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11 janvier 2012 3 11 /01 /janvier /2012 01:06

Lu pour vous le 10 janvier 2012
Source: Le Messager

 

 

Abonné absent: Le Cameroun refuse de ratifier la convention contre la torture.

 

http://www.afriquemonde.org/UserFiles/image/Prison_cameroun03.jpgA cause de la velléité du gouvernement, la torture a la peau dure au Cameroun. «Je demande à tous les Etats qui ne l'ont pas encore fait, de ratifier la convention et son protocole facultatif en tant que mesure concrète de lutte contre la torture», a expliqué la Finlandaise Heidi Hautala, président de la commission parlementaire des droits de l’homme, à l’occasion d’un débat sur le sujet le 15 juin 2011. Car poursuit-elle, la torture, sous toutes ses formes, viole les principes de liberté, de démocratie et de droits de l’homme

 

L’Union européenne, qui a interdit la torture sur son territoire, travaille à éradiquer ce fléau dans le reste du monde». En refusant de signer ce document pourtant examiné et adopté lors de la 77è session plénière de l’assemblée générale des Nations-unies le 18 décembre 2002, les Camerounais sont et restent exposés à la torture dans les lieux de détention.

 

A part ça, l'Union Européenne n'est pas vraiment une très bonne donneuse de leçon en la matière, vu sa complicité dans la confiscation du droit à l'auto-détermination dans de nombreux pays, en faveur de régimes extrêmement toxiques. Mais bon, disons que personne n'est parfait, et qu'il faut bien commencer quelque part. (Note de Juliette)

 

Cette convention demande aux Etats signataires «de prendre des mesures efficaces pour empêcher que des actes de torture et autres peines ou traitements cruels, inhumains ou dégradants soient commis dans tout territoire sous sa juridiction». Et préconise la mise sur pied des mécanismes nationaux de prévention avec comme attribution première la prévention et la dénonciation à l’échelon national. «Cet organisme coopère, en vue de prévenir la torture avec les organes et mécanismes compétents de l’Onu ainsi qu’avec les autres organisations en faveur du renforcement de la protection de toutes les personnes contre la torture»D’après Guillaume Mbahma, juriste, «tant que le Cameroun n’a pas ratifié cette convention, toutes les campagnes sont vouées à l’échec. C’est le cas présentement. Je n’ai pas besoin d’être sorcier ou de faire le tour des cellules et prisons pour constater qu’elle est omniprésente». D’après ce dernier qui accuse le gouvernement d’être responsable de ce statu quo, «c’est une situation qui profite au régime actuel car le Cameroun n’est pas un pays de droit et de liberté sinon cette convention serait signée depuis. Si elle est ratifiée, gendarmes, policiers, gardiens de prisons, magistrats et employeurs seront en difficulté car ils prennent un malin plaisir à torturer les usagers dont ils ont la charge. C’est pour eux l’occasion de gérer un pouvoir sur le plan microcosmique et penser qu’ils sont puissants. Tant qu’ils ne s’attaquent pas aux intérêts du Manitou national, ils peuvent faire ce qu’ils veulent en toute impunité».

 

Pourtant basée sur la déclaration universelle des droits de l’homme, l’article 7 du pacte international relatif aux droits civiques et politiques, la déclaration sur la protection de toutes les personnes, cette convention est le boulevard ouvert par les Nations-unies soucieuses de la mise entre parenthèses de la torture sous toutes ses formes.

 

Loin d’être un fait isolé, ce phénomène est également observé dans plusieurs pays de l’Union européenne et de l’Amérique (pourtant chantres du respect des droits de l’homme) signataires de cette convention. Si cette situation perdure à l’hémisphère nord, que dire-t-on des pays du sud où le respect des droits de l’homme n’est pas la chose la mieux partagée? «Malheureusement, il reste beaucoup à faire. S'il nous arrive d'entendre le témoignage de ceux qui ont été torturés par des régimes brutaux et de voir les salles dans lesquelles les actes de torture ont été commis, nous ne devons pas oublier pour autant que la plupart des victimes n'ont jamais l'occasion de raconter leur histoire et que la torture n'est pas limitée à une région particulière, à un système politique particulier ou à quelques pays», tranche Kofi Annan, ex-secrétaire général de l’Onu.

 

Univers carcéral. Quand les prisonniers vivent la torture au quotidienConsidérées par l’opinion publique comme des mouroirs, les maisons d’arrêt se présentent comme le meilleur laboratoire d’application de la torture. Ce que relativisent les responsables des bastilles camerounaises.Loin d’être une simple vue de l’esprit ou une image écornée, loin de s’apparenter à une campagne de diabolisation, plus qu’une évidence et un fait social, moins qu’un enfer et très loin d’être un Eden, les prisons camerounaises se présentent au jour le jour comme le laboratoire d’expérimentation par excellence de la torture sous toutes ses coutures. Ici, la convention de Genève, la déclaration universelle des droits de l’homme et des libertés sont reléguées aux calendes grecques. En bastonnades sanglantes, séjour forcé dans les mitards (cellules disciplinaires), privation de visite et d’accès aux soins de santé adéquats, réduction de la circulation interne, et corvées taillées sur mesure, la torture a un avenir prometteur en prison.


 

 

Malgré les affiches apposées aux quatre coins des bureaux administratifs, appelant au respect de la dignité humaine, en dépit des campagnes des organisations non gouvernementales et des interpellations de l’Onu et nonobstant les promesses du gouvernement, la torture est bel et bien présente en prison où elle a pris ses quartiers.Après les tribulations des cellules des commissariats des brigades, le pensionnaire prévenu, en détention administrative ou condamné, broie du noir. «Ce que je vis ici est indescriptible. Pour un rien, on nous bouscule et on nous oblige à faire des travaux ignobles quand on ne nous jette pas au mitard. Nos organes vivent la torture au quotidien. Entre ce qu’on mange et où on dort entassés comme des sardines, rien n’est plus indécent». Propos d’un prisonnier approché en décembre 2010 à la prison centrale de Douala lors de la traditionnelle cérémonie de remise de dons aux prisonniers par le pari mutuel urbain camerounais (Pmuc), qui en tant qu’entreprise citoyenne a décidé d’accompagner ces bagnards dans l’amélioration de leurs conditions de détention. Comme ce dernier, c’est la quasi-totalité des prisonniers qui souffrent le martyr. Selon un prisonnier, la torture est un repas complet.

 

«A l’entrée, on vous humilie par des fouilles indécentes, assis à même le sol en vous posant des questions stressantes. A la résistance, on sacrifie vos droits sur l’autel du règlement intérieur. Au dessert, vous dormez par terre ou dans une cellule surpeuplée avec des inconnus souvent malades. Le fouet et les menaces font partie du bonus.Ce sont les bonnes manières de la prison.»

 

Pour avoir suivi Bertrand Teyou, (l’auteur du livre sur Chantal Biya) dans sa grève de la faim, neuf prisonniers avaient été violentés puis enfermés à la cellule disciplinaire avec pension alimentaire réduite. Ils en sortiront tout endoloris et affectés psychologiquement quelques jours plus tard. Même traitement pour ceux soupçonnés de tentatives d’évasion et «actes criminels» en juillet 2008, octobre 2008, avril 2009, janvier 2010, mars 2010, septembre 2010 et bien d’autres.«Tous les moyens sont bons pour justifier la torture et le plus souvent, ce sont les innocents qui la subissent. On nous accuse d’avoir mis le feu à la prison alors que c’est un court-circuit qui est à l’origine. Le courant est parti pour revenir brusquement. Avec la vétusté des installations, le pire n’a pas pu être évité. Il faut être dans les bonnes grâces des gardiens pour ne pas être torturé. Le plus souvent, ce sont nos amis prisonniers qui se chargent de la sale besogne», poursuit notre interlocuteur sous anonymat. A quand la fin de la torture dans les établissements pénitenciers chargés de redresser les torts des détenus ? Focal. New-Bell: Torture non, redressement oui.

 

A la prison centrale de Douala, cette accusation est prise avec beaucoup de pincettes. Si les geôliers ne nient pas les actes de violence qu’ils considèrent comme réparateurs par rapport au comportement difficile de leurs «amis» prisonniers, ils évoquent la vétusté des infrastructures, les moyens limités, le comportement déviant des pensionnaires et la logistique insuffisante pour justifier ce qui est appelé «torture» à tort ou à raison. «Nous sommes obligés-et je pèse mes mots- d’être un peu durs avec eux, car ils ne nous facilitent pas la tâche. Si on ferme l’œil pendant une seule seconde, le pire peut arriver», dit un gardien. Qui poursuit. «Pensez-vous qu’on doive dorloter un prisonnier qui essaie de s’évader alors que la loi l’interdit? Est-il normal de développer un réseau de vente de stupéfiants en prison? Doit-on chouchouter un prisonnier qui manque du respect aux gardiens, provoque des émeutes et des incendies?». Ce dernier parle de leur mode opératoire. «On traite les prisonniers selon leur comportement qui est loin d’être exemplaire. Pas de quartier, surtout si c’est un récidiviste. Si vous passez une journée ici, vous comprendrez que ce traitement sied à leurs déviances, car on ne peut parler au chien que le langage qu’il peut entendre».

 

Prenant le relais, son collègue en service au secrétariat parle de révolution interne. «Depuis que le nouveau régisseur (Dieudonné Engonga Mintsang, ndlr) est là, tout a changé dans le sens de l’assouplissement. Nous supportons tout ce qu’ils nous font subir sans trop sévir, sinon ceux qui ont été pris en flagrant délit de vente et consommation de stupéfiants auraient été torturés comme vous le dites. Le régisseur qui est leur premier avocat sanctionne de moins en moins même s’ils nous poussent à bout. Ce n’est pas une faiblesse, mais une tentative d’humanisation de cet espace carcéral».

 

«La torture est le sport favori des gardiens de prison».

 

Incarcéré après les émeutes de février 2008, cet ex-prisonnier de la maison d’arrêt de la prison centrale de Douala parle des ses tribulations.Avez-vous personnellement connu des sévices et pourquoi?Vraiment je ne sais comment vous répondre, car les mots me manquent. Tout ce que je peux dire, c’est que la prison de New-Bell est un autre monde. Je peux dire sans risque de me tromper que c’est l’enfer sur la terre. Si on me disait que j’allais autant souffrir pendant ces premières semaines, j’allais parier mon dernier sou. Oui j’ai déjà été victime de torture à plusieurs reprises par les anti-gangs. Ils me tabassaient chaque jour sans pitié.Mon cas est différent, car j’ai été torturé parce que j’ai encouragé mes amis à manifester pour la grève du mois de février passé dans ma localité à Bonabéri et aussi comme je suis un militant du Sdf de Besséké III à Bonabéri, et arrivé en prison, j’ai été fiché comme un activiste qu’il fallait absolument mâter, car représentant un danger public et permanent pour eux.

 

En quoi consiste cette torture ?Cette torture consiste en la méchanceté ; il n’y a rien d’autre. Officiellement on vous accuse de quelque chose pour justifier leur acte et on vous demande de faire ce qui est inhumain et impropre à la santé, à savoir piler les déchets et… , non c’est trop difficile d’en parler. Il y a un ami à qui on a proposé de faire des choses qu’il voyait à la télé. Si vous refusez, vous êtes tabassé pendant plus d’un mois. Ce sont les gardiens qui rendent les prisonniers rebelles.Les gardiens parlent plutôt de redressement et non de torture...C’est le langage officiel qu’ils utilisent pour légaliser tous les sévices qu’ils commettent sur les prisonniers impuissants. Ce sont les mêmes gardiens qui sont au centre du trafic de drogue qui punissent ceux qui n’en consomment pas. Ce sont ces gardiens qui décident de la quantité du taux de stupéfiants qui doit entrer en prison. La drogue qu’on arrête, c’est celle de certains prisonniers qui ont créé leur propre réseau de distribution et ceci énerve les gardiens. Le prisonnier est comme un réfugié qui veut fuir cet enfer. Les dégâts sont-ils aussi graves qu’on le dit ? 

 

Les dégâts de la torture sont graves. Moi-même qui vous parle, je ne suis pas en bonne santé. Je n’arrive même pas à marcher normalement ; et même manger pour moi c’est difficile parce que je n’ai jamais vécu une telle situation dans ma vie et je ne sais pas comment je peux faire pour revenir à l’état normal. Tous les prisonniers ne rêvent que de s’évader, de quitter au plus vite cet enfer. Mes camarades ont des blessures sur le corps et qui ne sont même pas traités. L’air pur est une denrée rare en prison. C’est aussi une forme de torture, surtout pour nous les innocents et les moins nantis. Il faut seulement remettre sa vie qui n’a plus de sens à Jésus Christ. Torture primaire: Commissariats et brigades de gendarmerie au banc des accusés. Des aveux sont brutalement arrachés après arrestation des prévenus par l'usage systématique de la torture. Une pratique qui a encore de beaux jours dans les commissariats de police, les gendarmeries et les prisons.Georges Bianda avoue avoir subi des sévices corporels dans un commissariat de la ville de Douala et se souvient de cette journée cauchemardesque qu’il a vécue dans la nuit du 29 mai 2011.

