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5 mai 2010 3 05 /05 /mai /2010 23:41

3 mai 2010

Stéphanie Plasse

Afrik.com


Journaliste en Afrique, un métier à risque

 

Arrestations, procès, passages à tabac, assassinats, pressions financières, tels sont les moyens de répression employés dans certains pays d’Afrique à l’encontre des journalistes. Des « méthodes » qui en disent long sur l’état de la liberté de la presse. 

« Malgré de bons exemples comme le Mali, le Ghana et la Namibie, la liberté de la presse a globalement reculé sur le continent », estime Ambroise Pierre, chargé de l’Afrique à Reporters sans frontières (RSF). Une situation qui s’est particulièrement aggravée dans la corne de l’Afrique. 

« En Érythrée, une trentaine de journalistes ont été arrêtés en 2009 contre une quinzaine en 2008 », précise Ambroise Pierre ajoutant que ce pays se trouve à la dernière place (165) du classement RSF. Même constat pour la Somalie (164) où neuf journalistes ont été tués en 2009. « Les responsables de gouvernements, les autorités locales, les forces de sécurité, et les rebelles dans les maquis africains (…) comprennent le pouvoir des médias et chacun veut contrôler ce pouvoir à sa manière pour contrôler les masses, à l’échelle d’un pays, d’une ville ou d’un village », note Mohamed Keita, responsable Afrique du comité de protection des journalistes (CPJ). Pendant les périodes d’enjeux électoraux ou de crises politiques, cette pression envers les journalistes s’intensifie. Madagascar et le Gabon en sont la preuve.

Classement Afrique de RSF sur la liberté de la presse :

27. Ghana, 31. Mali, 33. Afrique du Sud, 57. Burkina Faso, 63. Liberia, 64. Malawi, 66. Tanzanie, 67. Togo, 72. Bénin, 80. Centrafrique, 82. les Comores, 83. Mozambique, 87. Ouganda, 97. la Zambie, 99. Lesotho, 100. Guinée, 102. Mauritanie, 103. Burundi, 104. Côte d’ivoire, 109. Cameroun, 110. Djibouti, 115. Sierra Leone, 116. Congo, 119. Angola, 127. Maroc, 129. Gabon, 132. Tchad, 134. Madagascar, 135. Nigeria, 136. le Zimbabwe, 137. Gambie, 139. Niger, 140. Éthiopie, 141. Algérie, 143. Égypte, 144. Swaziland, 147. RDC, 148. Soudan, 154. Tunisie, 156. Libye, 157. Rwanda, 158. Guinée équatoriale, 164. Somalie, 175. Érythrée.

Selon RSF, ces deux pays ont connu la dégradation la plus sensible pour l’année 2009. La Grande Ile (134) a perdu 40 places en raison de l’instabilité politique qui s’est installée dans le pays. « Le combat entre le leader malgache, Andry Rajoelina, et le président évincé, Marc Ravalomanana a eu lieu dans les médias. Le fait que ces deux protagonistes ont fait passer leurs messages dans leurs médias respectifs a entravé la liberté de la presse », observe Ambroise Pierre. Le Gabon (129) a, lui, reculé de 19 places. Une régression qui s’explique par les élections contestées du 30 août dernier qui ont considérablement entravé le travail des journalistes. « La profession est plus vulnérable pendant les scrutins en raison des pressions qu’exercent le pouvoir et l’opposition », note le responsable Afrique de RSF. Une tendance qui n’est pas prête de s’inverser puisqu’en 2010, plusieurs élections présidentielles doivent avoir lieu, notamment en Guinée, en Centrafrique et à Madagascar. 

 
Le journalisme compte ses morts

Les moyens de répression à l’encontre de la liberté de la presse varient d’un pays à l’autre. Au Nigeria (135) et en RDC (147) par exemple, les autorités pratiquent la répression violente. Depuis le début du mois d’avril, Reporter sans frontières a dénombré quatre assassinats de journalistes. Le 24 avril, trois journalistes nigérians ont été tués. Edo Sule Ugbagwu, travaillant pour le quotidien The Nation, a été abattu à son domicile, à Lagos. Nathan S. Dabak, directeur adjoint et Sunday Gyang Bwede, reporter au bimensuel chrétien Light Bearer ont été exécutés à la machette dans la périphérie de Jos. Le 5 avril, le cameraman congolais Patient Chebeya Bankome, dit Montigomo, a été tué par balles, sous les yeux de son épouse, alors qu’il regagnait son domicile, dans la ville de Béni, une province du Nord-Kivu. Il travaillait pour plusieurs télévisions dont la chaîne publique Radio-Télévision Nationale Congolaise (RTNC). Patient Montigomo avait couvert la plupart des conflits armés de l’est de la RDC, notamment celui de la province de l’Ituri.

