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27 décembre 2008 6 27 /12 /décembre /2008 01:17

26 décembre 2008
Dr Lambert Opula

 

 

À la fin de l’année 2008, les enjeux et les acteurs de la guerre au Congo se résument très simplement :

 

 - la poursuite d’une compétition bipolaire, transatlantique, amorcée en 1996, entre les firmes des puissances latines et les firmes anglo-saxonnes pour le contrôle des ressources naturelles et des contrats de restructuration post-mobutiste de l’industrie minière congolaise;

 

- la résistance des deux premiers groupes d’acteurs globaux à une transition qui conduirait vers une compétition tripolaire, consécutivement à l’émergence des firmes chinoises autour des structures à forte minéralisation du Congo oriental et septentrional;

 

- par services de renseignements secrets et des stratégies d’assistance militaires interposés, les puissances européennes (moins l’Angleterre et l’Allemagne) d’un côté, les puissances anglo-saxonnes de l’autre, se servent des sous-traitants étatiques régionaux dans les Grands lacs africains comme unités opérationnelles de leur guerre pour le contrôle des sources d’approvisionnement;

 

- les alliés régionaux respectifs des puissances en compétition se livrent à  un jeu  macabre. Le Congo tente de pallier les faiblesses  de ses dispositifs de sécurité autrefois démolis par l’APR rwandaise en recourant à l’assistance des Interahmwe, tandis que Kagame, tenu informé par les services de renseignements américains se sert de ce comportement comme outil de promotion de sa lutte pour la «prévention du génocide» et de la peur de Nkunda comme moyen de pression sur Joseph Kabila vis-à-vis des forces génocidaires interahmwe.

 

À l’intérieur comme à l’extérieur, les élites congolaises qui dénoncent les protagonistes n’ont guère évolué en terme de stratégies d’action. Comme en 1990, elles en sont toujours à la diabolisation et aux appels populistes.

 

Le dindon de la farce, c’est le peuple congolais : six millions de morts depuis 1998. La fin de ce cycle infernal n’apparaît pas encore à l’horizon.

 

En raccourci : pourquoi les Grands lacs africains se sont-ils embrasés?

 

Tout était parti de la décision de l’administration Clinton de livrer une concurrence décisive à la France dans le contrôle de l’Afrique ex-belge. Son soutien militaire, diplomatique et financier des forces ethnocentriques, opposées aux intérêts français dans la région, à savoir l’UPDF ougandaise et l’APR rwandaise, aura vite fait d’embraser la région.

 

Forte du soutien américain, l’UPDF et l’APR ont renversé le régime hutu du président Habyarimana. Le déferlement de la haine consécutive à cet événement a conduit au génocide des Tusti et des hutus modérés. Dans sa réaction l’APR a réussi à prendre le pouvoir au Rwanda. Au cours d’une opération militaire dite Turquoise, l’armée française qui a dû voler au secours de ses protégés (les forces génocidaires hutues) les a déversées sur l’Est du territoire congolais : la province du Kivu. Avec l’aide des conseillers militaires américains, l’APR rwandaise est entrée au Congo en  1996 et en 1998 prétendument pour détruire les nids de résidence hutue : les dépouilles de l’armée rwandaise (FAR) de l’ex-président Juvénal Habyarimana et les miliciens hutus dits Interahmwe.

 

À la faveur de ces incursions, les militaristes de l’APR ont violé des femmes congolaises, assassiné  des élites  coutumières et intellectuelles, pillé  des ressources minières et organisé une économie et une fiscalité d’occupation pour  financer la prise en sac de l’Est de notre pays à l’aide de nos propres ressources.

 

Depuis 2002, l’APR, un des sous-traitants régionaux de la guerre américaine au Congo, sous-traite, à son tour, la même guerre sous le label de «Rébellion de Nkunda». Les objectifs régionaux du Rwanda demeurant greffés aux objectifs globaux anglo-américains, les objectifs d’autodéfense de l’ex-général Nkunda, désireux d’échapper aux poursuite pour crimes de guerre s’articulent aux objectifs de contrôle poursuivis par les Etats-Unis et l’Angleterre.

 

Corrompu et de ce fait incapable de prendre des sacrifices financiers et d’entreprendre des actions géostratégiques susceptibles de retourner la situation militaire et sécuritaire de l’Est du pays, le gouvernement congolais infiltré et contesté à la suite de sa mal élection s’entiche à flirter avec les forces négatives de la région,  mettant de l’eau au  moulin du  régime militariste rwandais, par le recours à l’aide des forces génocidaires hutues, dans l’espoir de stopper l’avance des forces d’agression orchestrées par l’APR rwandaise sous le label  de la «Rébellion de Nkunda».

