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1 juin 2011 3 01 /06 /juin /2011 13:08

11 mai 2011

Source: Le Post

MMB

 

 

«Tout pouvoir sans bornes ne saurait être légitime.» Montesquieu

 

Le Gabon est une illustration flagrante de ce type de pouvoir :

 

La présidence de la République = PDG

L’Assemblée nationale avec son président à vie = PDG

Le Sénat = PDG

La Cour constitutionnelle avec sa présidente à vie = PDG

Le CNC = PDG

Les médias d’Etat = PDG

Le Gabon  = Etat-PDG = Etat-Bongo = pouvoir sans bornes

 

Pour justifier le report des élections législatives, Ali Ben Bongo a déclaré le 10 mai 2011 : « J'ai écouté les différentes déclarations des représentants des partis ; je vais saisir la Cour constitutionnelle dans les meilleurs délais afin qu'elle statue sur la position consensuelle qui plaide en faveur du report des élections législatives. Il y a un inconvénient important au regard de la légalité que je ne peux mettre de côté. [...] Je vais saisir la Cour constitutionnelle. [...] J'espère qu'elle pourra nous éclairer rapidement sur la marche à suivre, sans préjuger de sa réponse car la légalité est importante et ne peut être prise à la légère. » Voilà un président usurpateur, auteur d’un coup d’Etat électoral en 2009 (ainsi que l’a bien démontré le documentaire de Patrick Benquet sur France 2), qui, après avoir arraché à la hussarde l’investiture du PDG, s’être opposé de toutes ses forces au report des élections présidentielles, se pare maintenant  des oripeaux de la légalité. On croit rêver ! C’est l’une des raisons de ma lettre à la jeunesse gabonaise. Il ne faut pas s’endormir, se laisser tenter par le nouveau chant de sirènes d’Ali Ben Bongo. Il ne faudrait jamais accepter un pouvoir qui s’est imposé à la majorité des Gabonais par la force et la violence.


Les pages qui vont suivre sont tirées d’un livre à paraître bientôt aux Editions L’Harmattan. Titre : LETTRE A LA JEUNESSE GABONAISE   

 

Chapitre I - Résister à la monarchisation du pouvoir

 

Je vais m’adresser à toi par le tutoiement. J’emploie le « tu » pour un souci de proximité, afin qu’il n’y ait pas de distance entre nous. De cette manière, chaque jeune Gabonais qui aura ce petit livre entre les mains pourra se sentir directement concerné par son propos. 

 

D’abord, il faut que tu saches une chose : je n’ai rien contre la personne d’Ali Ben Bongo. Qu’il soit né au Biafra ou à Lékoni m’importe peu. Je le respecte en tant que compatriote et être humain. En revanche, je suis viscéralement opposé au modèle de pouvoir qu’il incarne, et dont il a hérité de son père. Tu dois d’autant plus t’opposer à ce modèle politique qu’Ali Ben Bongo a usurpé le poste de président de la République. Il a commis impunément le même type de forfaiture que Laurent Gbagbo en Côte d’Ivoire et Robert Mugabé au Zimbabwé. Un crime qui leur a valu le courroux de la communauté internationale et risque de conduire Gbagbo devant les tribunaux.

 

Il y a eu un hold-up électoral au Gabon en 2009. Ce fait est désormais inscrit dans l’histoire de ton pays. Le monde entier le sait. Nous avons en eu la confirmation grâce à un documentaire (« Françafrique : raison d’Etat »), réalisé par Patrick Benquet et diffusé sur France 2, le jeudi 9 décembre 2010. Des hauts fonctionnaires français y attestent de l’inversion des résultats électoraux au Gabon en faveur d’Ali Ben Bongo.

 

Souviens-toi de l’année 2009 au Gabon. Une année historique. Le 8 juin, Omar Bongo meurt en Espagne. Les Gabonais versent des larmes de tristesse et de joie. Ils sont tristes de voir disparaître un proche. Ils sont aussi heureux à l’idée que cette mort marque le début d’une ère nouvelle. Ils rêvent de Renaissance. Hélas ! Les pauvres Gabonais tiraient des plans sur la comète. Dès l’annonce du décès de Bongo, son fils, alors ministre de la Défense, s’empressa aussitôt de fermer les frontières du pays en toute illégalité. Sans en référer au Premier ministre. Il n’a rien à foutre des procédures. Il emmerde la Constitution. La loi, il s’en tape. Le coup d’Etat venait d’être enclenché. L’élection présidentielle, organisée quelques semaines plus tard, n’allait être qu’un trompe-l’œil. Une formalité. La succession avait été préparée de longue date, qui allait transformer le Gabon en une monarchie de facto.