La presse sous haute surveillance

Dans les pays du Maghreb, le pouvoir semble préférer les arrestations et les procès aux répressions plus violentes. « Les journalistes ne peuvent pas critiquer l’exécutif et la religion. On ne peut pas remettre en cause certains politiques, leur efficacité, leur compétence sous peine d’être emprisonné pour des faits, pour la plupart du temps, inventés », révèle Eric Goldstein, chargé du Maghreb et du Moyen Orient pour l’ONG américaine, Human Rigths Watch.

Ainsi en Tunisie (154), où ce genre de procédé est monnaie courante, le journaliste et opposant Taoufik Ben Brik, libéré mardi dernier, avait été condamné à six mois de prison ferme pour faits de « violence, outrage public aux bonnes mœurs et dégradation volontaires des biens d’autrui », à la suite d’une plainte déposée par une automobiliste. Des faits qu’il a toujours niés, se disant victime d’une « machination ». Le Maroc, pays dont la répression s’est intensifié après le 10ème anniversaire de l’accession de Mohammed VI, a condamné le 2 février dernier, le blogueur Boubaker Al-Yadib à six mois de prison ferme et 500 dirhams d’amende, pour « dégradation des biens de l’Etat », « atteinte à un agent de l’Etat », et « participation à une manifestation illégale ». Une condamnation qui serait liée, selon RSF, à l’engagement militant du blogueur, sur Internet, en faveur de la liberté d’expression ». Les autorités lui reprochaient d’avoir publié en ligne, le 25 janvier 2010, l’annonce d’une grève des blogueurs pour « une semaine de deuil pour la liberté d’expression au Maroc ».

Liste RSF des « Prédateurs de la liberté » en Afrique en 2010 :

Zine el-Abidine Ben Ali (Tunisie), Mouammar Kadhafi (Libye), Issaias Afeworki (Érythrée), Milices islamistes armées (Somalie), Paul Kagame (Rwanda), Robert Mugabe (Zimbabwe), Mswati III (Swaziland), Teodoro Obiang Nguema (Guinée Équatoriale), Ogbonna Onovo, inspecteur générale de la police, (Nigeria), Yahya Jammeh (Gambie).


La cyber-police tisse sa toile

Dans ces pays, les blogs et les sites en ligne sont de plus en plus pris pour cibles. « L’essor de ces supports, véritables alternatives à la censure de la presse écrite, a suscité l’inquiétude des autorités qui ont créé une cyber- police pour contrôler les informations qui circulaient sur la toile », indique Eric Goldstein. Résultat, en Égypte (143), le blogueur Wael Abbas, dont le procès était censé débuter le 29 avril dernier, a été condamné à six mois de prison et à une amende de 500 livres égyptiennes (soit 65 euros) par contumace pour avoir vendu des services de communication sans licence. Il rejoint entre autres Hani Hazer, détenu dans la prison de Borg Al-Arab à Alexandrie, arrêté en octobre 2008 pour avoir posté sur son site Internet un lien vers un livre considéré comme insultant envers l’islam. S’agissant des sites d’informations sur internet, l’Algérie a bloqué celui de Radio Kalima-Algérie le 17 mars dernier. Tout comme sa diffusion par le satellite Hotbird d’Eutelsat qui lui permettait d’être diffusée dans d’autres pays.

La nouvelle arme : la pression financière

Répandu au Maroc, ce mode de répression est à l’origine de la fermeture du Journal hebdomadaire dans le pays. Dans un entretien accordé à Reporters sans frontières, Aboubaker Jamaï, l’un des trois fondateurs et actionnaires du Journal en 1997 et directeur de publication jusqu’en 2007, a insisté sur le fait que « les autorités ont tout fait pour acculer Le Journal hebdomadaire à l’asphyxie financière, par le biais d’une stratégie concertée de boycott publicitaire ». « L’Etat exerce son monopole sur les publicités afin de contrôler la presse. De même qu’il contrôle la diffusion et la distribution des journaux », explique Souazig Dollet, chargé du Maghreb et du Moyen-Orient à RSF. En Algérie, les publications, à la gloire d’Abdelaziz Bouteflika, vivent grâce à des subventions indirectes : elles bénéficient des imprimeries appartenant à l’Etat. Aujourd’hui, seuls deux quotidiens, El Khabar et El Watan, sur les 48 qui existent, possèdent leur imprimerie.

Dans les pays où la censure est omniprésente, beaucoup de journalistes choisissent l’exil. « Le Zimbabwe, la Gambie, Éthiopie et Érythrée ont vu l’exode de nombreux journalistes, y compris ceux qui étaient les meilleurs de leur profession », mentionne Mohamed Keita. « Leurs collègues qui restent sur place adoptent l’autocensure, prennent moins de risques et en conséquence la qualité et la diversité de l’information prend un coup désastreux », ajoute-t-il. Par exemple, en Somalie, indique RSF, plus d’une cinquantaine d’entre eux auraient quitté leur pays. Un choix vital pour certains mais qui laisse le champ libre « aux prédateurs de la liberté » qui profitent de cette exode pour cadenasser l’information.