 

Ce jour, ce vendeur de friperie au marché Madagascar quitte le domicile familial à 7 heures. Peu de temps après, raconte-il, il se retrouve dans la cellule du commissariat du 8è arrondissement. Auparavant, dans un enchaînement d’évènements, il a été arrêté alors qu’il installait des vêtements sur le mannequin.Poussé dans un taxi, il est aussitôt escorté par des policiers vers le commissariat situé à un vol d’oiseau de ce lieu marchand. Y étant, les choses vont se précipiter. Après avoir été roué de coups de matraque par des policiers, entendu sur procès verbal pour «complicité de vol», raconte-t-il, il est jeté en cellule, jure le commerçant, en montrant des traces de matraque sur sa jambe gauche et sa cuisse droite. Une plainte avait été déposée contre lui par le père de sa petite amie. Celui-là même qui l’avait fait interpeller le 29 mai dernier au marché. Non loin du rond point Dakar.Sans avoir eu l’occasion de se faire assister par un avocat, comme le veut le nouveau code de procédure pénale, le jeune homme a dû faire une déposition, les pieds endoloris par les coups de matraque reçus dans sa cellule, affirme-t-il. «J’étais obligé d’avouer que j’avais volé le téléphone de mon beau-père parce que la douleur que les policiers m’avaient infligée était atroce » nous confie-t-il. Et de continuer : «C’est lorsque mon père et mon oncle sont arrivés au commissariat et ont rencontré le commissaire que j’ai pu respirer l’air de la liberté ».

 

Pour avoir proféré des menaces à un policier en civil qui l’avait insulté le traitant «d’incapable», un vendeur de bijou a été torturé pendant plusieurs heures au commissariat du 10è arrondissement de Douala. «Regardez mon corps. Il est couvert de blessures. J'ai été battu pendant des heures. Le policier m’a roué de coups après m’avoir mis des menottes. Tout ça pour rien. Il a été le premier à me traiter d’incapable, alors que j’empruntais le même taxi que lui. Je n’ai rien fait» affirme Augustin B., les yeux ressortis sur un visage meurtri par la douleur. L'auteur de ces propos n’est pas prêt d’oublier la souffrance à lui infligée par ce policier dont il n’a pas pu avoir l’identité, jeudi 2 juin 2011. Il semble avoir effectivement passé des moments difficiles dans ce commissariat de Douala, où il a été détenu pendant 24 heures. «Si je n’avais pas reçu des soins intensifs chez un ophtalmologue, j’aurai certainement perdu la vue», lance-t-il.

 

En matière de torture physique et morale, on pourrait encore citer, entre autres, le cas du jeune L.n. qui, suspecté de vol alors qu’il travaillait comme cuisinier chez un dignitaire de Douala, avait été dénoncé à la police et par conséquent arrêté par cette dernière, non sans avoir été copieusement molesté et conduit à la prison centrale de Douala où il croupit depuis plusieurs mois, sans jugement.On peut multiplier des exemples de ce genre sur l’étendue du territoire où le premier réflexe du policier, du gendarme comme du militaire vis-à-vis du citoyen, est de bousculer, frapper faire asseoir à même le sol en attendant de le déshabiller pour le faire dormir nu et dans la cellule, s’il ne le passe pas à la balançoire. Au regard de tous ces actes de barbarie une question : à quand les poursuites judiciaires à l’encontre des auteurs d’actes de torture, conformément à la loi 97/009 du 10 janvier 1997 ?

 

En famille: Quand les conjoints se torturent psychologiquement. 

 

Comme on peut le constater, en dépit des recommandations et de la prohibition de la torture par la loi camerounaise, la torture physique est encore utilisée. Celle dite psychologique prend progressivement le pas. Dans les ménages, des épouses broient souvent du noir. Certains conjoints font régulièrement preuve de violences constitutives de traitements inhumains et dégradants envers leurs épouses. «En décembre 2011, se souvient Eléonore T., j’ai été victime de traitements cruels et dégradants de la part de mon époux alors que j’étais enceinte de mon deuxième fils».

 

Pour avoir osé assister à une fête de la famille sans au préalable informé son époux, elle a été privée de ration alimentaire et contraint à passé la nuit à la belle étoile. Son époux lui ayant fermé la porte au nez. Il n’est pas que des conjointes qui subissent des tortures psychologiques. Le cas des conjoints est loin d’être différent. Carlos Tétangmo s’en souviendra aussi longtemps qu’il vivra de «cette triste nuit» du mois de février 2011 où son épouse décida de faire désormais chambre à part. «Elle me soupçonnait de lui faire des infidélités. Elle croyait que je sortais avec la voisine. Je lui ai expliqué qu’il n’en était rien, mais elle n’a voulu rien entendre», confesse-t-il. Même les conseils de famille n’y changeront rien. Chamberline ayant plutôt choisi de camper sur sa position. «Cette attitude a énormément contribué à dégrader les relations entre ma femme et moi», avoue le mari impuissant. Comme lui, ils sont nombreux à être psychologiquement affectés par une telle décision de leur épouse.

 

Selon la revue internationale de la Croix-Rouge no 867, de Hernán Reyes, les pires cicatrices ne sont pas toujours physiques. Des souffrances psychologiques intenses et qui perturbent profondément les sens et la personnalité sont assimilées à des mauvais traitements lorsqu'elles sont prises isolément et peuvent se transformer en torture si elles sont répétées et intégrées dans un processus global de torture. «Ce soir je me sens lasse, vidée, car pour une simple dispute mon concubin ne me parle plus, m'ignore, cela fait cinq jours mais parfois cela dure 3 semaines voire un mois...Pendant six mois tout va super bien et puis voilà pour un mot déplacé, il ne me parle plus du tout et fait comme si je n'existais pas. Je ne peux plus, il ne veut même pas me dire ce que j'aurais pu faire...A chaque fois que cela se passe je me sens de plus en plus désemparée et de plus en plus vidée. Je lui explique que c'est très dur à vivre et qu'un jour je pourrais décider de m'en aller, alors il me rétorque que je peux m'en aller si cela ne me convient pas. Et que cela durera aussi longtemps que lui le décidera et il me dit aussi que cette fois ci il va encore faire durer la chose. Depuis cinq jours je ne mange plus ne dors plus je vais vraiment mal que dois je faire?», témoigne Pauline Tchaka.

 

A la réalité, la torture psychologique provoque divorce, dépression, stress et rupture dans les couples.Post scriptum: La torture, ce sport national. C’était l’époque héroïque des gangsters : Ekouté alias pasto, Miyébé alias Sinclair, Mboka alias moustique, ou encore de Fongang alias esprit, qualifié par la presse comme le dangereux patron du gang des blousons noirs. Ces gibiers de potence et bien d’autres ont connu la rude torture de l’époque, où les droits de l’homme étaient encore considérés comme des pipis de chat dans les années 80.Aujourd’hui beaucoup sont décédés au front ou en prison ; certains passent une retraite tranquille derrière les barreaux ; d’autres sont devenus pasteur pentecôtiste ou député à l’assemblée nationale. Entre les cellules de la Pj de Douala, et la prison de New-bell, mouroir au cœur de la ville, qui n’avait rien à envier au champ de torture qu’était le camp Boiro de Conakry, ces loups par excellence savent mieux que quiconque ce qu’est un loup pour l’homme.Comme par exemple Mapoko. Inspecteur Mapoko. Tous les ‘clients’ qui sont passés par la police judiciaire de Douala se souviennent de lui comme un cauchemar vivant, au service de la « vérité policière ».

 

Parmi eux, Ekouté alias pasto, Miyébé alias Sinclair, Mboka alias moustique, ou encore de Fongang alias Esprit. L’homme dit-on, avec les croyances de l’époque, avait une main ‘mystique’ de gorille qui pouvait assommer un bœuf. Dès qu’un suspect était interpellé, on l’envoyait pour exploitation chez Mapoko.Illettré come un pot, celui-ci considérait un suspect comme un coupable. Il était donc inutile de nier devant lui. Du reste, Mapoko n’avait qu’une seule méthode d’enquête. Avec sa gifle ‘mystique’, tout interpellé avouait les sept péchés d’Israël, signait ses aveux et allait se ‘reposer’ en prison avec un ouf de soulagement.La pratique de la torture, qui ne dit pas son nom, existe sous toutes les formes et dans tous les secteurs. Au sinistre Bmm qui logeait au camp Mboppi, Ekanè Anicet a connu une autre forme de torture. Interpellé pour des raisons politiques, il attendait menotté au bureau du commissaire, lorsqu’entre un officier de l’armée qui ne le connaissait ni d’Eve ni d’Adam et était en ces lieux pour d’autres affaires. Le militaire n’avait pas vu qu’Ekanè était menotté. Après avoir salué le commissaire, le militaire lui tend une main amicale. Mais le commissaire du Bmm le reprend en lui demandant s’il ne sait pas comment on salue un homme menotté. L’officier balance alors une baffe magistrale à Ekanè avant de sortir.

 

Si la torture physique des suspects dans les commissariats est la plus médiatisé, il existe aussi une autre forme, psychologique celle-là, qui ne dit pas son nom. Le regretté Fochivé en était un spécialiste. Ministre ou opposant, il n’avait de respect pour personne. Les convocations de l’ancien patron du Cener ont fait trembler plus d’une personne. Vous étiez ‘prié’ de vous présenter à son bureau du lac dès 7heures. Le vieux vous recevait à 2heures du matin. L’attente était tellement longue que vous étiez cuit avant même d’être cuisiné. C’était l’enfer ? A tort.

 

A New-bell on touche le fond. Entre la cellule disciplinaire et les chaînes, entre la corvée caca et la sodomie obligatoire, il n’y a aucun choix à faire. Il faut subir...Mais la torture se pratique aussi dans la vie civile. Plus sournoise, plus insidieuse. Avant le vieux Koungou Edima Ferdinand, alors directeur général au ministère de Finances, un dossier de recrutement devait être suivi par l’intéressé à Yaoundé, qu’il soit affecté à Kolofata ou à Kombo à Bedimo. Ce qui suppose des déplacements multiples, des pots de vins à la bonne porte.Le droit de cuissage, le harcèlement sexuel et tout le bataclan en vigueur dans les bureaux ou à l’usine ne sont-ils pas aussi des calvaires d’un autre genre ? Ces pages ne suffiraient pas pour énumérer toutes les formes de ‘supplices’ que connaissent les Camerounais au quotidien, dans une société où chacun exerce sa part de pouvoir dans son pré-carré, avec des abus en tous genres...

 

 

Conclusion de Juliette: 

Que les membres de la communauté internationale qui sont au courant de cette situation intolérable, et ils le sont absolument tous sans aucun doute, arrêtent donc de cautionner et de soutenir les régimes d'où sortent ces manières monstrueuses de traiter son prochain. De cautionner le résultat frauduleux, donc faux, d'une élection en faveur de monstres sanguinaires tels que Paul Biya et ses pairs, est un crime contre l'Humanité. Ceux qui assistent, complaisant, à ces preuves de gouvernance toxique à l'extrême, qui vendent des armes et services (entrainement, formation et conseils) destinés à persécuter et à massacrer des populations civiles, qui hébergent des chefs d'Etat parfaitement illégaux, ainsi que les fonds détournés du patrimoine du peuple, qui poussent par conséquent des millions de gens à l'exil et dans les derniers retranchements de leur dignité, doivent être poursuivis pour leur co-responsabilité dans de graves crimes contre l'Humanité. 

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11 janvier 2012 3 11 /01 /janvier /2012 00:17

10 janvier 2012
Source: La Météo

 

http://news.cameroon-today.com/wp-content/uploads/2010/10/cameroon-prison-central-nkondengui.jpgL'opposant, candidat déclaré à l'élection présidentielle du 9 octobre dernier, s'exprime enfin depuis la prison de Kondengui où il est incarcéré.

 

Enoh Meyomesse: «M. le colonel, on ne me corrompt pas»

 

J'ai lu à la fois avec étonnement et amusement les allégations du colonel Oumarou Galibou, commandant de la Légion de gendarmerie de l'Est à Bertoua, où à sa demande j'ai été torturé pendant 30 jours (24 novembre 2011-22 décembre 2011) malgré le fait que l'accusation portée contre moi, à savoir tentative de coup d'Etat visant à renverser Paul Biya, se soit avérée bidon, selon les termes utilisés par un haut responsable du Secrétariat d'Etat à la défense et qui se trouve être en même temps son patron. Il les a faites dans un quotidien de Yaoundé, et m'a fait passer pour un vulgaire brigand. Ce n'est pas tout, il aurait même refusé la somme de cinq millions de francs Cfa que je lui aurais proposé pour étouffer 'l'affaire". Il tentait de se présenter ainsi comme un gendarme camerounais exceptionnel, c'est-à-dire capable de repousser avec dédain une telle offre. Sans commentaire... 