 

Au moment même où le pays est écartelé entre les pôles transatlantiques de la compétition économique post-Mur de Berlin, le gouvernement congolais a introduit un troisième pôle, la Chine, sans prévoir la mise sur pied d’un outil subséquent de défense : un accord de défense. L’histoire nous donne des exemples éloquents. L’accord sur l’exclusivité du sucre cubain par l’Union soviétique s’était accompagné d’un traité de défense qui protégeait la Révolution cubaine de la menace yankee. L’émergence des intérêts chinois a donné aux Américains un prétexte pour réactiver le processus de déstabilisation du Congo dont Nkunda assume aujourd’hui le rôle de maîtrise d’ouvrage..

 

Si nous schématisions ?

 

La poursuite des crimes rwandais au Congo se résume ainsi par la conjugaison des complexes répartis entre trois paliers :

 

au niveau global : le réflexe de contrôle des sources d’approvisionnement minier et des contrats de restructuration industrielle par les États-Unis et l’Angleterre;

au niveau régional : le réflexe d’écrasement des ennemis politico-militaires (génocidaires, hutus), ainsi que de pillage des ressources congolaises par le régime tutsi du Rwanda;

au niveau local : la peur de poursuite pour crime de guerre et de crime contre l’humanité de l’ex-général Nkunda et l’incapacité du gouvernement congolais à entreprendre la pacification de la partie orientale du pays sans collusion avec des forces génocidaires.

 

Rapatrier le centre d’initiatives

 

Le gouvernement de l’immobilisme congolais continue à espérer que le Conseil de sécurité décide un jour de transformer le mandat de la MONUC pour la mettre à sa disposition en vue d’écraser les forces de Nkunda, ce qui n’est ni dans les intentions, ni dans la tradition des Nations-Unies.

 

Dans les cas les plus favorables, les forces de la MONUC se contenteront de l’interposition ou d’imposer le respect de leurs engagements aux uns et aux autres et d’intervenir dans les situations exceptionnelles où la vie de plusieurs civils est menacée. La défense et la sécurité du territoire national demeurant le mandat des FRDC sinon d’une alliance bilatérale que le gouvernement pourrait constituer.

 

Affaiblies par un état de trahison permanente à partir du cœur même de planification de ses initiatives militaires, les Forces armées de la RDC (FARDC) subissent humiliation après humiliation face aux forces de l’ex-général Nkunda.

 

Pour une opposition politique plus créative

 

Les actions de l’opposition politique congolaise accuse une léthargie inexplicable. Ses stratégies sont demeurées embryonnaires comme au début du processus dit de démocratisation du pays, le 24 avril 1990 : la diabolisation de leurs adversaires, atteignant  scandaleusement leurs vies privées, des appels strictement populistes : des marches, des actes de lynchage des personnes sinon de pillage des commerces, des appels aux coopérants pour le boycott des populations asphyxiées, etc. Les élites congolaises semblent ainsi avoir concédé définitivement à leurs ennemis régionaux quatre segments d’action stratégiques, à savoir :

 

le lobbying auprès des réseaux puissants d’acteurs globaux,

le  contrôle des institutions nationales (occidentales) et multilatérales influentes,

l’exploitation des contradictions entre l’ennemi et des puissances globales,

les initiatives pour une dynamique économique à même d’attirer des solidarités intéressées en faveur de notre pays.

 

Des responsabilité s historiques sur la crise

 

Nous déduisons de ce qui précède que la responsabilité historique de la dégradation de la situation sécuritaire à l’Est du Congo revient en premier lieu aux États-Unis d’Amérique et à la France :

 

le premier pour avoir soutenu un processus de contrôle économique par la déstabilisation politique du Congo, sous prétexte de prévenir un second génocide, sans prévoir des garde-fous en faveur des populations non impliquées à la commission de ce génocide;

la seconde pour avoir accompagné l’ancienne armée rwandaise avec armes et munitions sur le territoire congolais et s’être dérobé derrière les responsabilité s subséquentes de désarmement de ces forces négatives.