 

Monarchie ? Je n’emploie pas ce mot au hasard. Je vais étayer mon argument en te racontant une petite histoire. Un jour de l’année 1986, Ali Ben Bongo est en voyage à Paris. Son père l’a envoyé porter à Jacques Chirac, alors Premier ministre, un « message d’une haute importance ». Le message en question proposait l’instauration d’une monarchie héréditaire au Gabon. Nous devons cette information à Jacques Foccart, qui la dévoile dans de second tome de ses mémoires, Foccart parle(1995). Certes la France n’a pas accédé à la demande des Bongo, l’histoire a parfaitement suivi le cours prévu : la mise en place, au Gabon, d’un régime politique de type monarchique. Pour t’en apercevoir, je te conseille de faire attention à la dernière révision de la Constitution qui a eu lieu en décembre 2010. Elle a définitivement affaibli la démocratie par un renforcement des pouvoirs de l’exécutif déjà excessifs : désormais le président peut décider de reporter, de sa seule volonté, les élections présidentielles et parlementaires. Il peut tranquillement proroger son propre mandat de même que celui des députés. Tu n’as pas besoin d’avoir une licence en droit  pour comprendre qu’une telle révision constitutionnelle vise un seul objectif : la transformation de la République en un régime proche de la monarchie. Ce à quoi travaillent les Bongo depuis toujours : concentrer, à leur propre bénéfice, les pouvoirs politiques, militaires, économiques, financiers au sein de leur famille en y associant quelques amis et sous-fifres. De même que le roi Louis XIV, au 17ème, affirmait que « l’Etat, c’est moi », les Bongo se sont octroyés pareillement le droit de faire tout ce qu’ils veulent au Gabon sans que quiconque leur fasse des reproches. Pendant que toi et des milliers de jeunes de ton espèce retournez les décharges dans les matitis à la recherche de votre pitance, Ali Ben Bongo et ses copains du PDG dilapident l’argent de l’Etat, achètent des hôtels particuliers à Paris, d’immenses villas en Californie, des voitures de luxe, se livrent à du tourisme diplomatique à travers les quatre coins du monde, projettent de dépenser des sommes astronomiques dans la fabrication des cartes d’électeurs, sachant que, biométrie ou pas, aucune élection ne sera transparente au Gabon tant que les Bongo et le PDG auront la mainmise sur l’appareil de l’Etat. Ils ne pourront jamais organiser des élections pour les perdre. Et voilà qu’on entend investir entre 30 et 100 milliards de francs CFA dans les cartes biométriques. Des bouts de carton valent mille fois plus que les êtres humains : pareille somme d’argent n’a jamais été dépensée pour le bien-être des Gabonais. Ali Ben Bongo et ses acolytes du PDG s’autorisent tous ces abus parce que l’Etat gabonais leur appartient. Ils n’ont rien à foutre de toi ni de tous les crèves-la-dalle et crèves-le-palu des bidonvilles.

 

Autour de toi règnent la misère et la désolation. D’innombrables Gabonais vivent dans des difficultés. Ils ont du mal à se soigner, à se nourrir, à envoyer leurs enfants à l’école, à se déplacer. En économie, on parle d’indice de développement humain. Celui du Gabon est très bas. Alors tu te poses la question suivante : mon pays regorge de ressources naturelles, pourquoi ses habitants sont-ils aussi pauvres que les populations d’Haïti ?

 

La pauvreté d’Haïti, première nation noire au monde à avoir conquis son indépendance, s’explique par trois principaux facteurs : 1/le pays n’a pas hérité d’une économie viable après l’abolition de l’esclavage, 2/ il a connu une instabilité politique chronique tout au long de son histoire en raison des coups d’état à répétition, 3/il ne dispose pas de ressources minières comme le Gabon. Le malheur haïtien a donc des racines à la fois politiques, historiques et naturelles.

 

Si la situation politico-économique d’Haïti est très différente de celle du Gabon, comment est-il possible que les bidonvilles de Libreville ressemblent à ceux de Port-au-Prince ? Tu n’as pas besoin de te creuser la tête. La prolifération des bidonvilles à Libreville traduit la négation de tes droits en tant qu’être humain. Elle résulte de l’échec d’un modèle de pouvoir, de la faillite morale des Bongo et de leurs acolytes, qui disposent de tous les outils pour développer ton pays et améliorer tes conditions de vie. Ils n’ont rien fait. Omar Bongo Ondimba l’a reconnu lui-même au crépuscule de sa vie lorsqu’il déclarait : 

 

Dieu ne nous a pas donné le droit de faire du Gabon ce que nous sommes en train de faire. Il nous observe, il dit amusez-vous ; mais le jour où il voudra aussi nous sanctionner, il répare. 

 

Malheureusement, Dieu n’a rien réparé. Au contraire, il a condamné le Gabon au joug éternel de la famille Bongo. Ton pays continue d’être un objet « d’amusement » pour ses dirigeants illégitimes. Malgré les pseudo-discours sur l’émergence.

A suivre

 
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