 

Où sont les armes saisies à mon domicile? 

 

En vérité, sieur Oumarou cherche à noyer le poisson. Il a commencé son enquête avec la certitude absolue de saisir les armes d'un coup d'état en préparation qu'il m'attribuait. Ce qui allait certainement lui rapporter le grade de général du moins le pensait-il- et l'a achevé piteusement par un "vol aggravé", devant les écrans de télévisions, dont j'aurais été à la fois le cerveau et le financier. Il fallait bien qu'il présente quelque chose d'un peu consistant à ses supérieurs hiérarchiques. Après tout le vacarme qu’il a fait auprès d’eux sur sa «découverte» d’un prétendu complot de ma part. 

 

Tout a ainsi commencé dans la nuit du vendredi 18 au 19 novembre 2011, pendant que je me trouvais hors du Cameroun. Sans même s'embarrasser de se munir d'un tout petit mandat de perquisition du Procureur de la République, il a envoyé quatre de ses meilleurs éléments chez moi, accompagné d'un lieutenant en service au Sed à Yaoundé. Ces voyous ont cassé sans ménagement ma porte, fouillé de fond en comble mon domicile, éventrant mon mobilier, renversant tout, et au bout du compte.....rien. Ils n'y ont trouvé aucune arme. Zéro! Pas même une aiguille. Devant leur échec, il ne leur restait plus qu'à dérober mes clés USB dans l'espoir d'y trouver le plan du coup d'état. Des manuscrits de mes livres et des photographies de moi qu'ils projetaient de transmettre à Interpol pour que je sois recherché et arrêté aux quatre coins de la planète.

 

Leur forfait commis, c'est-à-dire leur vol avec effraction, l'un d'eux, un certain Edou, gendarme major de son état, celui-là même qui avait fracassé ma porte en s'y jetant pied à l'avant par trois fois de suite, avait déboursé la somme de cinq mille francs Cfa pour le remplacement de ma serrure qu'il venait de détruire et l'avait remise à un voisin. 

 

M. Enoh, aidez-nous à vous aider. 

 

Mardi 22 novembre 2011 

 

Je descends du vol Kenya Airways en provenance de Singapour via Bangkok et Nairobi. A peine-ai-je mis ma main dans la poche de mon veston pour en extraire mon passeport, qu'un des gendarmes de sieur Oumarou s'est jeté sur moi: "M. Enoh? Oui! Gendarmerie nationale vous êtes en état d'arrestation. Donnez-moi votre téléphone" En fait, il me l'avait arraché. Puis, j'ai été conduit dans les locaux du SED ou il m'a été signifie deux Chefs d'accusation: 

 1.- tentative de coup d'état 

 2.- vol avec port d'arme. 

 

J'ai volé quoi? De l'or 

 

D'abord 350 grammes s'étaient transformés en un kilogramme. Peu importe. En fait, c'est la tentative de coup d'état qui était la préoccupation principale, en quelque sorte le plat de résistance. 

 

Aussitôt arrivé ou SED, il m'a été demandé de vider mes poches et de déposer tout ce qui s'y trouvait sur la table, pendant qu'un gendarme épluchait le contenu de ma valise. J'ai ainsi dépose sur la table du lieutenant. D. Ghislain, un billet de cinquante Euros, deux billets de dix Euros, et des jetons pour un total de 79 Euros. En une fraction de seconde, ces voyous du SED ont subtilise les billets. «Ah! Nous, on n'a rien vu». Du vol en bonne et due forme. Les anglais disent en pareilles circonstances: «Shame on you». Au bout du compte, ils me placent en garde à vue. Je passe ma première nuit en cellule. 

 

Mercredi 23 novembre 2011. 

 

Le colonel Oumarou Galibou en personne, délaissant son travail de commandant de légion à Bertoua et piétinant allégrement les prérogatives de ses collègues de Yaoundé, à commencer par ceux de la DGRE et de la sécurité militaire spécialement Chargés de contrer les coups d'état, s'installe devant moi dans le fauteuil du lieutenant D. Ghislain jeune homme ô combien arrogant, et entame un interrogatoire à la Gestapo, la terrible police politique d'Adolf Hitler. Il est 20 h. je vais ainsi subir les foudres de cet individu qui sait déjà tout sur le coup d'était que mes "complices" et moi préparons. Tout ce qu'il me demande c'est d'être "coopératif". Il désire "m'aider", à savoir alléger l'affaire devant le juge de telle sorte que si l'on devait me passer au poteau d'exécution, que l'on ne m'inflige que...50 ans de prison!!! Et comment être "coopératif face à un individu qui a déjà recueilli les aveux complets" de mes "complices", et qui me demande en même temps de lui indiquer ma cache d'armes? Mystère. Soit il sait déjà tout, ou alors il est tout simplement en train de bluffer dans l'espoir de me tirer les vers du nez. 

 

Pendant deux interminables heures, je subis sa tempête. 

 

L'audition est si houleuse que lorsqu’elle prend fin à 22 heures, nous sommes tous les deux épuisés tel deux boxeurs poids lourds à la fin d'un combat de quinze rounds. Peu de temps après, je l'aperçois dans la cour, tout seul, les bras croisés et tout pensif, en train de regarder tantôt le ciel tout noir, tantôt le sol. Il fait franchement pitié à voir. A l'évidence, il est extrêmement déçu de n'avoir pas obtenu de moi que je lui révèle quelques caches d'armes. Pis encore, lui-même est désormais habité par un profond doute sur cette histoire de coup d'Etat. Ne va-t-il par lui rire au nez en haut lieu, lui qui s'est empressé, aussitôt après mon arrestation, de faire parvenir à Paul Biya un message selon lequel il venait de mettre la main sur un putschiste en provenance d'Asie, où il est allé finaliser son projet de renversement du régime? Pendant qu'Oumarou est perdu dans ses pensées, c'est au tour du directeur adjoint de la sécurité militaire de me cuisiner. Durée: une heure et trente minutes d'interrogatoire. Toutefois, il me fait comprendre qu'Oumarou se mêle de ce qui ne le regarde pas, qu'il outrepasse ses prérogatives. A la fin de l'interrogatoire, il conclut, devant moi, que "cette affaire ne tient pas la route; il a eu beaucoup trop de zèle..." Il parle d'Oumarou, sans le citer... 

 

23h30. Cinq sbires du colonel Oumarou se saisissent de moi. Ils me font monter avec ma valise dans un pick up de la gendarmerie. Direction Bertoua. Nous y arrivons à 3h30 du matin du matin, le jeudi 24 novembre. Je suis jeté sans ménagement en cellule. Celle-ci n'a pas de fenêtre, ni de quelle que autre ouverture que ce soit, en dehors de la porte. Pour tout dire, elle est plongée dans le noir total. J'y passerai 30 jours. Lorsque Son Excellence Oumarou Galibou décide de me déférer à Yaoundé, ma vue a considérablement baissé, moi qui au départ était myope. J'en sors presque aveugle. 30 jours dans le noir total, c'est de la torture. 

 

Sauvé grâce à la presse. 

 

Lundi 19 décembre 2011. 

 

Panique générale à la légion de gendarmerie. Je suis sorti de ma cellule tombeau, pour me voir signifier que je suis en train de "gâter" les choses. Un reporter du quotidien «Le jour» a commis l'imprudence de demander à me rencontrer. Aïe! Je suis renvoyé brutalement dans mon cachot. 

 

Mardi 20 décembre. 

 

Mon enquêteur m'informe que les choses se "gâtent" encore plus. Qu'y a-t il "Le Palais d'Etoudi a appelé le colonel, pour s'enquérir de mon sort; cela n'est pas bien". 

 

Mercredi 21 décembre. 

 

Je suis sorti de ma tombe. Je retrouve dehors mes "complices". Fait curieux, tous les gendarmes ont revêtu des uniformes tout neufs et tout propres. Nous sommes rapidement informés d'un fait inattendu: le gouverneur de l'Est a décidé de nous rendre visite. Personnellement, je trouve cela curieux. Aux alentours de 14 heures, nous sommes conduits dans la cour de la gendarmerie. Stupeur! Nous y trouvons une immense foule et une table sur laquelle sont posés, un uniforme militaire, un fusil, un pistolet, des cartouches, en un mot l'arsenal de guerre gigantesque avec lequel je devais renverser le régime. Mes "complices» et moi le découvrons pour la première fois. Le gouverneur de l'Est, tout naïvement, s'exclame devant Oumarou aux anges: "Mais, ces armes sont toutes neuves! D'où proviennent-elles?", Réponse idiote d'Oumarou "effectivement, ils les ont achetées à l'étranger." 

 

Jeudi 22 décembre. 6h du matin. 

 

Je suis sorti de mon tombeau en même temps que mes "complices" le sont des leurs. Que se passe-t-il? Nous retournons à Yaoundé pour être présentés au tribunal militaire. Vers 15h nous sommes écroués à la prison centrale de Kondengui." 

 

Enoh Meyomesse
Homme politique et ecrivain

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3 janvier 2012 2 03 /01 /janvier /2012 01:46

3 janvier 2012
Survie

 

Une mascarade électorale labellisée « acceptable » 

(géopraphiquement transférable. Juliette)


L’élection présidentielle du 9 octobre n’a apporté, hélas, aucune surprise ou presque. Tout était prêt pour la tacite reconduction de Paul Biya que le régime a officialisée le 21 octobre, en annonçant un score « modeste » de 78%.

 

Biya peut se targuer d’un plébiscite pour ce sixième mandat, avec la fidèle complicité des autorités françaises, qui n’ont émis que de timides recommandations pour donner l’illusion de ne pas soutenir pleinement la mascarade. La presse française, qui avait pour une fois dénoncé par avance ce hold-up électoral, n’a malheureusement pas transformé l’essai en ne soulignant pas ce énième renoncement de la diplomatie française à mettre en œuvre des promesses de changement de ligne politique.

 

La tension est montée d’un cran quelques jours avant le scrutin présidentiel, avec l’arrestation mardi 4 octobre d’un syndicaliste étudiant et de 17 militants d’un parti d’opposition. Une répression tous azimuts visant à dissuader toute contestation trop voyante d’une « élec­tion » ficelée d’avance. Restait l’arme du boycott, et le dimanche 9 octobre, les Camerounais, lucides, ont boudé les urnes : la mission d’observation électorale de l’Union africaine (UA) a ainsi officiellement constaté un « faible taux de participation », et l’ONG Transparency International comptabilise un taux d’abstention de 70%... qui ne serait que de 34% d’après ELECAM, la structure officielle chargée de chapeauter l’organisation du scrutin. Cherchez l’erreur !

 

Car ce n’est évidemment pas la seule anomalie : le chef de la mission de l’UA, l’ancien premier ministre malien Ibrahim Boubacar Keita, a dès le mardi 11 octobre déploré « le manque de bulletins de vote de certains candidats même si la lacune a été corrigée, les urnes mal scellées dans certains bureaux de vote, le non retrait de nombreuses cartes électorales par les concernés dans la plupart des bureaux de vote ». Parallèlement, les témoignages ont rapidement afflué sur les cas de fraudes et sur la facilité à nettoyer « l’encre indélébile » apposée sur le pouce des votants dans de nombreux bureaux de vote. Une encre plus difficile à faire disparaître fut celle des graffitis rouges « Biya out ! » et « Biya dégage ! » dont furent couverts dans la nuit qui suivit les murs de la ville de Bafoussam, bastion de l’opposition : l’armée reçut ordre de nettoyer, en empêchant quiconque de prendre des photos ou de filmer...

 

Les partis d’opposition ont évidemment entrepris des recours auprès de la Cour suprême pour demander l’annulation partielle ou totale du scrutin : le 12 octobre, 19 recours avaient ainsi déjà été déposés, dont 9 par le Social Democratic Front (SDF) de John Fru Ndi, considéré comme l’opposant principal du régime, avec lequel il s’est pourtant déjà compromis.

 

Le Cameroon People Party (CPP) annonçait même avoir fait constater par huissier l’existence de bureaux de vote fictifs dans un quartier de Douala. Le pouvoir camerounais reconnut quant à lui, dès le soir du scrutin, seulement de « légers dysfonctionnements dénués d’arrière-pensées ». Ben voyons !

 

La France fidèle en amitié

 

Pour la diplomatie française, rien de bien alarmant non plus : au lendemain du scrutin, seuls quelques éclaircissements étaient demandés par le porte-parole du Quai d’Orsay sur la mort de deux gendarmes et d’une femme dans des incidents distincts. Et le mardi 11 octobre, Alain Juppé déclarait à l’Assemblée nationale, en réponse à une question du député Serge Janquin, que les élections avaient « eu lieu dans des conditions acceptables », en s’appuyant sur les rap­ ports des observateurs de l’Organisation internationale de la francophonie (OIF) et du Commonwealth.