 

 

 

 

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5 mai 2010 3 05 /05 /mai /2010 23:34

5 mai 2010

Par Daouda GBAYA

Le Quotidien (Sénégal)

 

Réconciliation après un conflit violent en Afrique : la justice traditionnelle comme panacée

 

L’Institut Gorée a abrité, pour International Idea, les 28 et 29 avril derniers un séminaire régional sur le thème: Justice traditionnelle et réconciliation, après un conflit violent. La richesse des expériences africaines. A la lumière d’une étude réalisée au Rwanda, au Mozambique, en Ouganda, au Sierra Leone et au Burundi, les participants sont pour la plupart, convaincus de la pertinence du système traditionnel dans la réconciliation des populations en période post-conflit. 

L’Afrique a ses réalités et parmi celles-ci, la justice traditionnelle à laquelle font souvent recours les populations durant les périodes post-conflit. Et, «la prise en charge de l’héritage des conflits violents» par cette justice traditionnelle a fait de ce système un outil important de «rétablissement effectif des relations rompues au sein de la communauté». C’est le cas au Rwanda, au Mozambique, en Ouganda, au Sierra Leone et au Burundi où une étude réalisée par l’Institut international pour la démocratie et l’assistance électorale(Idea) montre que les mécanismes traditionnels peuvent, dans certains cas, compléter efficacement les systèmes judiciaires conventionnels et offrir un véritable potentiel de promotion de la justice de la réconciliation et de la culture démocratique. Le Pr Luc Huyse, co-auteur de l’ouvrage Justice traditionnelle et réconciliation après un conflit violent. La richesse des expériences africaines, explique que l’évolution dans ce secteur suit quatre trajets différents et divergents : d’abord la pertinence du choix pour l’une ou l’autre forme d’amnistie, ensuite la marche en avant constante d’un modèle normatif qui donne la priorité aux poursuite judiciaire, initiées, organisées et contrôlées par des institutions de l’Etat, à l’instar de la Cour pénale internationale (Cpi) dont «les procédures sont formelles, rationnelles, juridiques», indique le Pr Huyse. Dans ces juridictions, relève-t-il, «on accorde plus d’attention aux suspects qu’aux victimes» car, «le devoir de juger est un argument plus fort que les ivresses contingences du contexte local». A la différence du système traditionnel où «les autorités s’abstiennent de toute action punitive».

 

A titre illustratif, la conférence nationale au Bénin ou encore la Commission vérité et réconciliation en Afrique du Sud. Parallèlement, il y a, poursuit le Directeur de publication de cet ouvrage, «l’avance d’une stratégie qui s’efforce autant que possible d’éviter les tribunaux», qu’ils soient modernes ou traditionnels. Dans ces cas, indique le Pr Huyse, les centres de gravité se déplacent du palais de Justice vers les auditions, des juges vers les dirigeants de la société civile locale, d’une détermination des culpabilités individuelles à une recherche des origines sociales des atrocités, des représailles juridiques à une réconciliation rituelle, d’un élan punitif d’origine internationale à la reconnaissance de toutes les opportunités offertes par le contexte local. Enfin, le Pr Huyse constate de «bonnes raisons de corriger cette image de trois stratégies «pures», qui diffèrent en tout point de vue et s’excluent mutuellement». L’une des raisons est que de «nombreuses politiques de justice transitionnelle associent, à divers degrés, des ingrédients de ces trois modèles précités». 

 
Obstacles et points faibles
 


S’agissant du système traditionnel, Pr Huyse relève des «obstacles et des points faibles». A ce niveau, il identifie la portée limitée d’actions et des effets de l’ethnicité, la religion, le sexe, les politiques, le caractère régional dans beaucoup de conflits, mais aussi les conditions d’applicabilité difficile liées à l’échelle des méfaits, d’un biotope blessé, l’érosion du capital.

 

 Autant de facteurs qui confortent Adebayor Dokoshi, membre du Conseil d’administration d’Idea, dans sa position qui voudrait que les Africains rompent avec certains stéréotypes. «Nous n’avons pas transcendé le fossé entre le modernisme et le traditionnel», dit M. Dokoshi. Il en appelle à une «révolution mentale» et, dans une approche holistique, soutient que la tradition se construit au quotidien.

 

Mais la préoccupation du général Lamine Keïta, participant au séminaire, c’est la vulgarisation de ces travaux dont il salue la qualité. L’ex ambassadeur du Sénégal à Washington estime que ces «documents ne doivent pas rester en vase clos entre intellectuels». Il propose de les traduire et de les vulgariser en langues nationales.Une préoccupation qui recoupe celle de Mark Salter, le chargé de programme à l’Idea. Mieux, il préconise des études sur ce mécanisme traditionnel en Casamance, au Sénégal en général, afin que les populations se l’approprient.

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5 mai 2010 3 05 /05 /mai /2010 23:23

25 avril 2010

Jeune Afrique

 

 

Limitation des mandats présidentiels : ATT montre l’exemple

 

En renonçant à modifier la Constitution pour pouvoir briguer la présidence une troisième fois, Amadou Toumani Touré a surpris agréablement son monde. Ses pairs africains seraient bien venus de s’en inspirer.

