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20 novembre 2009 5 20 /11 /novembre /2009 22:11

19 novembre 2009
Source: ANR

 «Contre la faim dans le monde, on connaît les solutions»

INTERVIEW

Ambroise Mazal est chargé de mission sur la souveraineté alimentaire au CCFD-Terre solidaire. Il participe au sommet de la FAO (Organisation de l'ONU pour l'alimentation et l'agriculture), qui se déroule à Rome depuis hier lundi.


Ce sommet est-il crucial pour les populations affamées ou est-ce un énième rendez-vous dont il ne faut pas attendre grand-chose?

C'est le plus important depuis celui de juin 2008, à Rome, qui a été le sommet de réponse à la crise alimentaire et aux émeutes de la faim. Il y a eu ensuite le sommet de Madrid, en janvier 2009, qui était une réunion de haut niveau sur la sécurité alimentaire. Ce sommet de Rome est le troisième temps fort de la mobilisation internationale sur cette question. Et, surtout, il est censé être l'aboutissement du processus.


Q
ue penser alors de l'absence des dirigeants des pays membres du G8 - outre Berlusconi qui «joue» à domicile?

Ce sommet a le mérite d'exister. Il permet de maintenir le sujet de la faim et de l'insécurité alimentaire dans l'agenda international. C'est déjà quelque chose. Car ce qui importe, c'est que la question de la faim ne retombe pas dans l'oubli.


Mais l'absence de ces gouvernants n'est-elle pas éloquente concernant leur manque d'intérêt pour le sujet?

La question que l'on se pose au cours de ce sommet et à travers la déclaration qui a été adoptée lundi en ouverture, c'est: est-ce qu'il y a une réelle volonté de la communauté internationale à faire bouger les choses et à prendre les décisions nécessaires pour lutter contre la faim? A ce titre, effectivement, le fait qu'il n'y ait pas de grands dirigeants de ce monde, et notamment du G8, n'est pas un signe positif.


Justement, au premier jour, les chefs d'Etat et de gouvernement se sont engagés à «éradiquer la faim dans le monde», mais sans fixer de délai. Cette déclaration finale – mais en réalité préalable, puisque adoptée dès la journée d'ouverture avant même les discussions – n'est-elle pas symbolique de l'impuissance de ce sommet à changer les choses?

Oui et non. Cette déclaration n'est pas décalée parce que la solution est à portée de la main. On sait comment lutter contre la faim. Et cela apparaît dans la déclaration. Ce qui est nouveau, c'est qu'on dit ce qu'il faut faire.


C'est-à-dire?

La première chose, c'est d'investir massivement dans l'agriculture, puisqu'au cours des vingt-cinq dernières années, il y a eu un désinvestissemernt complet dans ce secteur. Dans l'aide des pays riches au développement, la part consacrée à l'agriculture est passée de 17% en 1980 à 4% en 2010. Et en Afrique subsaharienne, la part du budget à l'agriculture est de 4%. C'est extrêmement faible. Il faut donc réinvestir. La deuxième solution est de cibler les agricultures familiales et non pas les monocultures d'exportation. Aujourd'hui, la question de la faim, c'est une question de pauvreté, et les populations pauvres sont principalement rurales. Le paradoxe est que 70% des affamés sur la planète sont des petits producteurs agricoles. Enfin, il faut réviser l'ensemble des politiques internationales pour les mettre en cohérence avec l'impératif de sécurité alimentaire: ce sont des politiques agricoles, commerciales et énergétiques de coopération...


On sait comment faire, mais pas ou peu de choses changent. La situation est donc sans issue?

Là où les choses sont compliquées, c'est qu'effectivement on ne voit de politique de mise en oeuvre de ce qui a été décidé. C'est-à-dire qu'on connaît les solutions, mais on ne voit pas de réelle volonté de les mettre en oeuvre. Les déclarations restent donc très floues: il n'y a ni agenda, ni chiffrage, pas davantage d'annonces de mise en oeuvre. On reste sur des déclarations d'intention.


Quels ont été les principales avancées concrètes des précédents sommets de la FAO?

La principale chose a été de reconnaître ces solutions, et de dégager un consensus.


Qu'attendre alors de ce sommet de Rome?

On espérait qu'il fasse avancer sur la réalisation concrète. A ce titre, c'est donc une grosse déception. On ne peut pas indéfiniment répéter les mêmes choses sans déboucher sur des choses palpables.


Y a-t-il tout de même un aspect positif à retenir?

Oui, la mise en place d'un partenariat mondial pour la sécurité alimentaire. C'est une nouvelle gouvernance, où l'on met autour de la table l'ensemble des acteurs (Etats, ONG, société civile) et on lance également un réseau international d'experts pour aider à la prise de décision. Un peu comme le Giec pour le climat. C'est positif. Mais c'est vrai qu'aujourd'hui ça reste une coquille vide, parce qu'il n'y a ni calendrier de mise en oeuvre, ni rendez-vous d'évaluation.


Ce constat n'est-il pas décourageant pour des acteurs comme vous?

Une fois qu'on a pleuré par terre, il faut se relever. Oui, c'est décourageant. Mais il faut continuer sans cesse à pousser les gouvernements à prendre leurs responsabilités. D'accord, ce sommet n'a pas été l'étape de mise en oeuvre des engagements que l'on souhaitait, mais on continuera à interpeler les Etats lors des prochains rendez-vous. Notamment à la fin du mois lors de la réunion de l'OMC, pour que les politiques commerciales en agriculture soient mises en conformité avec les solutions qui ont été établies: la protection des marchés, l'impératif de souveraineté alimentaire... Un autre rendez-vous est le sommet de Copenhague, où un des enjeux sera d'aider l'agriculture des pays en développement à s'adapter aux changements climatiques.


La faim est-elle une fatalité?

Non. Une nouvelle fois, on connaît les solutions. C'est «juste» un scandale politique, parce qu'on ne veut pas les mettre en oeuvre.


Pourquoi, selon vous?

Ce sont les mêmes raisons que celles pour lesquelles on ne veut pas éradiquer la pauvreté. Parce que cela suppose plus de justice sociale, de revoir notre système économique, et nous, pays riches, ne sommes pas près à cela. Cela suppose aussi que dans toutes les politiques - sociales, économiques, commerciales... - , on mette l'intérêt de la personne avant l'intérêt privé. Aujourd'hui, on en est loin.

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