 

Vaste plaisanterie quand le chef des observateurs de l’OIF n’est autre que Pierre Buyoya, ancien chef de l’Etat burundais : un « démocrate » dont le passé de major, de putschiste puis de président à la botte de Paris rend l’expertise particulièrement pertinente ! Celui-ci avait déjà sévi en 2009, en légitimant la pseudo-élection présidentielle mauritanienne qui avait posé un vernis démocratique sur le putsch d’Abdel Aziz.

 

Quant au rapport des observateurs du Commonwealth, Alain Juppé a fait semblant de ne pas voir les nombreuses critiques qu’il contient sur le scrutin et ses préparatifs, le chef de la mission déclarant notamment : « Des gens (...) avec leurs récépissés (...) n’ont pas trouvé leur noms sur les listes électorales et on leur a dit d’aller dans un autre bureau de vote, puis dans un autre, et encore un autre. Finalement, ils n’ont pas pu voter. (...) nous avons reçu un bon nombre de plaintes à propos de l’organisation et de problèmes administratifs ». Il avait également déploré le « manque d’égalité et d’équilibre dans le traitement médiatique par les médias publics lors de la campagne électorale entre le président sortant et les partis d’opposition ».

 

La conspiration de la presse française

 

Mais ce n’est pas tout : notre ministre se permit aussi d’inciter les Camerounais à accepter leur sort sans broncher, en ajoutant : « Nous appelons donc la population, la presse camerounaise et tous les acteurs politiques à faire preuve, jusqu’au 24 octobre, date de proclamation des résultats, et au-delà bien sûr, de modération et à éviter tout recours à la violence pour faire valoir leurs vues ». Circulez, y a rien à voir !

 

Cette déclaration scandaleuse ne provoqua pas le tollé qu’elle méritait. Pourtant, en amont, la presse française s’était inquiétée de la mascarade en préparation, en consacrant – fait rare et à saluer – quelques articles sans concession pour le régime camerounais, notamment grâce à la publication récente de l’ouvrage de Fanny Pigeaud, Le Cameroun de Paul Biya (Karthala). Au point que le ministre camerounais de la communication a condamné le 12 octobre ce qu’il considère comme des « dérives » de la presse française, une « démarche concomitante, qui s’apparente pour dire le moins, à une conspiration ».

 

Hélas, la « conspiration » a pris fin : dans l’Hexagone, personne ou presque ne s’offusqua de cette réponse, qui aurait pourtant dû connaître le même succès que celle de Michèle Alliot-Marie proposant d’aider le régime de Ben Ali.

 

Car comme pour la Tunisie, les relations de la France avec le régime camerounais reposent sur une coopération policière et militaire qui permet d’y préserver les intérêts économiques et stratégiques français. Le ministère des Affaires étran­gères français affiche d’ailleurs fièrement que « le Cameroun est notre premier partenaire dans le monde en matière de coopération militaire », qui s’élève à « près de 4 millions d’euros » par an d’après le député UMP Michel Terrot, et qui se maintient dans le cadre du nouveau partenariat de défense.

 

Les Camerounais ne méritent pas la démocratie

 

Cette coopération comporte aussi un volet important d’enseignement aux techniques de maintien de l’ordre, utile au cas où les Camerounais ne se conformeraient pas à l’injonction paternaliste d’Alain Juppé de se tenir tranquille.

 

Au Cameroun, évidemment, la couleuvre ne passa pas, et l’opposante Kah Walla, candidate du CPP, s’interrogea dans le quotidien Mutations du 13 octobre : « Le peuple camerounais est-il moins méritant de la démocratie que le peuple français ? Je vois mal [en effet] les Français accepter des élections où il y a eu des fraudes, où l’on a surpris des gens avec plusieurs cartes, où les bureaux de vote ont ouvert largement après le délai légal. Je vois mal le peuple français en train d’accepter une élection où les urnes sont bourrées, où des actes de violence verbale et physique sont commis à l’encontre de citoyens qui n’ont pas voté à 100% pour le chef de l’Etat sortant, où les scrutateurs sont chassés des bureaux de vote, où le dépouillement se fait secrètement... ».

 

L’ambassadeur américain adopta une position ambiguë, espérant sans doute ménager la chèvre et le chou, en déclarant avoir constaté des « problèmes dans le processus électoral »... une déclaration aussitôt dénoncée comme une ingérence et une leçon de morale inacceptable par le ministre camerounais de la Communication : puisqu’on vous dit que tout s’est très bien passé !

 

L’ambassadeur de France, Bruno Gain, déclarait le 12 octobre au quotidien Mutations que la France « prête attention aux aspirations des populations, mais également aux impératifs de moderniser le pays et d’accentuer les reformes. » Accentuer les réformes ? Cela veut dire continuer une politique préexistante... pas de doute que pour l’ambassadeur, Biya était déjà réélu. Il n’y avait certes aucun suspense, mais cette reconnaissance a priori en dit long de l’idée que se fait la France de l’alternance au Cameroun.

 

Le 21 octobre, la Cour suprême, qui supplée un Conseil constitutionnel qui n’existe que sur le papier, déclara Biya vainqueur avec 77,99% des voix.

 

Le ministère des Affaires étrangères fit mine d’infléchir la ligne française : la reconnaissance immédiate du résultat, mais en constatant « de nombreuses défaillances et irrégularités » et en souhaitant « que des mesures soient prises pour que celles-ci ne se reproduisent pas lors des scrutins (législatifs et municipaux) de 2012 »... des scrutins bien moins médiatisés au niveau international.

 

Le gouvernement français envoie donc un signe d’encouragement plutôt qu’une mise en garde : « Vous ferez mieux la prochaine fois », en somme, sachant que cette « prochaine fois » pourra se dérouler dans un silence médiatique bien confortable.

 

Une fois de plus, les autorités françaises renoncent à honorer leurs fausses promesses de changement : une hypocrisie de plus quand, par ailleurs, en Syrie ou en Libye, notre diplomatie n’a que le mot démocratie à la bouche.

 

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2 janvier 2012 1 02 /01 /janvier /2012 21:13

31 janvier 2011
Jean-Bosco Talla
Germinal

 

http://www.icicemac.com/sites/default/files/Enoh_Meyomesse_0.jpg?1323349453L'air un peu hagard, un peu amaigris, cheveux grisâtres, chemisette rayée tachetée, pantalon légèrement sombre et sandales aux pieds, Enoh Dieudonné, alias Enoh Meyomesse, affiche un léger sourire et un visage radieux lorsque, sortant de la cellule de passage où il est logé depuis le 22 décembre 2011 , il aperçoit dans un angle de la cour des visites de la prison centrale de Kondengui, le reporter de Germinal qui venait juste de franchir la grille qui sépare ce lieu de la cour de cérémonie où est logée l’administration de ce pénitencier malfamé de la capitale politique du Cameroun. Du coup un gardien de prison se rapproche du reporter et essaie d’écouter discrètement ce qu’il dit au nouveau pensionnaire. Il ne cesse d’ailleurs de les regarder à la dérobée. Comme tous les dimanches, les mardi et les jeudis de chaque semaine, jours consacrés aux visites, cette cour des visites grouille de monde ce jeudi 29 décembre 2011.

 

Très ému, celui qui est aujourd’hui présenté comme étant le chef d’un gang qui aurait perpétré un braquage à main armée dans localité de Betaré Oya (Est-Cameroun) il y a environ deux mois se jette dans les bras du reporter de Germinal en lui souhaitant la bienvenue dans cet enfer sans nom. D’emblée, il exprime sa reconnaissance envers les médias et les compatriotes de la diaspora pour le travail de sensibilisation de l’opinion publique nationale et internationale. Aussi évoque-t-il avec émotion la situation surréaliste et l’univers kafkaïen dans lesquels il se trouve actuellement. « J’avoue que, déclare-t-il, sans les médias et des compatriotes, surtout ceux de la diaspora, je serais déjà mort. Le travail d’alerte et de sensibilisation qu’ils ont abattu m’a donné de l’espoir ».

 

Lorsque le reporter cherche à savoir ce qui s’est réellement passé, Enoh Dieudonné devient assez prolixe. « J’étais allé au Singapour rencontrer des partenaires afin de les convaincre de venir investir au Cameroun. À mon retour le 22 novembre 2011, si mes souvenirs sont exacts, dans le hall de l’aéroport international de Nsimalen, j’aperçois deux personnes qui brandissent une de mes photos qui habituellement se trouve dans ma chambre. Je me dirige vers ces personnes pour chercher à savoir ce qui se passe et tenter de comprendre d’où leur vient ma photo. Soudain, l’une des personnes me fait savoir que je suis en état d’arrestation. C’est plus tard que j’apprends qu’il s’agissait du colonel Oumarou Ngalibou, commandant de la légion de gendarmerie de l’Est-Cameroun. Je suis conduit manu militari au secrétariat d’État à la défense (Sed) à Yaoundé où on me livre à deux enquêteurs pour exploitation. C’est au moment de l’interrogatoire, quand les enquêteurs me demandent de leur indiquer notre cache d’armes que j’apprends que je serais à la tête d’un gang de braqueurs et qu’en complicité avec des forces étrangères, nous serions en train de fomenter un coup d’État. Aussi, après plusieurs minutes d’interrogatoire serré, les deux enquêteurs me demandent-ils de bien parler quand le colonel sera là, autrement dit de négocier ma libération en lui proposant de l’argent, car soutiennent-ils, le colonel aime de l’argent.

 

Quelques instants après, le colonel arrive. Il me soumet également à un interrogatoire musclé qui dure un peu plus de deux (2) heures ou trois (3) heures, durée au cours de laquelle nous nous affrontons. Malgré les intimidations, les insinuations, les menaces et les déclarations selon lesquelles mes ‘’complices’’ avaient déjà avoué et connaissant leurs méthodes, je refuse de céder. De manière récurrente, il fait allusion au coup d’État en préparation et aux armes qui seraient cachées pour parvenir à cette fin. Pendant ce temps, autour de moi, les enquêteurs gesticulent et me font des signes indiquant qu’il me faut proposer quelque chose au colonel Oumarou Ngalibou. Très épuisé, et juste pour faire baisser cette pression et atténuer son acharnement, je cède à cette tentation et lui propose une somme 10 000 dollars pour arrangement. Il soupire, lâche prise et déclare : ‘’voilà ce qui est bien dit. 10000 dollars, ça fait 10 000 0000 de FCfa ‘’. Je précise en lui disant que cela fait un peu plus de 4 500 000 FCfa. Il me demande de ne pas m’inquiéter.

 

Par la suite, le lendemain 23 novembre 2011, je suis conduit à Bertoua où je suis jeté dans une cellule obscure et infecte de la légion de gendarmerie de l’Est. C’est dans cette cellule que je faisais mes besoins. Je ne voyais la lumière du jour qu’au moment où j’allais déverser mes déchets (fèces et urines) à l’extérieur. J’ai même failli perdre ma vue qui a d’ailleurs pris un sérieux coup. C’est quand j’apprends aujourd’hui que j’ai tenté de corrompre le colonel Oumarou Ngalibou que j’ai la certitude que les ‘’conseils’’ à moi prodigués par les enquêteurs étaient un traquenard. D’ailleurs, j’avais eu un pressentiment.

 

Le 21 décembre 2011, un gendarme vient nous demander de nous apprêter. Quand nous sortons de nos cellules, nous sommes surpris de nous retrouver au milieu d’un attroupement dans la cour de la légion de gendarmerie de l'Est à Bertoua. Une mise en scène destinée à nous présenter au public comme de vulgaires malfrats. Il se dit que presque toutes les autorités de la ville de Bertoua étaient présentes. Les populations, les journalistes, les photographes y étaient également. Menottés, ils ont donné à chacun de nous des papiers sur lesquels ils avaient pris soin d’écrire nos nom, âge et le soi-disant motif de notre arrestation. Comme stock d’armes destinées soit à faire le coup d’État ou utilisées pour voler et sur lequel ils auraient mis la main après perquisition de nos domiciles, ils ont également présentés au public: une tenue militaire neuve, une kalachnikov et un pistolet automatique neufs. Un véritable trésor de guerre digne d’une légende, tu conviendras avec moi.

 

C’est après cette mise en scène que nous avons été transférés à Yaoundé. Le jeudi 22 décembre 2011, nous sommes passés brièvement devant le tribunal militaire qui a décidé de nous placer en garde-à-vue à la prison centrale de Kondengui »

 

Plainte

 

Les sources crédibles soutiennent que le voyage effectué par Enoh Dieudonné au Singapour a été entièrement financé par ses partenaires. Aussi le militant engagé et candidat recalé à la présidentielle de 2009 ne dispose-t-il ni compte bancaire, ni argent pouvant lui permettre de corrompre les enquêteurs. Selon ces sources, «pour payer la caution de 5 millions de francs CFA exigée pour être candidat à l'élection présidentielle, un militant du parti qu'il dirige Parena avait dû hypothéquer son titre foncier afin d'obtenir un prêt auprès de sa banque».