 

Le slogan était déjà prêt: « Troisième pont, troisième mandat » – allusion au projet de construction d’un nouveau pont sur le fleuve Niger pour désengorger la ville de Bamako. Et les troupes commençaient à se mettre en ordre de bataille. Certains avançaient masqués, comme ce conseiller à la présidence qui signait des tribunes dans la presse malienne en se faisant passer pour un juriste de Montpellier, en France. D’autres, plus courageux, soutenaient ouvertement leur champion, comme le député Hamadaou Sylla. Mais de plus en plus de militants se croyaient en mesure de convaincre le président Amadou Toumani Touré (ATT) qu’il fallait modifier la Constitution pour pouvoir briguer un troisième mandat en 2012. Confidence d’un proche d’ATT à un membre d’une délégation étrangère: « Nous, on veut rester. Il faut nous aider, hein? »

 

Le 19 avril, patatras! Ce jour-là, à Bamako, ATT reçoit les juristes d’une commission qu’il a créée deux ans plus tôt pour lui faire des propositions de réforme constitutionnelle. Pas un mot sur le nombre de mandats présidentiels. Sous-entendu: ils sont limités à deux, et on n’y touche pas. Aussitôt, la presse malienne titre: « Troisième mandat, c’est fini pour ATT » (Info Matin). Les opposants, eux, restent vigilants. Mais ils sont confiants. « Les courtisans zélés, c’est la grande plaie en Afrique. J’espère que mon frère, le président ATT, se hissera au-dessus de ces contingences pour être à la hauteur de l’Histoire » (Ibrahim Boubacar Keita). « Nous allons à contre-courant du mouvement de restauration des pouvoirs autoritaires en Afrique. Les Maliens vivent cela avec un petit brin de fierté » (Tiebile Dramé).

 

Pourquoi ATT renonce-t-il à un troisième mandat? D’abord, parce qu’il ne s’est jamais déclaré ouvertement en faveur d’une telle réforme. Habilement, il a laissé dire sans s’engager. Ensuite, parce que, ces derniers mois, il a sans doute hésité entre la tentation d’y aller et le risque d’y laisser sa réputation. Comme le dit l’un de ses anciens ministres, « le président a bâti son autorité sur sa crédibilité à l’étranger… Difficile de la ruiner d’un seul coup ».

 

ATT prisonnier de son image? Pas seulement. ATT fidèle à lui-même et à cette année 1992 où il a quitté volontairement le pouvoir une première fois. ATT fidèle aussi à Alpha Oumar Konaré. En 2002, au terme de deux mandats, l’ex-président est parti. En 2012, ATT ne pourrait pas rester sans trahir son illustre prédécesseur. Enfin, le 18 février, un événement a fini par faire reculer les derniers fanatiques du troisième mandat. C’est le coup d’Etat contre Mamadou Tandja. Dans son entêtement à rester au pouvoir, le chef de l’État nigérien a coalisé contre lui la rue et l’armée. Alliance fatale à Niamey… De quoi faire réfléchir à Bamako.

 

On promet, puis on oublie

 

Apparemment, le vent de l’Histoire souffle en faveur des adeptes du troisième mandat. Depuis 2001, pas moins de neuf régimes africains ont supprimé la limite des deux mandats au maximum (voir ci-dessous). Dernière révision en date: à Djibouti, le 19 avril dernier, le jour même où ATT y a renoncé! Et l’opposition djiboutienne de fustiger « la porte ouverte à une présidence à vie pour Ismaël Omar Guelleh ». Après l’ouverture démocratique des années 1990, les sortants reprennent la main. Après la grande marée sur La Baule, c’est le ressac! Mieux, les présidents qui s’offrent un troisième mandat invoquent le droit des électeurs à choisir librement. « Nous allons réexaminer les dispositions de notre Constitution afin de répondre aux attentes de la grande majorité de notre population », déclarait Paul Biya, le président camerounais, en décembre 2007.

 

Pour autant, les champions du troisième mandat n’ont pas tous bonne conscience. Plusieurs chefs d’État promettent de ne pas succomber à la tentation… puis se ravisent. Le Togolais Gnassingbé Eyadéma, en 1999: « À la fin de mon mandat, en 2003, j’irai me reposer au village. La Constitution, je la respecterai. Parole de soldat! » Le Tchadien Idriss Déby Itno, en 2001: « Je ne serai pas candidat en 2006. Je ne modifierai pas la Constitution. Je le dis haut et fort! » On promet pour rassurer l’opinion qui redoute une présidence à vie. Puis on oublie sa promesse…

 

Au Burkina, on voit loin

 

Aujourd’hui, la scène burkinabè est un cas d’école. En 1997, Blaise Compaoré a fait sauter le verrou des deux mandats. Trois ans plus tard, à la suite de l’émoi suscité par l’assassinat du journaliste Norbert Zongo, il l’a réintroduit. Aujourd’hui, ses partisans veulent s’en débarrasser à nouveau. « La limitation du mandat est antidémocratique. Cela va à l’encontre du droit du citoyen à désigner qui il veut », a lancé Roch Marc Christian Kaboré, le président de l’Assemblée. C’était le 6 février – douze jours avant le coup d’État au Niger.

