami avec qui nous traitons d'égal à égal, nul Congolais digne de ce nom ne pourra jamais oublier cependant que c'est par la lutte qu'elle a été conquise, une lutte dans laquelle nous n'avons ménagé ni nos forces, ni nos privations, ni nos souffrances, ni notre sang.
Cette lutte, qui fut de larmes, de feu et de sang, nous en sommes fiers jusqu'au plus profond de nous-mêmes, car ce fut une lutte noble et juste, une lutte indispensable pour mettre fin à l'humiliant esclavage qui nous était imposé par la force.
Ce fut notre sort en 80 ans de régime colonialiste, nos blessures sont trop fraîches et trop douloureuses encore pour que nous puissions les chasser de notre mémoire.
Nous qui avons connu le travail harassant exigé en échange de salaires qui ne nous permettaient ni de manger à notre faim, ni de nous vêtir ou nous loger décemment, ni d'élever nos enfants comme des êtres chers.
Nous avons connu les ironies, les insultes, les coups que nous devions subir matin, midi et soir, parce que nous étions des "Nègres". Qui oubliera qu'à un Noir on disait "tu" non certes comme à un ami, mais parce que le "vous" honorable était réservé aux seuls Blancs ?
Nous avons connu que nos terres furent spoliées au nom de textes prétendument légaux qui ne faisaient que reconnaître le droit du plus fort.
Nous avons connu que la loi n'était jamais la même selon qu'il s'agissait d'un Blanc ou d'un Noir, accommodante pour les uns, cruelle et inhumaine pour les autres.
Nous avons connu les souffrances atroces des relégués pour opinions politiques ou croyances religieuses : exilés dans leur propre patrie, leur sort était vraiment pire que la mort même.
Nous avons connu qu'il y avait dans les villes des maisons magnifiques pour les Blancs et des paillotes croulantes pour les Noirs, qu'un Noir n'était admis ni dans les cinémas, ni dans les restaurants, ni dans les magasins dits "européens", qu'un Noir voyageait à même la coque des péniches, aux pieds du Blanc dans sa cabane de luxe.
Qui oubliera enfin les fusillades où périrent tant de nos frères ou les cachots où furent brutalement jetés ceux qui ne voulaient plus se soumettre au régime d'injustice, d'oppression et d'exploitation dont les colonialistes avaient fait l'outil de leur domination ? [...]
La République du Congo a été proclamée et notre pays est maintenant entre les mains de ses propres enfants. [...] L'indépendance du Congo marque un pas décisif vers la libération de tout le continent africain. »

 

La lutte d'Amilcar Cabral

 

Amilcar Cabral, originaire de Guinée-Bissau, est un des leaders de la lutte contre la colonisation portugaise. Après avoir fondé le PAIGC (Parti africain pour l'indépendance de la Guinée et du Cap Vert) en 1956, il cherche à promouvoir l'indépendance et la révolution dans ces deux colonies portugaises, notamment par la mobilisation des populations paysannes. Il déclenche la lutte armée en Guinée-Bissau à partir de 1963, contrôle vite une bonne part du pays et la guerre de libération qu'il mène est considérée comme exemplaire. Il déclare notamment : « Personne ne peut douter, parmi notre peuple, comme chez tout autre peuple africain, que cette guerre de libération nationale dans laquelle nous sommes engagés n'appartienne à l'Afrique tout entière |7|. » Il crée notamment des comités de village (composés de cinq membres, dont obligatoirement deux femmes), chargés de l'organisation sociale des zones libérées, par exemple, la construction d'écoles, de postes sanitaires et d'hôpitaux de brousse. Selon Tobias Engel : « En moins de dix ans, entre 300 et 400 infirmiers et infirmières sont formés, ainsi qu'une dizaine de médecins - à comparer aux 35 infirmiers et infirmières issus de l'administration coloniale et dénombrés en 1956, pour l'ensemble de la Guinée Bissau et du Cap Vert. Une autre priorité du PAIGC est l'enseignement, avec la construction d'écoles et l'admission des filles dans les écoles du maquis : 200 écoles sont construites pendant les onze années de lutte, 20 000 enfants sont scolarisés en internat ou semi-internat, tandis que 300 élèves sont envoyés à l'étranger dans des écoles professionnelles ou supérieures. Le Portugal, lui, en 500 ans de colonisation, n'avait scolarisé que 2 000 enfants, soit quatre par an, et formé 14 universitaires... »