 

Dans cette affaire, souligne un avocat, en présentant publiquement Enoh Dieudonné et les autres comme des coupables de vol aggravé, il y a violation flagrante du principe de la présomption d'innocence. Selon l'article 8 du code de procédure pénale, «(1) Toute personne suspectée d'avoir commis une infraction est présumée innocente jusqu'à ce que sa culpabilité ait été légalement établie au cours d'un procès où toutes les garanties nécessaires à sa défense lui seront assurées. (2) La présomption d'innocence s'applique au suspect, à l'inculpé, au prévenu et à l'accusé».

 

Très remonté contre le colonel Oumarou Ngalibou , Enoh Meyomesse devrait consulter, dans les jours à venir, ses avocats afin de voir dans quelle mesure il portera plainte contre cet officier supérieur de l'armée camerounaise qui se serait introduit dans son domicile sans mandat de perquisition dûment signé par le procureur de la République. Pour le candidat recalé à la présidentielle du 09 octobre 2011, « le colonel Oumarou Ngalibou s’est introduit chez moi par effraction sans mandat de perquisition dûment signé par le procureur de la République. Mes avocats et moi décideront de ce que nous allons faire. Nous allons certainement porter plainte contre lui. Il faudrait bien qu’il réponde de ses actes».

 

Un détenu qui a écouté l’entretien que nous avons eu avec Enoh Dieudonné ne croit ni à la thèse du braquage ni à celle d’une tentative de coup d’État. « Grand frère, dit-il, je suis ici pour braquage et vol à main armée. Quand j’ai lu cette histoire dans la presse, j’ai tout de suite dit à mes codétenus que c’est un montage. La kalach et la tenue neuves, le pistolet neuf trahissent ceux qui ont monté cette histoire. Mais où sont les couteaux ? Qu’on nous dise qu’ils ont acheté de l’or issu d’un braquage, cela se comprendrait. Mais qu’ils ont braqué avec ce matériel neuf, ça fait sourire. Quatre personnes, une tenue militaire, une kalach, un pistolet automatique : devaient-il utiliser ce matériel à tour de rôle ? C’est trop gros. De plus, dans quel pays au monde peut-on faire un coup d’État avec ça ? Seulement au Cameroun ».

 

Un gardien de prison qui a requis l’anonymat ne croit pas lui non plus à la tentative de corruption : « Cette affaire me semble complexe. Elle doit avoir des relents politiques. vous comprenez pourquoi je ne peux pas vous recevoir dans mon bureau. Peut-être est-ce une tentative d’intimidation, un message lancé en direction de tous ceux qui rèvent de faire bouger le Cameroun ou un règlement de compte. J’ai rencontré Enoh Dieudonné deux fois ici à la prison centrale. À chaque fois, il me demandait de lui trouver 200 FCfa (0,30 €) pour manger. Cette tentative de corruption semble avoir été un piège tendu par les enquêteurs pour accréditer une thèse. Laquelle? », s'indigne-t-il, visiblement choqué.

 

Au moment où nous étions à la prison centrale de Kondengui, Enoh Dieudonné était encore dans la cellule de passage. Certains détenus ont affirmé que dans les prochains jours, il devrait être transféré au Kosovo, c’est-à-dire soit au quartier 8, soit au quartier 9, lieu où le journaliste Germain Cyrille Ngota Ngota, alias Bibi Ngota avait trouvé la mort.

 

Faut-il le souligner, les quartiers 8 et 9 (Kosovo) avaient été construits pour accueillir au maximum 400 détenus chacun. De nos jours, chaque quartier du kosovo compte plus de 1200 détenus. Un véritable goulag tropical où chaque jour plus de 200 détenus dorment à la belle étoile et où il n’est pas rare de constater que des détenus démunis, en guenilles, rongés par la gale et autres maladies de la peau, pour se nourrir et se vêtir, vont fouiller dans les poubelles.

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1 janvier 2012 7 01 /01 /janvier /2012 21:32

1er janvier 2012
Louis Marie Kakdeu

 

Message de Paul Biya à la Nation le 31 décembre 2011

 

 

Paul-Biya.jpgLorsqu’un Chef d’Etat s’adresse à la Nation à cette occasion, on s’attend à ce qu’il fasse le bilan de l’année écoulée en tirant les perspectives sur la nouvelle année à venir. On s’attend à ce qu’il parle de ce qu’il a fait et de ce qu’il fera. Paradoxalement, le président Biya vient de s’adresser à la Nation comme s’il venait de prendre le pouvoir au Cameroun. Le seul bilan de l’année 2011 évoqué est son élection à la tête de l’Etat.  Il parle des élections dont les « dysfonctionnements seront corrigés »  et de sa campagne électorale qui a proposé la « nouvelle dynamique » aux Camerounais.

 

Pour le reste, c’est du « y en a marre ». Car, cela fait 30 ans qu’il parle de la relance économique et de la lutte contre la corruption. Une telle banalité rabâchée de la même manière chaque année et sans un peu d’égard à l’endroit du peuple affamé qui écoute, ne peut pas permettre de sceller le pacte de confiance que le Président réclame à travers son élection sans félicitations le 09 octobre dernier.

 

Pire encore, il dit que nous sommes «  au seuil de la première étape de notre ‘longue marche’ vers l’émergence ». Dans l’environnement cognitif camerounais, à quelle réalité fait-il référence ? Biya considère-t-il qu’en 30 ans de règne, on n’est qu’à la « première étape » ? On a plutôt l’impression que Biya a volé cette phrase à un Président comme Lula qui a résolument engagé le Brésil sur le chemin de l’émergence.

 

En 2006, on pouvait se féliciter que Biya reconnaisse ses manquements pour la première fois à travers son discours au troisième congrès extraordinaire du RPDC. Mais, depuis lors, il ne fait que cela. En formulant son vœu de République exemplaire, on se demande s’il prend en compte l’exigence de la démission des responsables en cas d’échec. Biya ne doit pas se contenter aujourd’hui de dire qu’il a échoué. Il doit démissionner afin que s’accomplisse les vœux « d’Etat juste » et de  « Nation respectée à l’extérieur » où l’on travaille pour « améliorer les conditions de vie de notre population qui ne sont pas toujours dignes d’un pays comme le nôtre ». Il ne doit plus se contenter de faire son mea culpa : « Je pense que, dans le passé, l’action gouvernementale a souffert d’un déficit d’esprit d’entreprise et que l’administration a péché par immobilisme. Nous devons venir à bout de cette inertie qui nous a fait tant de mal. » Il doit montrer un comportement « exemplaire ». Dans l’imaginaire populaire des Camerounais, il en ressort qu’ils veulent que « l’exemple vienne d’en haut ». 

 

Le profil de Biya vieux de 30 ans « d’immobilisme » n’est plus propice pour tenir des discours nationalistes de développement. Un nouveau leader dynamique ferait foule à sa place avec une déclaration comme la suivante : « je crois que nous devrions faire de la relance une véritable cause nationale. (…) faire décoller le Cameroun, comme l’ont fait il y a une trentaine d’années les nouveaux ‘dragons’ asiatiques. Ce ‘patriotisme’ économique pourrait rassembler toutes les forces vives du pays. »

 

Biya n’est plus un modèle de patriotisme car, la majorité des Camerounais ayant choisi de s’abstenir de voter bien sûr, pensent que pour le bien du pays, il ne devait plus se présenter aux dernières présidentielles. Il fait donc partie, aux yeux de la masse, de ceux qu’il critique à savoir : ceux qui ne recherchent dans un élan de « népotisme » que leur « profit personnel au détriment de l’intérêt général, lequel devrait pourtant être la règle d’or du service public ». De nos jours, Biya n’est pertinent que pour ses « créatures » au moment où lui-même affirme qu’il est temps pour toute la population (« vous ») de « recueillir les fruits des sacrifices » consentis. 

 

Au moment où l’on achève la lecture du discours de Biya, on ne sait pas ce qu’il fera en 2012 sinon la « relance de la croissance », un concept en vogue que prononcent tous les chefs d’Etat dans l’actualité. Sauf que ce concept doit s’accompagner d’un programme d’action harmonieux. Bien sceptique, on est quand même en droit de se demande si un jour, sous Biya, il y avait déjà eu croissance économique au Cameroun pour qu’il soit en droit de parler de « relance » de nos jours. Pour l’opinion camerounaise, le régime de Biya n’a été marqué que de « crises » au point où il est obligé de se dédouaner pour en parler : « Il n’est pas question ici de chercher des excuses pour nos performances insuffisantes mais simplement de rappeler les faits ».

 

Au demeurant, on comprend que le Cameroun des « grandes réalisations » se conjugue encore au conditionnel (« Si, comme je le pense, nous réussissons à relancer vigoureusement notre activité économique, la situation de l’emploi devrait sensiblement se détendre »). Chaque Camerounais devra encore se résoudre de sa battre par lui-même comme on le fait jusqu’à présent. D’ailleurs, Biya le dit : « Il en ressort que nous devrons de plus en plus compter sur nos propres efforts, nous inspirer de l’expérience des pays émergents ». En un mot : « Retroussez les manches », il l’avait déjà dit !

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31 décembre 2011 6 31 /12 /décembre /2011 16:40

Relu pour vous
The Analyst, vol. 2, no 4, 1987, pp. 18-19. 

 

La fureur du monstre du lac Nyos

 

Le 21 août 1986 un mystérieux désastre a eu lieu au lac Nyos dans la région montagneuse du Cameroun, à quelque centaine de kilomètres de la frontière du Nigeria.

Selon les compte-rendu officiels, plushttp://upload.wikimedia.org/wikipedia/commons/thumb/4/41/Lake_nyos.jpg/250px-Lake_nyos.jpg de 1 200 fermiers et éleveurs de bétail de même que toutes leurs bêtes – en fait presque toute vie (humaine et animale) dans la région – furent silencieusement et instantanément tués.

Les chiffres non-officiels estiment cependant que le désastre a fait à peu près 5 000 morts.

 

Qu'est-ce qui a tué ces gens ? 

 

Au moment du désastre, ces décès furent rapportés comme étant le résultat d'une explosion du lac volcanique qui déclencha les gaz et des vapeurs empoisonnés asphyxiant les personnes qui les respirèrent. La revue West Africa rendit compte que les survivants dans la région rapportèrent avoir entendu une explosion bruyante vers vingt et une heures alors que la plupart des gens dormaient. Cette explosion fut suivie par une odeur fétide dans l'air semblable à l'odeur du gaz de cuisine. 

 

Néanmoins, les médecins qui se rendirent dans la région à la suite de la tragédie remarquèrent que les survivants souffraient de brûlures dans les poumons et sur la peau; des indications claires de brûlures et de blessures étaient évidentes sur les cadavres. Ces découvertes n'étaient pas compatibles avec l'affirmation que les victimes étaient mortes seulement de suffocation due à la respiration de gaz empoisonnés.  La cause réelle de l'explosion et des décès demeure jusqu'à ce jour un sujet de controverse scientifique.

 

La revue New African de juillet 1987 rapporte qu'un groupe de 120 experts et scientifiques ont assisté récemment à une conférence sur le désastre du lac Nyos tenue à Yaoundé. Après une semaine de délibérations, et après avoir examiné des documents totalisant 5 000 pages, les savants ne purent se mettre d'accord sur les raisons de l'explosion bien qu'ils semblèrent convenir que c'était un gaz contenant du carbone bioxyde qui avait tué la population. Mais le processus par lequel ceci eut lieu demeure inconnu.

 

Des savants camerounais, britanniques et américains discutèrent de la question que le gaz s'était dégagé du fond du lac en raison d'un brusque changement de température ou bien d'un glissement de terrain. Les experts italiens, suisses et français quant à eux estimèrent que l'explosion du lac fut provoquée par une intensification de la pression qui entraîna le relâchement du gaz. Cependant aucune des théories n'a pu répondre aux questions posées par les événements du lac Nyos. Comme le note le New African, s'il y avait eu une explosion, il aurait dû y avoir des débris, mais il n'y en eut aucun. D'autre part, les médecins n'ont pu expliquer les brûlures et blessures trouvées sur les victimes, et qui n'avaient pas pu être causées par le dégagement du carbone bioxyde. 