 

Au Burkina, on voit loin. L’enjeu n’est pas la présidentielle de novembre prochain, mais la suivante, celle de 2015. Déjà, la société civile lance une campagne de signatures pour faire bloquer le projet. Le mois dernier, à l’initiative d’un collectif anti-troisième mandat, une photo de Barack Obama était placardée dans les rues de Ouagadougou à côté d’une citation de son discours d’Accra de juillet 2009: « Alors, ne vous y trompez pas, l’Histoire est du côté de ces courageux Africains, et non dans le camp de ceux qui modifient les Constitutions pour rester au pouvoir. L’Afrique n’a pas besoin d’hommes forts, mais d’institutions fortes. » L’affiche (1,50 x 1,50 m) était posée sur des panneaux publicitaires dûment payés. Au bout de quelques heures, elle a été arrachée, mais le débat ne fait que commencer.

__

9 pays ont fait sauter le verrou de la limitation des mandats présidentiels depuis 2001 :

La Guinée en 2001, la Tunisie et le Togo en 2002, le Gabon en 2003, le Tchad et l'Ouganda en 2005, le Cameroun et l'Algérie en 2008 et Djibouti en 2010.

 

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5 mai 2010 3 05 /05 /mai /2010 22:32

5 mai 2010

Kitaya Ndoganla 

 

 

Congolais, changeons de mentalités

Il nous faut construire un nouveau espace public dans la communauté congolaise par l’intervention plurielle de chaque secteur de la société en ce qui concerne la construction d’autres valeurs dans le respect de la coutume africaine entre les générations , la structuration idéelle et les modalités d’action permettant l’amélioration de notre mode de vie ici en Europe , au Congo et en Afrique. 

Dès lors nous pourrons entériner par la consolidation de nos actions conjuguées, que l’espace communautaire. Espace mis en place par une société aux mœurs décadentes, société menée par des institutions bourgeoises qui ne tiennent pas compte de nos paramètres existentielles en nous transformant tous, en esclaves inconscients du système, en travailleurs réifiés, en consommateurs stupides, en une jeunesse précarisée sans valeur idéologique car ayant perdue toute racine africaine, en des étudiants individualistes formatés à la reproduction de ce système parasitaire qui est le capitalisme contre l’Afrique , en marchandises capitalisés, n’en est pas un. La communauté congolaise doit pouvoir renaitre pour se bâtir un futur. 

Créer une seule communauté, celui du progrès pour le Congo 

Il faut recréer un nouvel espace moralisateur dans notre communauté pour nos enfants, pour nos familles et pour le respect de nous même en tant qu’homme congolais et africain. En mettant en place des projets salvateurs et vivifiants où l homme congolais et la femme congolaise forgent en harmonie leur destin et planifient leur réussite collective sans basculer dans la mégalomanie manipulatrice que dicte l’orgueil des sociétés capitalistes (phénomène présent en Angleterre où je réside). Trop souvent on a grandit dans des familles pauvres, dispersées par la complexité immorale d’une perte de valeur ancestrale détruit par le colonialisme. Le congolais doit se rebâtir une nouvelle morale, morale qui permet l’élévation sociale et communautaire. Je ne parle en aucun cas d’une élévation sidéral (paradis), élévation dont l’impérialisme religieux nous a imposé comme seule salut à nos conditions de vie chaotique, car l’espace cosmique est vide (paradis). Je parle, d’une élévation sociale, avec des mœurs nouvelles. L’accomplissement d’un homme congolais ou d’une communauté congolaise ou dans son sens le plus entendu, d’une nation congolaise, ne peut-être acquis que si cet homme congolais ou cette nation congolaise se fonde sur un objet précis et sensé où sa réussite ne se constitue pas sur l’instrumentalisation de son semblable, paradigme des sociétés capitalistes occidentales. 

Si j’ai fais cette digression vers le dogme religieux pour évoquer la place éminente des mœurs dans la réalité humaine et sociale, c’est pour marquer l’importance fondatrice et déterminante des valeurs identitaires dans toute entreprise sociétale, autre que religieuse. L’espace social, qu’une communauté est voué ou même condamner à interagir se forme avant tout par des valeurs objectifs et nos sur des dogmes subjectifs (croyances), mais objectif(le développement du bien être économico-politique de l’être, la cohésion familiale, le respect des cultures ou encore l’intégrité de la femme congolaise). Cette création de l’espace public par excellence, doit rassembler tous les congolais dans un but commun, le développement du Congo. Cet espace doit être une communauté de penseur pour le bien être du Congo basé sur des objectifs concrets. Une communauté de scientifiques pour dépasser nos contradictions matérielles, une communauté des intellectuelles pour définir les vraies valeurs sociétales africaines, une communauté de travailleurs au service du progrès et une communauté de révolutionnaires (comme Patrice Lumumba l avait entrepris) pour donner une ligne politique et directrice à cette ligue communautaire. Cette communauté est l’objectif avoué de chairman Omali. (Membre fondateur de notre mouvement politique, www.uhururadio.com) 