 

La démarche de Nyerere

 

Le premier président de Tanzanie, Julius K. Nyerere, est aussi l'une des figures marquantes de l'Afrique noire qui cherche à se mettre debout. Privilégiant le développement social, il instaure dans son pays un socialisme africain, caractérisé, entre autre, par des coopératives d'État pour subvenir aux besoins de la population et la propriété agricole est exploitée selon un système communautaire. Dans les années 1970, il soutiendra activement les indépendantistes du Mozambique et les troupes tanzaniennes mettront fin en 1979 à la dictature d'Idi Amin Dada dans l'Ouganda voisin. Il revendique très tôt l'unité africaine : « Sans unité, les peuples d'Afrique n'ont pas de futur, sauf comme perpétuelles et faibles victimes de l'impérialisme et de l'exploitation. »

 

L'indépendance, idée partagée

 

La donne politique et la donne économique se rejoignent. Joseph Ki-Zerbo écrit : « Quand avec Kwame Nkrumah, Amilcar Cabral et les autres, nous nous battions pour l'indépendance africaine, on nous répliquait : "Vous ne pouvez même pas produire une aiguille, comment voulez-vous être indépendants ?" Mais justement pourquoi nos pays ne pouvaient-ils pas produire une aiguille ? Parce que, pendant cent ans de colonisation, on nous avait affecté à ce rôle précis : ne pas produire même une aiguille, mais des matières premières, c'est-à-dire dépouiller tout un continent |8|. »

 

Quand un peuple entend de tels discours, il sent dans sa chair que l'heure de l'indépendance a sonné pour l'ensemble du continent. Quand un peuple dépasse la souffrance pour s'affirmer contre une métropole odieuse, il sent que tôt ou tard, rien ne lui résistera. Quand un peuple sort victorieux d'une guerre de libération, il sait que le colon a fui et qu'il dispose enfin des leviers de commande.

 

Au début des années 1960, l'Afrique sent qu'elle est libérée. Pourtant ce n'est qu'un leurre : la domination n'a pas cessé. La dette entre en jeu.

 

notes articles:

 

|1| Leur sort était régi, en ce qui concerne la France, par le fameux Code noir, préparé par Colbert et édicté en 1685 « pour y maintenir la discipline de l'Eglise catholique, apostolique et romaine, pour y régler ce qui concerne l'état et la qualité des esclaves dans nos dites îles » d'Amérique, déclare dans son article 44 « les esclaves être biens meubles ». Les autres grandes puissances de l'époque avaient aussi l'équivalent de ce Code noir.

 

|2| Le Gri-gri international, 24 mars 2005. Voir aussi : Fauque Claude, Thiel Marie-Josée, Les routes de l'esclavage. Histoire d'un très grand « dérangement », Hermé, 2004. La France reconnaîtra officiellement le 10 mai 2001 que la traite négrière est un crime contre l'humanité.

 

|3| Voir M'Bokolo Elikia, « La dimension africaine de la traite des Noirs », Le Monde diplomatique, avril 1998.

 

|4| Voir Ki-Zerbo Joseph, A quand l'Afrique ?, L'Aube, 2003.

 

|5| Voir Lacouture Jean, « Bandoeng ou la fin de l'ère coloniale », in Le Monde diplomatique, avril 2005.

 

|6| Voir Milne Seumas, « Réhabilitation du colonialisme », Le Monde diplomatique, mai 2005.

 

|7| Cité par Engel Tobias, « Guinée-Bissau : un pays en bouillonnement », Géopolitique africaine, n° 14, printemps 2004, www.african-geopolitics.org/show.aspx ?ArticleId=3733

 

|8| Voir Ki-Zerbo Joseph, op. cit.