 

Toutefois, une nouvelle lumière qui est venue récemment éclairer le désastre, soulève certaines questions alarmantes pour les Nigérians et pour les Africains. Selon un article paru dans un journal américain, le San Francisco Examiner [3], et qui a pour auteur la commentatrice politique Mae Brussel, l'explosion du lac Nyos a été causée par une bombe à neutrons secrètement mise à l'essai dans la région par les États-Unis et Israël. Brussel constate que les interprétations actuelles données à la tragédie ne sauraient expliquer les blessures et brûlures trouvées sur les victimes. Elle relève aussi le fait que les États-Unis et Israël ont tous deux été partisans du développement de la bombe à neutrons capable de tuer toute vie humaine et animale dans une région sans endommager la propriété. Le fait qu'Israël ait agi dans plusieurs parties du monde comme représentant ou substitut des États-Unis dans des affaires délicates auxquelles les États-Unis n'auraient pas voulu être directement associés, est aussi noté par le reporter. En fait, comme une source de Washington l'a récemment indiqué, « Israël est devenu une sorte d'agence fédérale (du gouvernement des États-Unis)... agence qu'il est commode d'utiliser quand on a besoin de faire quelque chose en sourdine ». 

 

Le développement de la bombe à neutrons par les États-Unis a été profondément enveloppé de mystère pendant plusieurs années. Il n'y a jamais eu d'essai officiel de cette arme chère au cœur des stratèges du monde capitaliste pour sa capacité de tuer les vies humaine et animale, tout en préservant les bâtiments et autres propriétés. Israël et l'Afrique du Sud vouent au développement de la bombe à neutrons, de même qu'aux armes qu'on appelle nucléaires, un intérêt particulier, à cause de leurs adversaires immédiats (les Palestiniens dans le cas d'Israël, et la population sud-africaine noire, de même que les États africains voisins dans celui de l'Afrique du Sud) situés dans un territoire adjacent.

 

Ils veulent développer des armes qu'ils pourraient utiliser contre ces « ennemis », et qui en même temps n'affecteraient pas leurs propres populations.  Cependant, avant qu'une arme comme la bombe à neutrons puisse être rendue utilisable, elle doit être testée. Une zone telle la région montagneuse du Cameroun, dans la proximité de lacs volcaniques connus où des éruptions de gaz ont tué des gens dans le passé, pourrait offrir un site idéal à la bombe à neutrons étant donné que les décès pourraient être attribués au gaz et que leur cause véritable pourrait être aisément dissimulée. Est-ce bien cela qui est arrivé au lac Nyos ? 

 

Entre-temps la pénétration croissante d'Israéliens en Afrique noire de même que leur rôle de substitut des États-Unis sont la cause d'une inquiétude grandissante parmi les forces progressistes. Comme le savent les lecteurs de The Analyst, Israël fournit des armes et de l'argent aux cruels dictateurs de l'Amérique Centrale et du Sud; il a été la source [PAGE 47] majeure d'armes du régime fasciste d'Afrique du Sud et a coopéré avec ce pays pour le développement d'armes nucléaires à son usage. Ces armes sont utilisées par l'Afrique du Sud contre la population noire des pays de même que contre ses voisins africains; et Israël a bien entendu joué un rôle principal dans le marché d'armes iranien qui fait actuellement l'objet d'une investigation aux États-Unis. En Afrique noire, Israël s'est assuré les faveurs des régimes pro-impérialistes et a renouvelé ses relations diplomatiques avec le Zaïre, la Côte-d'Ivoire, le Liberia, et le Cameroun; il est en voie de les renouveler avec le Togo, Sierra Leone et peut-être la Gambie, le Gabon, le Sénégal, la Guinée et le Niger. Israël s'acharne encore pour obtenir la reconnaissance diplomatique du Nigeria.

 

Le New African de juillet 1987 rapporte qu'à l'heure actuelle quelque 15 000 Israéliens travaillent et vivent en Afrique noire, dont 4 000 au Nigeria, « certains en tant que conseillers pour la sécurité à la présente administration militaire ».  Toute cette activité croissante d'Israël en Afrique noire, en plus de son rôle certain comme couverture des États-Unis et de ses autres activités impérialistes contre les forces du progrès en Afrique, soulèvent des questions pour nous autres au Nigeria que nous ne pouvons pas nous permettre d'ignorer. Que faisait par exemple le Premier Ministre Shimon Peres en visite officielle au Cameroun précisément à la période du désastre du lac Nyos ? Pourquoi avait-il emmené avec lui pendant cette visite dix-huit savants israéliens pour examiner ce qui était arrivé au lac ? Pourquoi avait-on décliné l'aide d'un vaisseau de la marine britannique qui naviguait dans les eaux camerounaises au moment du désastre (i.e. Pourquoi avait-on écarté les Britanniques de la région ?). Pour quelle raison Israël s'était-il montré tellement intéressé à ce qui s'était passé au lac Nyos? Cet intérêt était-il purement humanitaire compte tenu qu'Israël n'avait jamais auparavant manifesté un tel intérêt pour ce petit pays ? 

 

Qu'est-ce qui a en définitive causé l'explosion du lac Nyos? Les Nigérians doivent connaître la vérité.

La continuité de la survie de tous les Nigérians, des autres Africains et de toute personne en dépend.

Nous ne pouvons plus nous permettre de dissimuler la vérité. 

 

Texte traduit par Josette Ackad.
Sydney, novembre 1987 

 

[1] Opinion à l'évidence extravagante. C'est la zone franc qui est le principal responsable de l'évasion du capitaux qui étrangle le Cameroun (N.D.L.R.). 

 [2] Autre appréciation plus que complaisante, totalement contraire à la vérité de faits (N.D.L.R.). 

 [3] Erreur ! Il s'agit plutôt du « National Enquirer » (N.D.L.R.).  

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27 décembre 2011 2 27 /12 /décembre /2011 21:57

27 décembre 2011
Doo Bell

 

Impunité « assurance tous risques »

 

Notre précédent éditorial concluait la semaine dernière que le régime d’impunité a encore de beaux jours devant lui. Nous le maintenons parce que c’est vrai, même si à la veille d’une nouvelle année, notre souhait est que chacun use de son droit à la conversion pour que 2012 soit l’amorce d’un retour à la vertu. Car, il n’y a rien de plus vrai que «l’habitude est une seconde nature».

 

L’impunité a forgé en trois décennies une race nouvelle de Camerounais sans référent moral ni éthique, et sans aucune autre conscience que celle de l’argent plus facilement gagné  dans les positions de pouvoir et par la corruption que par le travail. Une race qui par réflexe culturel banalise le crime et le vice, et qui vit dans l’outrage permanent aux vertus humaines, y compris républicaines.

 

Si l’impunité dégénérative commence au sommet de l’Etat où le clientélisme politique et l’incrustation systémique de la corruption dans les rouages dirigeants apparaissent comme les deux meilleurs instruments pour garantir la longévité du système gouvernant, elle descend jusqu’au carrefour « les 2 églises » à Douala, où l’on a l’impression que les moto taximen font exprès d’annuler continuellement les signaux des agents de la circulation, disputant la priorité aux véhicules autorisés à passer, créant de ce fait les embouteillages qui paralysent la ville, et se mettant à injurier en chœur celui qui oserait leur en faire la moindre remarque. Naturellement, la police est impuissante devant le phénomène, parce qu’ en amont les autorités administrative et municipale ne peuvent plus supprimer la jungle induite du laisser-faire qui tient lieu de politique de l’emploi.

 

Mais, avant d’en arriver là, Elle a d’abord perverti ce qui est le socle des valeurs et de la vertu  dans toute société humaine normale, et républicaine. A savoir : le système éducatif. Le Cameroun est devenu un pays où, comme disait un « forumiste » camerounais sur le Net la semaine dernière,  « les enseignants sont corrompus par les étudiants, les vendeurs sur les trottoirs corrompent les collecteurs d’impôts, les taximen corrompent les  policiers,  les généraux corrompent leurs soldats… ». Nous n’insisterons pas sur le fait nouveau que désormais ces corrompus le sont de plus en plus sur leur propre demande. Nous ajouterons plutôt, et pour montrer jusqu’où est allé ce que le parodié appelle « dynamique de solubilisation de l’esprit national » que dans ce pays nôtre, pour avoir de la place dans un bus de  transport en commun, lorsqu’on est en retard sur l’enregistrement, il suffit de glisser subrepticement  un billet bleu dans la main du chargeur en le saluant, pour occuper la place d’un passager qui a déjà son billet, obligeant ainsi ce dernier à attendre le voyage suivant. Et si vous trouvez que c’est banal, penserez-vous autant de ce qui se passe quand on veut changer de statut social dans la Fonction publique camerounaise ?

 

Certes, avec un peu de chance, comme dirait un ami qui est dans la haute administration au même poste depuis 20 ans, « un ami ou un chef qui te respecte, peut te dire un jour comme ça : « donne rapidement ton CV, et ne pose pas de question » tu le lui donnes et un jour tu vois tomber une décision en ta faveur. Mais les deux voies les plus sûres pour avoir un poste confortable, y compris ministériel, c’est si tu peux disposer d’un petit paquet de millions Cfa pour remettre à une bonne cible et au bon moment, ou alors, dans les mêmes circonstances, servir ta femme à quelqu’un si tu ne te laisses pas « initier » toi-même ». C’est dire, n’est-ce pas ?

 

Mais, il n’y a pas jusqu’à l’institution républicaine qu’est l’Etat, qui ne souffre pas d’outrage inhérent à l’impunité. Notamment de l’amalgame qui suggère toujours plus cyniquement chaque jour et en toutes les circonstances, que les Camerounais sont gouvernés part un parti-Etat. Le scandale inquiétant créé dans l’opinion par la nomination du secrétaire général du Rdpc dans la même cuvée de décrets réorganisant le gouvernement n’était pas encore estompé qu’on a vu ce même secrétaire général du Comité central du parti au pouvoir, représenter le chef de l’Etat aux obsèques de feu Augustin Frédéric Kodock.

 

Certes, était-il permis de penser qu’un secrétaire général de parti, allait représenter son président au deuil d’un chef de parti allié. Mais, les citoyens camerounais, militants du Rdpc compris, ont le droit de savoir en vertu de quoi M. Nkueté qui n’est plus au gouvernement peut déposer la distinction républicaine de « Grand Officier… » sur le cercueil d’Afk au nom du président de la République, alors que celui-ci dispose d’une soixantaine de membres du gouvernement qu’il vient de nommer, dont un Premier ministre, des ministres d’Etat et des Chargés de mission.

 

Y a-t-il meilleure manière de nous dire que l’Etat et le Rdpc c’est bonnet blanc et blanc bonnet, et de commettre ainsi impunément un outrage à la République ? Et si l’apparence correspond à la réalité, sachant ce que le Rdpc n’a servi à ce jour que l’exact contraire   de « la rigueur et la moralisation » puis de la « démocratisation profonde » et enfin de « l’intégration nationale », aurions-nous tort d’en conclure que l’impunité dégénérative est bien une « assurance tous risques » pour les détournements des ressources publiques, la prédation du patrimoine national, la tribalisation du pouvoir, et la corruption systémique qui devient mécanisme d’appropriation durable et oligarchique du pouvoir ? 

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25 décembre 2011 7 25 /12 /décembre /2011 19:18

Relu pour vous
Le 25 décembre 2011
Source: Afrique Horizon

 

features

De toutes les régions que compte l’Afrique Noire, celle qui, à ce jour, accuse le plus grand retard, en matière de démocratie, est, de toute évidence, l’Afrique Centrale. Il s’y trouve cinq chefs d’Etat qui battent, actuellement, des records mondiaux de longévité au pouvoir. Cette situation n’est pas sans conséquence. Elle est probablement à l’origine du grand retard qu’accuse, également, cette sous région d’Afrique, sur le plan de l’intégration politique et économique, en comparaison avec celle de l’Afrique de l’Ouest. Dans le cas du Cameroun, nous nous retrouvons, au bout de 49 ans d’indépendance, avec seulement, deux présidents de la République, là où, sous d’autres cieux on en compte parfois dix, comme c’est le cas aux Etats Unis d’Amérique. Au Cameroun, la thèse qui prévaut est celle de la nécessaire « stabilité » pour promouvoir le développement. Celle-ci, naturellement, ne résiste nullement à l’analyse. Car, si tel était le cas, les Etats Unis d’Amérique seraient, à pas de géants, en train de se sous-développer, eux qui ont connu, pendant la même période, six fois plus de présidents de la République. De même, il suffit de visiter d’autres pays africains ayant connu une « instabilité politique », pour se rendre compte combien il est erroné de penser que le changement périodique de président de la République est un facteur de régression. Le Ghana, à ce jour, en est à plus de sept changement au sommet de l’Etat, mais, dans le même temps, en matière de développement, ce pays se situe très loin devant le Cameroun. Tous les Camerounais qui ont eu le bonheur de le visiter à l’occasion des deux Coupes d’Afrique des Nations qui y ont été organisées ces derniers temps, en sont rentrés ahuris. Ils n’en croyaient pas leurs yeux. Que dire alors du Nigeria voisin où, non seulement des chefs d’Etat ont été assassinés, mais en plus, une effroyable guerre civile s’y est menée ? Ce pays, tout comme le Ghana, se retrouve, malheureusement, bien loin devant le Cameroun, en matière de développement. Notre conviction profonde est que, contraire-ment à la propagande officielle, la longévité au pou-voir est un puissant facteur de régression. Le Zimbabwe de Robert Mugabe en est, à ce jour, un par-fait exemple. Dans les pages qui suivent, nous nous efforçons de décrire les méthodes utilisées, d’abord par Ahmadou Ahidjo, puis Paul Biya, pour se maintenir si longtemps au pouvoir. Notre ambition n’est nulle-ment d’intenter quelque procès que ce soit à ces deux personnages, mais, tout simplement, de révéler, aux Camerounais, la manière dont nous sommes gouvernés, depuis le premier jour de notre indépendance.