Que constations-nous dans le paysage communautaire congolais ? Si ce n’est qu’une communauté de vendeurs de paradis adepte à l’obscurantisme de masse, une communauté de pilleurs, et génocidaires. Une communauté de violeurs de la femme congolaise, des politiciens opportunistes et prostitues à l’occident, une communauté de danseurs, musiciens et sapeurs. Il ne peut pas y avoir une superposition des communautés, car nos besoins seront toujours différentes, c’est qu’il faut, c’est une communauté des congolais s unissant pour bâtir un Congo pour nous tous, indépendamment de nos aspirations et besoins personnels. C’est la disparité du sens communautaire qui dépasse à mon sens par son injonction et son devoir de collaboration pour la subsistance de notre culture, identité, et histoire. Le simple vivre ensemble communautaire ancestral atomisé par l’individualisme capitaliste qui définit toute communauté humaine comme esclave économique. 

Il nous faut bâtir avant tout une communauté de droits (droit d’utiliser nos ressources pour reproduire la vie pour nous-mêmes et nos enfants) et de devoirs (de défendre ces droits par tous les moyens nécessaires) ponctuant la communauté supérieure d’essence et de destin social et national. Il s’agit au prime abord de reconstruire notre être existentiel africain, en fonction de notre réalité ; et ensuite, de se réapproprier une nouvelle réalité matérielle, qu’immatérielle (culturelles, éducationnelles, juridico-légales totalement différente de celle que l’impérialisme(colonialisme) nous a imposée, qui favorisent l’accomplissement de tout un chacun malgré sa diversité ethniques, l’échange communautaire où l’individu dans toute sa complexité se simplifie pour participer à l’enrichissement collectif pour un autre Congo. Il faut donc réformer la structure même du mode d’existence sociale du congolais et des secteurs d’intérêts. Avoir les institutions garantes des droits mais aussi disposer de toutes les structures de protection juste pour toute la société pour isoler la classe politique affairiste minoritaire et égoïste qui font des biens collectifs des congolais , leurs biens privés en pillant la nation. Les visions bornées et mesquines, et suicidaire des élites politique bêtes congolais et africains en général qui, jusque là, ne voient que leur petits intérêts immédiats en oubliant la nation. 

Ainsi donc, c’est une nouvelle culture congolaise qui doit faire place, une élite de progressiste qui doit aujourd’hui prévaloir, et non plus nos parents (la génération passée) (ou nos vieux comme on n’aime le dire). Habités par la nostalgie colonialiste et fataliste, où leur seul sujet de conversation concerne le nouvel album de JB, werrason, Koffi et consorts ou le transfert mirobolant d’un tel ou tel joueur de football, triste réalité d’une communauté insouciante de son destin et de son déclin. Les orgueils sots, les jalousies et méchancetés interpersonnelles que notre communauté ici en Europe pratique ; les vrais amis de l’auto-détermination doivent entreprendre la nouvelle croisade des mentalités et comportement en élaborant une autre axiologie loin de ces ostracismes manichéens voire idéologiques, générateurs des polarisations ( les différents types de communautés au sein de notre communautés , comme cité plus haut) destructrice dans notre communauté, tous des victimes de la prétendue société dite démocratique. Polarisation qui fragmente notre communauté en plusieurs sous communautés, incapable de se réunir pour discuter d’autres choses, (comme des vrais problèmes et contradictions que rencontrent notre pays), si ce n’est que de la prochaine venue du christ sur terre, ou de leur pantalon à griffe couleur zébré sorti tout droit d’un film de science fiction, ou encore du dernier clip de Koffi, exhibant le corps graisseux d’une pauvre fille voulant faire succès dans un milieu sale. 

C’est une jeunesse active qui doit reprendre l’initiative sans se contenter simplement de réagir (car en fait le congolais réagit beaucoup plus qu’il n’agit), pour engendrer des nouvelles valeurs créatrice d’une autre communauté. Réapprendre à penser et agir, se réapproprier son imaginaire et abolir les mythes négatifs mis en place par occident puisque le mythe (de L homme blanc civilisateur, car certains d’entre nous en sont encore convaincu). L’imaginaire est un composant aussi influent dans la politique et l’histoire que l’action réelle. (cfr mon article sur le rêve) Et parmi les mythes, il en est de purs défaitistes pour le peuple africain. Le mythe de l’impérialisme religieux qui fait vivre notre communauté en est un d’asservissement idéologique des mentalités. 

Contre les ferments d’aliénation collective. 

