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18 février 2009 3 18 /02 /février /2009 20:19

18 février 2009
Propos recueillis par notre envoyé spécial en Afrique du Sud, Freddy Mulumba KabuayiLe Potentiel

Fonctionnaire international, le professeur Georges Nzongola Ntalaja, qui réintègre le monde académique, se confie à un média de Kinshasa après plus d’une dizaine d’années de silence. Dans une interview au Potentiel à partir de Johannesburg en Afrique du Sud, ce professeur à l’Université de Caroline du Nord (USA) parle notamment du manque de coordination des organisations de la diaspora congolaise par le gouvernement congolais qui n’écoute pas la voix de la raison et de l’élite.

Vous avez participé à la Conférence nationale souveraine (CNS) où vous aviez fait une brillante intervention. Depuis, vous avez préféré le langage de bois. On a l’impression que vous avez fui le pays. Alors que la Nation est menacée, vous demeurez dans le silence. Que se passe-t-il, professeur ?

Je n’ai pas fui le pays. Après la CNS, je suis rentré et j’étais à la Commission nationale des élections en tant que premier vice-président. J’ai travaillé à Kinshasa pendant huit mois. Depuis lors, je rentre de temps en temps à Kinshasa pour des conférences et ateliers de formation. J’ai travaillé avec le Pnud. Pendant ce temps, je venais à Kinshasa. En tant que fonctionnaire de l’Onu, j’étais limité à ce que je pouvais dire. Maintenant que je suis rentré au monde académique, je suis libre de me prononcer comme je veux.

Mais vous ne parlez pas. Le Rwanda, l’Ouganda et les multinationales exploitent le Congo qui est occupé. Il y a même une menace de balkanisation. On n’entend pas parler les professeurs d’université et les Congolais vivant à l’extérieur du pays. Peut-on dire que vous avez démissionné ?

Non, non. Dernièrement, j’ai accordé une interview à Congo Vision qui est basé à Washington dans laquelle j’ai abordé tous ces problèmes de Nkunda, Kagame, Museveni, l’Armée de résistance du seigneur (LRA), etc. Je suis prêt. Quand on me donne l’occasion, je n’hésite pas à exprimer mes positions et à dire ce que je pense être bon pour notre pays.

Mais pourquoi ne sent-on pas l’apport des Congolais de la diaspora ?

Ils s’expriment. Mais ce sont des efforts dispersés. Il y a trop de groupuscules. Par exemple, dernièrement, il y a eu cinq manifestations des Congolais à Washington. C’est la coordination qui nous manque.

Que faut-il faire alors ?

Il faut que ces différents mouvements se mettent ensemble. Il faudrait favoriser la collaboration entre les organisations congolaises. Nous devons faire la même chose aux Etats-Unis en mettant tout le monde ensemble. On a essayé avec le Congrès des Congolais en Amérique, mais cela ne marche pas très bien. Nous espérons poursuivre ces efforts pour pouvoir mettre tout le monde ensemble.

Quels conseils pouvez-vous donner au gouvernement congolais ou au président Kabila à propos de la présence des troupes rwandaises et ougandaises sur notre territoire ?

Je ne peux pas donner un conseil à un gouvernement qui n’écoute pas la voix de la raison. C’est un gouvernement qui ne va pas m’écouter. Un gouvernement a été mis en place à la faveur des élections de 2006. Il gère sans consulter la population. Un gouvernement qui ne fait même pas attention à son propre parlement. On a vu ce qui est arrivé dernièrement avec les propos du président de l’Assemblée nationale, Vital Kamerhe, relatifs à l’entrée des troupes rwandaises en RDC. Question qui n’avait jamais été discutée même par les bureaux de deux chambres du Parlement. Je ne vois pas comment je peux donner des conseils à un tel gouvernement.

Mais que pouvez-vous dire à la Société civile congolaise ?