 

Une équipe de recordmen

 

Omar Bongo Ondimba, du Gabon, d’abord Albert Bernard Bongo, puis Omar Bongo tout court, et, à présent, Ondimba, trône, au pouvoir, depuis …42 ans ! José Edouardo Dos Santos, d’Angola, depuis 32 ans ! Teodoro Obiang Nguema, de Gui-née Equatoriale, depuis 30 ans ! Paul Biya, du Cameroun, depuis 27 ans ! Denis Sassou Nguesso, du Congo Brazzavile, depuis 25 ans ! Chacun de ces recordmen mondiaux de durée au pouvoir, peut se targuer d’avoir vu défiler, sous son règne, plusieurs chefs d’Etats et chefs de gouvernements occidentaux. De 1967 à 2009, Omar Bongo Ondimba, en a vu défiler, comme présidents de la République, 9, aux Etats-Unis d’Amérique : 1- Lyndon B Johnson, 2-Richard Nixon, 3-Gerarld Ford, 4- Jimmy Carter, 5- Ronald Reagan, 6- Georges Bush, 7- Bill Clinton, 8- Georges W. Bush, 9- Barack Obama. En France, il en a vu défiler 8 également : 1- Charles de Gaulle, 2- Alain Poher (président par intérim), 3- Georges Pompidou, 4- Alain Poher (président par intérim), 5- Valéry Giscard d’Estaing, 6- François Mitterrand, 7- Jacques Chirac, 8- Nicolas Sarkozy. De 1982 à 2009, Paul Biya, de son côté, en a vu défiler 5, aux Etats-Unis : 1- Ronald Reagan, 2- Georges Bush, 3- Bill Clinton, 4- Georges W. Bush, 5-Barack Obama ; 3 en France : 1- François Mitterrand, 2- Jacques Chirac, 3- Nicolas Sarkozy ; 3 Chanceliers en Allemagne : 1- Helmut Kohl, 2- Gerhard Schroder, 3- Angela Merkel ; 3 Premiers ministres, en grande Bretagne : 1- Margaret Tacher, 2- Tony Blair, 3- Gordon Brown ; 3 Premiers ministres en Espagne : 1- Felipe Gonzalez, 2- José Maria Aznar, 3- José Luis Zapatero, etc… En 1967, lorsque Albert Bernard Bongo accédait au pouvoir (c’est ainsi qu’il se dénommait a-lors), Nicolas Sarkozy, l’actuel président de la République française, était encore … au lycée, en classe de sixième ! A présent, tous les deux sont des « homologues ». Pis encore, Omar Bongo Ondimba, se fait un point d’honneur de rappeler, à qui mieux-mieux, qu’ils sont « amis », et même, qu’ils se tutoient, lui le vassal, et Nicolas Sarkozy, le suzerain. De même, lorsque Paul Biya était nommé président de la République, le même Nicolas Sarkozy venait, à peine, de quitter les bancs de l’université.

 

Zéro dauphin

 

Fait de la plus haute importance à relever, ni Omar Bongo, ni Denis Sassou Nguesso, ni Paul Biya, ni José Edouardo Dos Santos, ni Teodoro Obiang Nguema, personne parmi eux, ne laisse même poindre, à l’horizon, l’ombre d’un probable dauphin. Ils maintiennent les ténèbres les plus opaques sur cette question. « J’y suis et j’y reste », semble être leur mot d’ordre. Ce n’est pas tout, Paul Biya, descendant de l’avion après que la rumeur de sa mort eut parcouru de bout en bout le Cameroun, n’avait pas pu s’empêcher de déclarer, tout goguenard, aux Camerounais : « rendez-vous dans 20 ans ! » Naturellement, ceux-ci lui avaient rétorqué, du tac au tac : « tu es Dieu ? » N’empêche. Cela traduit, véritablement, le fond de sa pensée : « je suis encore là pour bien longtemps, n’en déplaise à vos esprits jaloux ». Il va sans dire que si le président de la République se permet de tenir de tels propos à son peuple, c’est bien parce qu’il sait à quel point il est venu à bout de la démocratie, au Cameroun, combien il a apprivoisé celle-ci, combien il lui a brisé les reins, lui qui en avait ressenti une profonde frayeur, au dé-but, c’est-à-dire en 1990, après que François Mitterrand l’eut contraint à l’instaurer, au point où il lui répugnait, même, de prononcer, simplement, le mot « multipartisme ». On se souvient, en effet, de son ultime phrase, lors de son discours de clôture du congrès de son parti, au mois de juin 1990 : « attendez-vous à une éventuelle concurrence… » Mais, comment Paul Biya en est-il arrivé à se bomber le torse, au sujet de la démocratie, c’est-à-dire à ne plus en éprouver quelque frayeur et à s’en proclamer champion toutes catégories, actuellement ?

 


Sommaire du livre
Introduction
Une équipe de recordmen
Zéro dauphin

L’ordonnance d’Ahmadou Ahidjo portant répression de l’opposition et instaurant la délation

Les arrestations de Sangmelima en 1986
L’arrestation de la chanteuse Koko Ateba
L’arrestation d’Ekané Anicet, Maître Yondo Black, Henriette Ekwé
Le contournement des revendications populaires
Le maintien de l’ordonnance portant répression de l’opposition et encourageant la délation
La politique du renouveau ou la fin de l’ouverture démocratique
Paul Biya au garde-à-vous devant François Mitterrand
La raison des arrestations sous le régime du renouveau de 1982 à 1990
La dictature sous le multipartisme
Les « élites » : chiens de garde du régime
Les « élites » : merveilleux boucs émissaires du régime …
Les contrebandiers et fraudeurs fiscaux intégrés au comité central du Rdpc
Le Rdpc : un « machin » sans intérêt
Les « élites » : véritables militants du Rdpc
L’extermination physique des opposants sous Ahidjo
Le discours d’Okala à la suite de l’assassinat de Moumié
L’arrestation de quatre députés en 1962
L’extermination physique des opposants sous le renouveau
L’embastillement d’opposants sous couvert de détournement de fonds publics
L’humiliation des « élites » pour les rendre dociles
La corruption de l’opposition afin de la terrasser
La création d’une bourgeoisie commerçante pour démoraliser
l’opposition
La création d’une bourgeoisie administrative complice du régime
La création d’une bourgeoisie militaire protectrice du régime
La marginalisation des élus
La mise k.o. des syndicats
Le roi-président et la reine-première dame

Prix du livre : 1500 F CFA
Vente : kiosques à journaux 
Déjà disponible à Yaoundé en librairie


Librairie des Peuples noirs à Tsinga
Librairie Editions Clé 

Disponible à Douala à partir de la semaine du 16 février 2009 

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25 décembre 2011 7 25 /12 /décembre /2011 19:07

25 décembre 2011
Patrice Nganang

 

Le vrai crime d’Enoh Meyomesse : être Boulou, opposant, intelligent et résolu à changer les choses au Cameroun.

 

http://t2.gstatic.com/images?q=tbn:ANd9GcTXWiOH9tbAAJoM_1sUfTC1xxYNh5Ev8rlptO-rzAzaSWULExWF0QIl n’y a rien d’étonnant que pour parler de ce compatriote embastillé en ce moment, il faille user de tant de qualificatifs qui en ce qui le concerne ne participent pas d’un simple habillage de texte. Pour le régime en effet, Enoh est dangereux parce qu’il est Boulou et à ce titre constitue un très très mauvais exemple dans cet hinterland du pays béti que l’on veut absolument présenter comme homogène avec à la limite l’unique exemple de dissidence et de contestation antérieur  au « renouveau » du président Biya, du célèbre Abel Eyinga.

 

Enoh est ensuite dangereux car étant un opposant. En effet, dans un pays où il y a tant de gens qui revendiquent bruyamment ce titre, il n’est pas aisé de faire la différence entre tout ce beau monde. Pour essayer de le faire, je me crois obligé de faire appel à de très vieux souvenirs. En effet, j’ai connu Enoh à Paris en 1979-80, dans un café sur le Boulevard Saint-Michel.

 

De ce jour là, il me reste en mémoire, deux choses : premièrement, c’est ce jour là que j’ai fait la connaissance de Paul Dakeyo, un de nos grands poètes, écrivains et éditeurs, que me présenta alors Enoh ; deuxièmement, il y a donc plus de trente ans, Enoh me parla de Demain le Cameroun, un journal dont il était l’animateur fondateur, et je crois savoir avec l’aide financière d’un certain nombre de compatriotes dont notamment Denis Panga et Abel Eyinga. Demain le Cameroun, rien qu’un tel titre à cette époque là en disait déjà long sur ce que pensait ce compatriote de notre pays.

 

Je vous laisse imaginer la suite à l’aune des événements et de ce qui lui arrive à présent. Enoh, est dangereux pour le régime parce qu’il est intelligent. Pour étayer ceci, je suis obligé de révéler la confidence qu’il m’a faite il n’y a pas bien longtemps ; celle d’avoir créé le Parena pour Abel Eyinga et non pour lui-même. N’est-ce pas là une preuve d’intelligence que d’avoir compris depuis longtemps que l’union fait la force et de s’être démarqué de se besoin maladif de représentation qui caractérise la grande majorité des membres de l’establishment politique camerounais.

 

Enfin Enoh est dangereux pour le régime parce qu’il est résolu à changer les choses au Cameroun. Notez bien que je ne dis pas résolu à chercher les moyens de changer les choses. Non, je dis bien résolu à changer les choses car, c’est certainement dans cette direction qu’il faut creuser pour comprendre pourquoi il est en ce moment dans les rets du régime. Demain ne soyez pas étonné que M. Bedzigui soit arrêté et que l’on nous le présente comme un dangereux trafiquant de drogue. Notre compatriote Patrice Nganang à tout compris. Etre Beti et opposant dans le Cameroun de Paul Biya, n’est pas une sinécure, mais plutôt une gageure même si, être opposant résolu tout court dans ce pays, est un chemin de croix. Woungly-Massaga en est un exemple vivant.

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25 décembre 2011 7 25 /12 /décembre /2011 18:52

19 décembre 2011

Patrice Nganang

 

Des "crimes" d'Enoh Meyomesse, proclamé par un régime biyaïste stalinien 

 

http://bp1.blogger.com/_TrUe7u921Ek/R5oPGxyaPqI/AAAAAAAAAA4/bq5g5LjzXY4/S220/clip_image001.jpgIl est à Bertoua, en fait, à la gendarmerie de Bertoua, m’a-t-on dit, de plusieurs sources, mais c’est tout comme s’il était en Sibérie, nessa? Extraordinaire que cette histoire d’Enoh Meyomesse, écrivain public connu dans notre pays, intellectuel respecté partout, collaborateur de quotidiens comme Mutationset bien d’autres, candidat à l’élection présidentielle du 9 octobre 2011, qui soudain disparaît de la circulation – et personne ne sait ce qui lui est arrivé. Pire : personne ne peut dire ce qui lui est arrivé. Plus que pire : aucun media de notre pays n’a de reporter pour confirmer ou infirmer ce qui se passe ! Personnage public peut-il disparaître comme ça dans notre pays sans laisser des traces, ou alors : sans que la presse ne puisse dire clairement ce qui lui est arrivé ? Ce pays nommé Cameroun n’a cessé de me wanda, car entre nous, Enoh a disparu depuis le 29 novembre 2011 ! Compatriotes, je vous demande seulement ceci : vous trouvez ça normal ?

 

Pourtant tout se résume en un seul mot : l’Est. Lisons ce qu’en dit un autre proscrit des réalisations fainéantes : ‘le voyageur contemporain aura un peu de chance, après vingt-sept ans de promesse du renouveau, l’Est a eu droit à sa part de modernité, la route qui y conduit est en travaux. Même si le chantier est intermittent comme c’est le cas pour beaucoup d’autres voies, ceci pour diverses raisons, l’initiative reste inédite quand on se souvient qu’il y a un peu moins de deux ans, on mettait des jours pour traverser une région large de trois cent kilomètres. Le tracé de la route visible est réconfortant, il apportera de la vitesse à un peuple qui croupit dans le lointain retard.’ (La Belle de la République bananière, Chantal Biya, de la rue au Palais, p.83) Et les forces qui ont fait d’Enoh leur silencieux captif le savent, elles qui insistent qu’il ne faille pas faire les détails de son sort s’ébruiter dans les medias. Or pourquoi les medias n’iraient-ils pas eux-mêmes ‘à la source’, à Bertoua vérifier ? Eh bien, c’est que la circulation de l’information dans notre pays se résume à Yaoundé et à Douala. Déporté à l’extérieur de cette zone, bienvenue en Sibérie !