Aujourd’hui, par delà le narcissisme des politiciens opportunistes qui cherchent le plébiscite et des flatteurs, par-delà le journalisme( grand lac, le jeune Afrique et toute la presse nationale) menteur relayant les escobarderies de ces bandes de voyous en cravates, sorte de singe habillé par Lhomme blanc (Obama, Sassou ,Kabila, Bongo ,Kagamé, Mugabe, zuma , Mandela, etc.), par-delà le sectarisme qui s’exprime dans les préjugés minables entre nous même les africains. Les orgueils sots, les jalousies et méchancetés interpersonnelles que notre communauté ici en Europe pratique ; les vrais amis de l’auto-détermination doivent entreprendre la nouvelle croisade des mentalités et comportement en élaborant une autre axiologie loin de ces ostracismes manichéens voire idéologiques, générateurs des polarisations ( les différents types de communautés au sein de notre communautés , comme cité plus haut) désastreuses parmi notre communauté, tous des victimes de la prétendue société dite démocratique. 

Nous congolais devons comprendre que nous sommes les seuls à pouvoir faire quelque chose de nous et pour nous. Si nous nous abandonnons nous-mêmes fatalement à la défaite par indignité, par les fausses promesses que les élections changeront nos conditions de vie, que les problèmes de nos familles sont causés par des enfants sorciers (rhétorique pastorale), du Rwandais bouc émissaires dune guerre qui lui est impossible de financer (après un génocide aussi dévastateur sans l’aide )des USA et de la Grande Bretagne, ne nous étonnons pas que l’univers entier nous abandonne, même notre cher Jésus ! Ce n’est certainement pas une petite bourgeoisie africaine prédatrice, ennemie du peuple africain, protagoniste sordide de l’inégalité de social, faiseur délétère de la manipulation de la société, qui ne favorisera jamais l’avènement du nouvel espace communautaire congolais ou africaine. 

Réinitialiser la communication dans son élément de base qu’est le dialogue serein entre de nouveaux clercs et de ceux-ci avec le pouvoir et le peuple pour rejeter les vices et pièges et dépasser la claustration d’une mentalité réduisant le discours public en idiolectes clientélistes et politiciens, voilà notre mission nouvelle de combattants du changement. Nous ne voulons pas de pontifes proclamant ex cathedra, urbi et orbi, les pires inepties en accusant sans cesse autrui de mésinterpréter leur répétition maladroite, véritable psittacisme grotesque de théories de la sociologie des administrations, théories inapplicables dans le contexte actuel. Car, il nous faut des créateurs, des imaginatifs au pouvoir et au timon des communications de masse pour refonder la société. L’échec des belles idées socialistes, aujourd’hui galvaudées par des vendus et des fonctionnaires du gauchisme partisan inféodé par la Droite mondiale, prouve qu’il nous faille penser la refondation de l’État et remodeler la société pour briser cette croix de la défaite où le destin des peuples semble cloué. 

L’espace public n’a de sens que s’il demeure le lieu du discours citoyen dépassant l’émotion des paroles partisanes pour regarder et voir objectivement afin de pouvoir les aplanir ou les combler, les pierres et aspérités maudites où les vœux du changement social et la constitution d’État-Nation au service du citoyen respecté dans sa citoyenneté ne cessent d’achopper. Car l’État-nation est resté depuis l’avènement de l’État bourgeois, une fiction moqueuse du peuple, une ironie de la société par quelques prédateurs qui s’autoproclament la Nation en pulvérisant tous en empêchant la naissance du vrai et citoyen seule pierre vivante et légitime du peuple qui, lorsqu’il est vraiment souverain, constitue la Nation, pour faire croire à une citoyenneté par procuration où le peuple est asservi et réifié. 

L’espace public doit être un lieu d’échanges pluriels pour les nouveaux compromis sociaux permettant aux différents composants de la société actuellement en miettes sans en avoir l’air, de se remettre ensemble selon une modalité viable et gagnante pour les majorités comme les minorités. Minorités trop souvent réduites au stade de guignols exotiques ou de singes acrobates dans nos sociétés d’assimilation mimant l’intégration de l’immigrant ou du citoyen d’origine différente des citoyens dits de souche. Contourner la monopolisation de tout l’espace public par le culte de la salissure propre aux dirigeants malsains de l’État et de l’économie, et briser l’incommunication voire la misologie (cette haine de la raison et du discours critique qu’elle enfante), pour repenser nos bases axiologiques : telle est notre vocation, nous de cette génération qui avons hérité de l’horreur cumulative sévissant aujourd’hui dans nos sociétés ! Sociétés dont le soi disant espace public n’accueille que les échos humains, les perroquets de ses propres mensonges, les singes et guignols du système. 

Seuls les rêves forts et volontaristes deviennent monde pour entrer dans le monde et le changer. Seuls les rêveurs agissants avec la volonté forte qui excède de loin les velléités et volitions individualistes étriquées, peuvent aller au-delà du factuel et d’eux-mêmes, pour engendrer la nouvelle réalité. Seuls nos efforts et notre refus de collaborer avec les monstres qui usurpent ce qui est à tous pour leur propre enrichissement, libèrera la société des alluvions mentales et toxiques des élites économiques et politiques corrompues et corruptrices de tout. 