Je pense que ce qu’il nous faut au Congo, c’est de renouer avec l’esprit que les Congolais avaient dans les années 80 et début 90. C’est-à-dire lutter pour la démocratie et le progrès social. Je crois qu’il nous faut des mouvements sociaux bien ancrés dans la population, représentant les intérêts de nos paysans, de nos travailleurs, de nos jeunes gens qui sont désœuvrés et qui veulent un avenir meilleur. Nous avons un pays où les gens n’ont pas d’espoir pour l’avenir. Parce qu’ils ont vu des changements et des changements à la tête du pays mais il n’y a rien qui a changé leur situation matérielle. Au contraire, elle se détériore. Je crois que c’est-là le problème majeur. Nous devons vraiment avoir de nouveaux leaders de la société civile qui puissent organiser la population pour que celle-ci milite et lutte pour un avenir meilleur.

A l’extérieur du pays, le Congolais a une image négative. Il semble que cela est entretenu par certaines officines occidentales. L’objectif est d’arriver à prouver au monde que les Congolais sont incapables de gérer leur grand pays, de restaurer la paix. Au bout du compter, amener au démembrement du Congo. Vous qui vivez à l’étranger, que pouvez-vous faire pour que l’image ternie soit quand même redorée ?

J’ai organisé un colloque à Washington en 1984 sur la crise au Zaïre. Je suis allé à Washington pour mobiliser les fonds. J’ai été très bien reçu dans les organisations ayant des compagnies ayant des intérêts au Congo, notamment à City bank. Son vice-président pour l’Afrique et le Moyen-Orient a voulu que je lui explique le paradoxe selon lequel le Zaïre est complètement par terre. Tous les Zaïrois qui travaillent pour nous sont parmi nos meilleurs cadres. Je lui ai dit que ce n’était pas difficile à comprendre. C’est l’environnement politique qui est malsain. Nous avons un environnement qui favorise la médiocrité. Un environnement politique qui est contre l’excellence. Une fois sorti de cet environnement, le Congolais brille. J’étais au Nigeria, en tant que conseiller principal en matière de gouvernance pour le gouvernement fédéral. J’ai travaillé avec le président Olusegun Obasanjo. (J.A. ça ce n’est pas une bonne référence ma parole !!!)

Mon chef hiérarchique, c’était le professeur Kankwenda, un autre Congolais. Vous avez des Congolais brillants. Et notre pays est par terre. Comment expliquer cela ?

Peut-on dire que c’est un complot ? Depuis qu’on est indépendant, on n’a jamais eu quelqu’un de compétent, de correct comme chef de l’Etat…

Oui. Je dis que les intérêts extérieurs sont là. Mais nous devons toujours privilégier les facteurs internes. Le problème majeur du Congo, c’est la faiblesse de nos institutions. Nous sommes incapables de nous organiser, de défendre nos intérêts, de promouvoir le bien-être de notre peuple. Si nous le faisons, croyez-vous qu’un petit pays comme le Rwanda pourrait constituer une menace pour notre pays ? Absolument pas. Certainement qu’il y a des complots. Mais comment espérer les neutraliser si nous n’avons même pas un Etat digne de ce nom, si nous n’avons pas une armée professionnelle, bien entraînée, disciplinée, capable de faire son travail ? Nous devons commencer par cela. Nous pouvons tout dire concernant le complot Sarkozy et autres, cela ne dit rien tout aussi longtemps que nous ne changeons pas quelque chose à l’intérieur de notre pays.

Là, vous parlez en particulier de l’élite intellectuelle qui doit, en fait, concevoir, avoir un rôle à jouer…

Absolument. Nous avons le devoir de réparer cet échec. Parmi l’élite congolaise, nous avons des gens, aguerris sur le plan moral et intellectuel, qui sont dévoués à la cause du peuple. Il faudrait qu’on leur donne la chance de travailler, qu’on les appuie pour qu’ils puissent remobiliser la population afin que nous allions de l’avant.

On parle de l’imminente disparition du Congo, qu’en pensez-vous ?

Le Congo ne disparaîtra jamais, puisque les Congolais n’admettront pas que cela arrive.

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