 

Jeté dans cette forêt où la source du journaliste c’est beaucoup plus les ‘pouvoirs publics’ que personne d’autre, que donc en réalité seul Cameroon tribune dessert, le cas Meyomesse est le véritable casse-tête d’une presse camerounaise bien embarrassée parce qu’elle le connaît bien, mais qui préfère se taire – et ainsi participer de cette volonté de ses captifs qui veulent tout taire sur sa disparition – que de publier des choses qui pourraient s’avérer fausses, du moment où elle n’a pas de correspondants efficaces sur place pour bâtir la réalité des faits. Les petites ambitions savent qu’ignare est qui déporterait encore citoyen à Tcholliré, ce mot seul évoquant le souvenir de la corvée. A Nkondengui, en plein Yaoundé elles auraient fabriqué un autre héros de la scène publique – ayant pris dans leurs mailles une des personnes qui y a des entrées les plus reconnues. Et ce pouvoir qui veut sans cesse parfumer les cacas, qui paye le milliard de FCFA à des journalistes de Le Monde pour deux ou trois articles élogieux sait que sa bataille aujourd’hui est celle de la communication. Le tyran peut être sanguinaire – ce qu’il est, oui – il suffit que tout le monde le sache costumé en bleu marine ; il peut être voleur – ce qu’il est, oui – il suffit que tout le monde le voie cassant l’échine à des éperviables ; il peut d’ailleurs avoir les cheveux et la moustache blancs – ce qui est vrai, oui – il suffit qu’il les teigne méthodiquement ! Quant à sa calvitie, il y fait pousser des granules pour parfaire son empire du paraître.

 

Tout, mais alors tout est communication pour ce tyran qui paye des maris effondrés pour les retourner en public contre leur épouse assassinée ; qui paye des sœurs en sanglots pour les retourner en public contre leur frère mort s’opposant à lui ; qui finance des fils endeuillés pour faire d’eux les Judas publics de leur père journaliste légendaire fauché le Bic encore trempé dans le fiel ; qui au besoin fait mourir de sida le journaliste braillard que son ministre a liquidé. Et la valise d’argent d’Issa Tchiroma, ci-devant ministre de la communication devant Satan, ou alors celle de Françoise Foning, cette pépite rare dont le génie communiquant n’éclot que dans le malodorant trou de cabinets tyranniques, ne cesse de désemplir ses millions dans le dos de ces cadavres que les sanguinaires ambitions multiplient ici et là. Il y a tellement d’orphelins à acheter ! Il y a tellement de veufs à taire ! Il y a tellement de pères laissés sans fils, ou de mères sans leur garçon-vandale exécuté à rendre silencieux ! La tyrannie du signe pour empêcher que s’entende le chant du cygne de l’assassin, c’est ça la réalité bien camerounaise de cette fin de régime. La société du spectacle pour recouvrir une à une les récalcitrantes gouttes de sang qui s’alignent sur le chemin tortueux que trace Mbiya devant le portail de son incarcération repoussée.

 

Oui, c’est devant le spectacle abracadabrant de cette tyrannie bien camerounaise que Bertoua devient un lieu idoine de déportation. Si l’Est c’est la Sibérie de la communication, Bertoua est le Goulag postmoderne ! Il sert la double fonction de couper des centres de l’information, Yaoundé et Douala, bref, de rompre cette chaine qui nous lie à la vérité, et de laisser lieu au soupçon : ‘Et si Enoh avait fait ça ?’ se dit-on. ‘Qui sait, peut-être que ?’ ‘Vous savez, je ne le connaissais pas vraiment, mais alors, vous dites qu’on l’accuse de quoi encore ?’ ‘De ‘braquage’, d’‘excroquerie’, de ‘traffic d’or en Chine’ et de quoi d’autre ?’ ‘D’‘association de malfaiteurs’ ?’ ‘Un candidat à la présidence devenu feyman ?’ ‘Bèbèla, les Camers sont forts !’ ‘Je vous avais toujours dit que le gars-là est louche !’ ‘Et voilà un autre vaurien !’ ‘Wèèèkè, si déjà les Abah Abah volent dans ce pays, pourquoi pas un morpion comme ton Meyomesse-là qui ne remplirait même pas une cabine téléphonique de ses soi-disant militants !’ ‘Ah, les opposants sont des affamés dans ce pays, voilà encore un autre nyamangolo !’ Et triomphe l’infamie ? Pourtant, non, non et non : Enoh Meyomesse serait-il coupable qu’il deviendrait notre Saint Genet. Allez djjjjjiiiire !

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Enoh Meyomesse est innocent, tout le monde le sait parfaitement!

 

Il est innocent de toutes ces charges farfelues dont on l’accuse. Mais son crime, lui, est simple, et nous le connaissons : il est béti, voilà la vérité.

 

'Je te supplie, faites quelque chose pour moi. Ils vont me tuer.' Telles sont les paroles qu’Enoh Meyomesse aura adressées de sa cellule de Bertoua, à un ami comme lui journaliste d’opinion dans notre pays. Ce seront jusqu’ici ses dernies mots, sauf deux ou trois autres fois où il a appelé ici et là pour demander des aides sporadiques. Ce cri d’alarme fut lancé du fond de l’abime dans lequel les grandes réalisations l’auront jeté, car c’était avant son transfert au tribunal militaire de Yaoundé. Depuis cet écrivain des plus respectés, cet intellectuel camerounais des plus en vue, ce critique vocal de la dégringolade de son pays, ce candidat à l’élection présidentielle du 9 octobre 2011, ce Jean-Paul Sartre camerounais, comme l’appelle un jeune artiste, sera paradé devant les medias avec entre ses mains un écriteau disant ce dont il est accusé : ‘vol aggravé.’Dans ce pays où les criminels ne sont pas spectacle télévisuel, il sera montré au journal de vingt heures de la CRTV, à côté d’autres damnés présentés comme ses complices, lui qu’on veut nous dire chef de gang de bandits. Assassinat de caractère, nessa ?

 

Etablissement public de culpabilité, nessa ?

 

Foutaise ! Pourtant lisons ce qu’Enoh Meyomesse dit lui-même dans un livre paru cette même semaine-ci, sur la justice de notre pays : ‘L’ensemble du système et des procédures est si controversé que pour la plupart des justiciables, ce ne sont plus les injustices qui surprennent au Cameroun. C’est quand il y a un jugement d’équité qu’ils sont surpris.' Et comment ! Dans tous les pays, la justice a toujours le visage de l’Etat dont elle est l’expression : ainsi lors de la ségrégation raciale (et aujourd’hui encore), la justice américaine était accusée d’être blanche. De même en Afrique du sud, celle-ci ne sera devenue multiraciale qu’avec la victoire de l’ANC aux élections. Et c’est le modèle sud-africain, bref, c’est l’apartheid justement qui nous permettra de présenter avec un peu plus de précision la dimension de cette injustice camerounaise, fille qu’elle est de l’Etat tribal de Mbiya, qui a fait d’Enoh Meyomesse son captif. Comme l’Etat tribal, l’apartheid qui était basé sur la suprématie d’un groupe, banc, était plus qu’irrité par ces blancs-là, et ils étaient nombreux, qui étaient contre son système.

 

Comme au Beti Power, à l’apartheid il fallait établir une vision blanche homogène et hégémonique du pays, et cela n’était possible qu’en prenant en otage toute la population blanche d’Afrique du sud, et donc, en anéantissant les dissidents blancs.

 

Ceux-ci étaient d’habitude des écrivains, ces têtes dures de toute tyrannie. Ainsi en est-il par exemple de Breyten Breytenbach, André Brink, mais aussi du poète Dennis Brutus qui tous passèrent des décennies en exil, tout comme des activistes tel Ruth First ou son époux Joe Slovo. Les dernières années de Mongo Beti au Cameroun se sont passées sous la menace permanente du Beti Power, on le sait. Pour l’Etat tribal qu’a construit Mbiya au Cameroun, pour les milices militaires (BIR) et paramilitaires des Tsimi Evouna et autres Mama Fouda qui sont ses hommes demain, pour le Beti Power donc, Enoh Meyomesse est comme ces critiques blancs de l’apartheid. Pour un régime qui a reconduit l’axe Nord/Sud génocidaire en 2004, l’ennemi sudiste est le plus menaçant. Nul autre que Célestin Bedzigui, cet autre opposant sudiste a formulé l’incandescent sur lequel danse la phrase critique d’un béti, quand formulée au cœur de Yaoundé que les artisans du Beti Power veulent aligné, donc purifié : ‘Alors qu’on sait ce que le régime peut organiser contre vous quand vous commettez la faute mortelle d’être Beti-Boulou, Critique féroce, opposant déterminé, toutes qualités qu’Enoh a pour son malheur.’

 

Et dans son essai, Discours sur le tribalisme (2010), Enoh voit très bien la profondeur de cette gangrène. Lui qui ne définit encore le tribalisme que comme ‘discrimination fondée sur l’appartenance ethnique’ (p.6), vit dans sa chair aujourd’hui le fait qu’il soit dans notre pays un système politique comme le racisme pour l’apartheid, un système donc, qui veut‘mettre chacun à sa place’ ; un système qui est fondé sur l’inégalité de fait des multiples tribus du Cameroun et leur organisation hiérarchique : boulou en haut, pygmées en bas. Si malgré ses mascarades qu’il nomme ‘dosage ethnique’ le RDPC a effectivement mis le Cameroun sous la bote des béti, il a pris les béti en otage de sa violence, et encore plus les boulou. Etre opposant est un luxe auquel le béti n’a pas droit au Cameroun. Moins évidemment qu’il ou elle ne soit une taupe au service du tyran comme Esther Dang. Un opposant béti, marxisant en plus comme Enoh Meyomesse, est un ‘traitre à la tribu.’ Il est donc similaire au communiste blanc sous l’apartheid. Lisons ce qu’Enoh disait de ce tribalisme défensif, dans un texte comme il en écrivait, distribué en janvier 2009, intitulé ‘Accentuer la lutte pour la chute de Paul Biya’, et dans lequel il décrivait le réveil de février 2008 : ‘Autrement dit, même les Beti, le groupe ethnique auquel il appartient, sont entrés dans la contestation. Lui, pour se consoler, s’obstine à affirmer que ceux-ci ont été manipulés.’ L’Etat tribal tel que conçu et mis en pratique par Mbiya, est fondé sur l’infantilisation des boulou, et des béti. La libération du Cameroun de la tyrannie commencera par ces fissures qui se dessinent sur le glacis béti avec les multiples emprisonnements d’Epervier – à commencer évidemment par celle de Titus Edzoa.

 

En Afrique du sud aujourd’hui, les blancs se disent ‘libérés’ – libérés de l’apartheid. Le tour des béti arrive au Cameroun. Les fractures que des dissidents comme Enoh Meyomesse auront dessiné sur le visage de l’union sacrée des ‘ressortissants du sud’ que la propagande nous dit‘unie derrière’ le tyran, les couacs qui ressortent de réunions pré-génocidaires qu’un Fame Ndongo concocte dans les bureaux de la CNPS et qui ici et là débouchent sur des appels haineux lancés au cœur d’un Yaoundé pourtant cosmopolite, n’est-ce pas ce qui donne le plus de sueur froide à l’assassin qui nous dirige ? En aout 1982, le régime de l’apartheid avait envoyé une lettre explosive à Ruth First, communiste, blanche anti-apartheid donc, jusque dans son exil mozambicain, et l’avait tuée ainsi. Au Cameroun le RDPC ne procède pas différemment : il attrape le béti opposant et après l’avoir maintenu dans le secret à Bertoua pendant un mois, torturé, coupant toutes les chaines de communication sociale de l’homme, le trimbale devant le regard de la république, et pour le frustrer de la gloire qu’il croit résider dans le titre de prisonnier d’opinion que mérite tout opposant, lui colle sur le dos une accusation de ‘vol aggravé’, de ‘braquage à main armée’,d’‘association de malfaiteurs’, de ‘recel de minerais’, une accumulation de charges qui laissent si pantois le naïf qu’elles lui font oublier que ce n’est qu’une autre de ces manipulations de la loi dont ce régime se sert toujours. Or c’est simple pourtant: le seul crime d’Enoh Meyomesse, c’est qu’il est béti. Seulement, être un béti n’est pas un crime dans une république. Et notre pays en est bien une.

 

Enoh Meyomesse est innocent. Allez djjjjiiiiire !

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Textes De Juliette