 

infos article

 

URL: http://www.cadtm.org

 

 

 

 

 

 

 

 

 

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5 avril 2010 1 05 /04 /avril /2010 20:29

3 avril 2010

Journal du Dimanche

 

Coup d’envoi ce week-end à Dakar, final le 14-Juillet à Paris... les 50 ans de l’indépendance suscitent des tensions entre la France et ses ex-colonies.

 

Il y a de la gêne, et peu de plaisir. Quatorze pays d’Afrique noire* célèbrent cette année avec plus ou moins de faste le cinquantenaire de leur accession à l’indépendance. La France, ancienne puissance coloniale, s’y associe sans pouvoir dissimuler les embarras que lui inspirent ces commémorations.

 

A commencer par celle qui ouvre le bal ce week-end: la fête de l’Indépendance sénégalaise, précédée aujourd’hui par l’inauguration à Dakar d’un invraisemblable monument de la Renaissance africaine, aussi imposant que controversé. Pour agrémenter l’événement, le président du Sénégal, pays qui parmi ses ex-colonies a toujours entretenu le lien le plus fort avec la France, réserve à celle-ci quelques annonces tonitruantes et jugements bien sentis.

 

Un demi-siècle de "Je t’aime, moi non plus"

 

A sa manière, Abdoulaye Wade signifie à l’ex-colonisateur qu’une salve de commémorations et une posture de volontarisme ne sauraient suffire à solder le passé : on ne se débarrasse pas à si bon compte de cinquante ans de relations passionnelles, ambiguës et opaques, dont restent force aigreurs et blessures. Un demi-siècle de "Je t’aime, moi non plus", qui laisse quelques malentendus.

 

Paris veut promouvoir un "partenariat rénové" avec l’Afrique, tandis que celle-ci lui échappe chaque année un peu plus. Il n’empêche, les promesses de rupture avec les pratiques du passé - la "Françafrique" - ont montré des limites: les vieux réflexes ont la vie dure. Certes, Nicolas Sarkozya engagé la révision des accords de défense liant la France à ses anciennes colonies d’Afrique et la réduction de la présence militaire française sur le continent ; ce qui ne va d’ailleurs pas toujours sans mal.

 

Comme par un fait exprès, de nombreux pays de l’Afrique francophone connaissent dans le même temps un regain d’instabilité, parfois violente, ou des ratés démocratiques : coups d’Etat en Guinée-Conakry, au Niger, et encore ce jeudi en Guinée-Bissau ; blocage du processus électoral dans la poudrière ivoirienne ; scrutin présidentiel contesté au Togo, reporté en République centrafricaine ; crise politique ravivée à Madagascar…

 

Difficile, dans ce climat, de fêter dignement un anniversaire. D’ailleurs, le veut-on vraiment? Le secrétaire général du "cinquantenaire des indépendances africaines", Jacques Toubon,chargé d’orchestrer les festivités côté français, a eu quelque peine, faute d’un budget conséquent, à aligner 250 projets parrainés. Le clou des célébrations sera le défilé du 14-Juillet auquel prendront part les armées africaines. Là aussi, il y aura quelques casse-tête: que faire des putschistes guinéens et nigériens? Ou des militaires ivoiriens qui avaient tué neuf soldats français en bombardant en 2004 leur base à Bouaké? Entre-temps, on se sera retrouvé fin mai, à Nice, pour la 25e conférence franco-africaine. Un sommet aux airs de vieille réunion de famille.

 

*Bénin, Burkina Faso, Cameroun, Centrafrique, Congo-Brazzaville, Côte d’Ivoire, Gabon, Madagascar, Mali, Mauritanie, Niger, Sénégal, Tchad et Togo.

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4 avril 2010 7 04 /04 /avril /2010 02:21

 

3 avril 2010

Patricia Allémonières

TF1

 

 

 

 

Alors que plusieurs pays africains fêtent cette année à tour de rôle leur indépendance, l'armée française redéfinit sa présence sur le continent. Les nouveaux accords de défense bilatéraux impliquent notamment la fermeture de plusieurs bases.
121 commentaireArticle suivant dans Afrique : Sénégal : la statue de la discordeArchives : Soldat français en Afrique (janvier 2009) © AFPLes employés sénégalais de la base française de Bel Air sont inquiets. Les militaires vont bientôt partir. Un nouvel accord de défense entre les deux pays sera signé courant avril. Ils ont appris la nouvelle de la bouche même de leur président. Abdoulaye Wade a annoncé cette fermeture après la visite d'Hervé Morin, le ministre français de la Défense, au Sénégal, le 19 février. Il s'agit d'une décision "souveraine", a-t-il expliqué.