 

En deuxième lieu, la responsabilité des souffrances du peuple congolais incombe aux alliés régionaux des deux puissances citées:

 

l’Ouganda, le Rwanda (du FPR Kagamé), en tant que maître d’ouvrage dans la région du projet anglo-saxon de mains basses sur l’Afrique ex-belge momentanément passée sous le contrôle tout aussi néocolonial de la France.

 

En troisième lieu : le régime du président Joseph Kabila :

 

Perçu dans l’opposition congolaise comme une fabrication du Rwanda, il passe paradoxalement, dans les analyses des géostratèges  occidentaux, comme un allié des génocidaires interahmwe, attirant ainsi du discrédit et une sorte de hourra d’une communauté internationale généralement mal disposée envers les forces génocidaires et leurs alliés.

 

Ainsi, alors que le territoire congolais est le siège d’une agression dont le bilan macabre est sans commune mesure dans l’histoire, les agresseurs du peuple congolais sont l’objet d’une commisération internationale démesurée qui a pour effet de faciliter la conquête des institutions occidentales par leurs citoyens et de générer un mouvement des capitaux qui transforme aujourd’hui le cadre physique du Rwanda à l’œil nu. 

 

Dans l’équation géostratégique du moment dans les Grands lacs africains, Hinterland voit les présidents Kagame et Kabila dans un jeu  macabre. Ce dernier tente de pallier les faiblesses de ses dispositifs de sécurité démolis par les divisions armées de l’APR rwandaise en recourant à l’assistance des Interahmwe, tandis que tenu informé par les services de renseignements américains, Kagame se sert de ce comportement comme outil de promotion de sa lutte pour la «prévention du génocide» pour piller les ressources congolaises, et utiliser les forces de Nkunda comme moyen de pression sur les Congolais sur la présence des interahmwe.

 

Des millions des morts en contexte de «victimes blaming»

 

La diabolisation et  les appels populistes n’ont pas jusqu’ici servi la cause nationale. Le silence sur les questions sensibles, non plus, n’a pas aidé la nation. Les analyses courageuses doivent se substituer à l’émotivité.

 

Le comportement des deux protagonistes régionaux de la guerre du Kivu fait que les millions de nos morts n’apparaissent que comme une simple comptabilité macabre auprès des stratèges anglo-saxons. Tout se passe comme si la célébration d’un important anniversaire de la déclaration universelle des droits de l’homme ne concerne en rien les Congolais. Les élites congolaises doivent empêcher les deux protagonistes à continuer de faire massacrer les Congolais et en banaliser la perte sous prétexte de prosuite des forces génocidaires.

 

Six millions des morts en dix ans, soit une moyenne décennale de 500 000 morts par an, c’est trop. Il est déjà temps que les forces démocratiques et la société civile congolaises changent de stratégies.

 

Pour l’émergence des options nouvelles

 

Les deux puissances globales en cause dans cette crise devraient procurer à la RDC des moyens efficaces et suffisants pour le désarmement des Interahmwe, soit par une armée congolaise fortement appuyée, soit par une force de l’Union africaine. La présence des armées rwandaises et ougandaises sur notre territoire est toujours perçue comme une  continuité de l’agression.

 

Le Congo doit prendre ouvertement et efficacement ses distances avec les Interhamwe et les anciennes forces armées rwandaises de l’ex-président Juvénal Habyarimana et souligner la responsabilité historique des États-Unis et de la France sur la présence des Interhmwe à l’intérieur du territoire d’un Congo dont les moyens de défense ont été défoncés par les forces de l’APR rwandaise.

 

Une nouvelle stratégie de communication devrait permettre à la nation congolaise de porter sa cause plus loin, en se basant sur des arguments moins émotifs et de plus en plus axés sur des concepts émergeant dans le discours international. 

 

Un lobbying stratégique pour la promotion de la cause congolaise, le contrôle des institutions influentes et le débat sur la relance du développement économique devraient constituer les grandes priorités de notre combat.

 

La négociation avec les agresseurs devraient aligner les arguments dans leurs contextes historiques, en soulignant la responsabilité de chaque acteur, aussi bien au niveau global, régional que local.

 

Tels sont les pré requis retenus par la Rédaction d’Hinterland pour une sortie rapide et efficace de notre peuple de son trou noir actuel. C’est au regard de ces nombreux pré requis sur la voie de la paix au Congo qu’Hinterland s’est interdit de souhaiter bonne fête au peuple congolais. Nous devrions plutôt profiter de ce temps pour méditer profondément sur des changements déchirants à entreprendre pour récréer le bonheur du peuple congolais.

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