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24 mars 2012 6 24 /03 /mars /2012 11:46

24 mars 2012
Benjamen Silué
Le Nouveau Courrier

 

Gbagbo avait pourtant prévenu ses pairs

 

Alors que des rébellions à caractère régionaliste menacent plus que jamais l’intégrité territoriale du Mali, un coup d’Etat militaire mené par des officiers et sous-officiers visiblement en désaccord avec la stratégie de réponse aux insurgés choisie par le président Amadou Toumani Touré s’est soldé, hier, par le renversement du chef de l’Etat et la dissolution de toutes les institutions maliennes. Peur sur Bamako. Comme au Burkina Faso il y a quelques mois – où les mutins ne s’étaient pas emparés du pouvoir –, les hommes en armes ont «réquisitionné» des véhicules appartenant à des particuliers et pillé des biens publics et privés.

 

La France, très hostile en sourdine à Amadou Toumani Touré, a déjà pris acte du coup d’Etat au Mali et appelé à des élections «le plus vite possible», par la voix du ministre des Affaires étrangères Alain Juppé, quand les Etats-Unis continuent (pour l’instant) de soutenir le pouvoir «légitime» de celui qui a renversé l’ancien président Moussa Traoré en mars 1991 avant de laisser le pouvoir à Alpha Oumar Konaré à la suite d’élections libres et de le «récupérer» avec l’onction populaire en 2002.

 

D’ores et déjà, le coup d’Etat qui vient de se dérouler à Bamako fragilise l’Etat malien. Quoi que l’on puisse penser de la réalité du «miracle démocratique» malien, encensé à l’extérieur mais décrit par des critiques locaux – comme Oumar Mariko, ancien leader estudiantin actif dans le renversement de Moussa Traoré et leader du parti SADI – comme un système politique favorisant les combinaisons en amont voire des fraudes discrètes. Les rebelles ont déjà prévenu : ils profiteront de la situation pour prendre de nouvelles villes dans le Nord. De plus, il sera difficile désormais pour la «communauté internationale» d’imposer une solution mettant sur le même pied d’égalité rebelles et autorités de Bamako, dans la mesure où ces dernières ne jouissent plus de la légitimité démocratique et peuvent être considérées comme une «faction» parmi d’autres.

 

Le Mali, pays qui a servi de base arrière aux rebelles du Mouvement patriotique de Côte d’Ivoire (MPCI), sans pour autant aller jusqu’aux outrances du Burkina Faso de Blaise Compaoré, est donc dans l’œil du cyclone, dans un contexte géopolitique où les appétits des grandes puissances sont à leur comble. Il faut croire que la jurisprudence de la Côte d’Ivoire, où des putschistes et des rebelles armés ont été traités avec la plus grande des complaisances, joue à fond. Et que «l’esprit qui agit dans les fils de la rébellion» rôde en Afrique de l’Ouest. En proie au démon de la déstabilisation, le président Laurent Gbagbo n’a cessé d’interpeller ses pairs africains sur le fait que la situation en Côte d’Ivoire pouvait être dupliquée ailleurs. Et que c’est pour cette raison qu’il fallait demeurer fermes sur les principes et non se «caler» sur les humeurs de nos anciens ( ?) maîtres. Extraits de deux de ces discours qui apparaissent aujourd’hui comme prémonitoires.

 

Discours à la Nation de Laurent Gbagbo, le 8 octobre 2002, près de trois semaines après le début de la rébellion ivoirienne…

 

«A Accra, nous avons reçu un soutien unanime de la part des chefs d’Etat de la CEDEAO. Tous les Etats de la CEDEAO ont soutenu la Côte d’Ivoire dans son combat juste et ont reconnu que le gouvernement de Côte d’Ivoire était le seul gouvernement légal, légitime et constitutionnel. Et que par conséquent, il fallait tout mettre en oeuvre pour le soutenir. Le sommet d’Accra a été aussi, l’occasion pour les chefs d’Etat de condamner de façon unanime et massive l’agression dont notre pays était l’objet et de condamner les agresseurs pour lesquels ils n’ont pas eu de mots assez durs (…) Je pense que la première mission de la CEDEAO, qui a été effectuée à Abidjan, s’est quelque peu écartée de cette vision de la CEDEAO. (…) Je ne peux entrer en négociations avec des assaillants sans qu’ils n’aient déposé les armes. (…) Entrer en négociation avec des assaillants pour leur demander de déposer les armes, c’est déjà les reconnaître, les légitimer. C’est aussi légitimer l’occupation des villes de Côte d’Ivoire. (…) Si la Côte d’Ivoire faiblit, et donne une légitimité quelconque aux assaillants, ce sera la fin de tous les pouvoirs africains. Il suffira alors que n’importe quelle bande se dote de quelques armes, et elle fera plier, par chantage, n’importe quel gouvernement en Afrique. Souvenez-vous, nos Etats sont fragiles. Nous n’avons pas le droit de les fragiliser encore plus. Souvenez-vous, nous avons des Etats. Nous n’avons pas encore des nations totalement construites. Nous n’avons pas le droit de donner à toutes les bandes les occasions de se signaler et les occasions de se légitimer sur le dos de la loi ; sur le dos de la Constitution. Ce que nous vivons aujourd’hui est un cas d’espèce au niveau de l’histoire et au niveau du droit. Nous devons tenir. Pour que toute l’Afrique ait une jurisprudence à partir de là.»

 

Allocution de Laurent Gbagbo recevant des délégués de la jeunesse africaine en sa Résidence, le 21 décembre 2010, en pleine crise post-électorale marquée par un lâchage d’un grand nombre de pays africains:

 

«Ce qui nous différencie des bêtes, c’est que nous avons des lois et des règles qui nous permettent de vivre en société sans nous dévorer. Une fois que nous dérapons sur les lois, nous tombons dans la sauvagerie, dans la barbarie. Il faut faire en sorte que nous respections les droits que nous nous sommes librement donnés. Si nous ne respectons pas ces lois, c’est la porte ouverte pour que tous les loups affamés de l’extérieur s’engouffrent dans la maison. Si les loups s’engouffrent dans une bergerie, qu’est-ce qui se passe ? Ce sont d’abord les agneaux qui sont mangés, ensuite les brebis, ensuite les taureaux… C’est petit à petit qu’on est mangés. Il faut passer le message aux chefs d’Etat africains. Il y en a qui regardent un chef d’Etat aux prises avec des forces étrangères, et ils rient. Mais il faut leur dire que c’est comme ça qu’on a colonisé l’Afrique. Parce que quand le colonisateur arrivait, il attaquait une tribu, l’autre riait et disait «nous ne sommes pas concernés». Mais quand on a fini avec la tribu A, on passe à la tribu B. (…) Ce qui arrive à Gbagbo arrive potentiellement à tous les chefs d’Etat africains.»

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