En fait, les discussions sont engagées entre les deux pays depuis l'automne. Le départ des Français devrait s'étaler sur plusieurs mois, pour être achevé en 2012. Les 40 hectares loués par Paris sur les hauteurs de la baie d'Ham depuis 1974 seront rétrocédés au Sénégal. La France ne gardera qu'une "plateforme régionale" de coopération avec 300 militaires. Une véritable douche froide pour les 3.000 sénégalais travaillant auprès des forces du "Cap vert", la péninsule de la région dakaroise. Avec leurs salaires, ils font vivre plus de 50.000 personnes. Dans un pays où le chômage est véritable fléau, l'annonce du président sénégalais est loin de faire l'unanimité. A vouloir surfer sur le sentiment anticolonial, il risque de provoquer la colère d'une partie de la population

Fin des clauses secrètes

Plus globalement, cette annonce s'inscrit dans la logique du Livre Blanc. L'étude, présentée au président de la République en 2008, définit le cadre d'une nouvelle politique de défense basée sur la renégociation des traités, la transparence, l'européanisation des relations avec le continent et la prise en charge par l'Afrique de sa propre sécurité.

Les traités "historiques" qui liaient la France avec huit de ses anciennes colonies comportaient tous des clauses secrètes. Ils ont servi à justifier sur un plan juridique l'intervention des troupes françaises pour défendre des régimes africains menacés. Le nouvel accord de défense qui sera signé avec Dakar fait suite à celui déjà renégocié avec le Togo en février 2009 et avec le Cameroun en mai de la même année. Tous les nouveaux traités, expurgés des clauses secrètes, seront ratifiés par le parlement. Leurs termes seront rendus publics. Les accords dits "techniques" au nombre de 27, comme celui signé avec le Tchad, ne seront pas renégociés, en tout cas pour l'instant.

Le discours du Cap, fondateur de la doctrine Sarkozy


La question

La France doit-elle rester militairement présente en Afrique ?


Oui
Non


En Afrique du Sud, en 2008, Nicolas Sarkozy choisit de définir devant les parlementaires sud africains les grandes de sa politique africaine. Ce jour là, il qualifie ces accords d' "obsolètes" et estime que "la France n'a pas vocation à maintenir indéfiniment des forces armées en Afrique". Le président français parle de "rénovation profonde". Les relations ne doivent plus être basées sur le "paternalisme", ajoute-t-il. En août 2009, à la conférence des ambassadeurs, Nicolas Sarkozy précise que la France appuie la création de forces africaines "capables d'assurer collectivement la sécurité de leur continent dans le cadre de l'initiative de défense de l'Union africaine".

Cette année, à Libreville, au Gabon, le 24 février, au coté d'Ali Bongo, Nicolas Sarkozy revient sur ce nouveau partenariat stratégique. Il est question de rénovation des liens avec l'Afrique, de défense des intérêts économiques, de rupture avec la Françafrique, l'époque "des réseaux, des tutorats et des leçons ....est révolue". Bref, si la France se désengage militairement, elle compte conserver sa place sur le continent. L'heure est au pragmatisme. Tout le monde doit y trouver son compte. C'est la théorie du "gagnant-gagnant". Au nom de ces nouvelles relations "décomplexées" les anciens conseillers officieux, comme l'avocat Robert Bourgi, continuent de parcourir le continent.

Ce nouveau "partenariat stratégique" avec les pays africains s'accompagne d'un redéploiement des forces françaises vers l'est. La base d'Abu Dhabi, aux Emirats, devrait ainsi monter en puissance dans les années à venir.

Historique des accords de défense


1960 : Gabon
1960 : Centrafrique
1961 : Côte d'Ivoire
1963 : Togo
1973 : Sénégal
1974 : Cameroun
1977 : Djibouti
1978 : Comores

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Textes De Juliette