Aménageons nous-mêmes le nouvel espace public de pensée, d’action et de vrais échanges, sans faux débat, pour révolutionner le substratum socio-étatico-national des peuples souffrant sous la trique des oligarques et ploutocrates se gargarisant de démocratie par une économie liberticide à leur service. Car comme j’aime à le dire : l’économie capitaliste libérale est une ironie plouto-idéologique de la démocratie et du citoyen. 

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5 mai 2010 3 05 /05 /mai /2010 17:23

29 mars 2010

Bonaventure Mve Ondo

Vice recteur de l'Agence Universitaire de la Francophonie

 

 

Joseph Tonda et la reconstruction des identités en Afrique centrale à partir de l'imaginaire social: « les tuées-tuées »

 

 Généralement, on présente les individus et les sociétés d’Afrique à partir de leur origine ethnique. Et cette origine ethnique est entendue comme un marqueur définitif de leur identité. On dit alors d’un tel qu’il est fang, d’un autre qu’il est lari et d’un 3° qu’il est punu. Cela voudrait dire qu’il est irréductible à son ethnie. Cette posture a fondé l’idée longtemps entretenue d’oppositions « ethniques » comme fondement des relations entre les individus et à l’intérieur des pays. Du coup, tout conflit à l’intérieur d’un pays était expliqué sur cette base et sur rien d’autre.

Joseph Tonda bouscule cette réduction essentialiste des identités et, pour comprendre ces dernières, part du vécu des habitants d’Afrique centrale d’aujourd’hui ou plutôt de leur imaginaire, de l’imaginaire collectif qui est constamment en renouvellement et dépasse les cadres ethniques pour devenir plus « national », voire régional.

 

 Il montre que les individus d’aujourd’hui aujourd’hui ne sont pas comme écartelées entre tradition et modernité, la tradition étant entendue ici comme ce qui serait proprement africain et la modernité comme ce qui proviendrait de l’Occident, mais reconstruisent leurs identités à partir de la manière dont ils voient leurs conditions aujourd’hui.

 

Pour Tonda, les choses ne sont jamais simples. L’Africain d’aujourd’hui, dans sa culture, dans son imaginaire, est un être syncrétique et pluriel. Un être traversé par différentes influences et diverses instances et dont on découvre petit à petit la cohérence.

 

Le matériau du chercheur

 

Son matériau de travail, c’est l’imaginaire populaire, ce que disent les gens d’eux-mêmes, de leur vécu, la manière dont ils se mettent en jeu, individuellement et socialement, et avec leur propres mots repris dans la langue française

 

Premier exemple : les « tuées – tuées »

 

Les « tuées – tuées », c’est un phénomène qui est apparu en Afrique centrale et plus particulièrement à Libreville, il y a 5 ou 6 ans. Il s’agit d’étranges jeunes femmes qui se disent elles-même « tuées tuées ». Pourquoi se désignent-elles ainsi ? Tout simplement parce qu’elles estiment qu’elles sont tuées deux fois. Il s’agit de jeunes prostituées qui portent des DVD (Dos et ventre dehors) et qui affrontent la mort en la donnant ou en se la donnant soit par le Sida, soit par des techniques insolites dans les relations sexuelles. Ces femmes deviennent ainsi des sortes de morts-vivants, sans espoir, sans avenir. Voilà une expression infinie de la misère quotidienne !

Par deux fois, elles affrontent la mort. Dans cette vie à l’extrême, elles opèrent une double négation : d’abord vis-à-vis de leur société ou de leur famille et ensuite vis-à-vis de leur conscience. Aussi l’expression « tuées – tuées » évoque-t-elle des images de terreur, des zombies, des vampires ou des fantômes de l’individualisme et du communautarisme.

 

Deuxième exemple : les « VTT »

 

Selon Joseph Tonda, non seulement les « tuées tuées » vendent leur corps à tout un chacun, mais aussi et surtout à ceux qui sont dans les sphères du pouvoir, de l’économie et de la politique. L’imaginaire social parle alors de « VTT », c’est-à-dire des « vieilles tuées – tuées » qui sont habillées en « DVD », c’est-à-dire en « dos et ventre dehors ». Toutes tenues qui font qu’on les confond avec des jeunes filles. Ces femmes se désignent comme des vélos qui sont pilotés par des champions cyclistes (ici des politiques). C’est une autre version de « tuées – tuées » qui vendent leur corps à une clientèle particulière et tournent dans les sphères du pouvoir. Il s’agit ici, selon Tonda, d’une version renouvelée des fameux « groupes d’animation » dans les pays d’Afrique centrale à l’époque des partis uniques. Ces groupes de femmes dansant et chantant dans les manifestations politiques ne dansaient pas et ne chantaient pas pour leur seul « plaisir », elles y étaient encouragées par les cadeaux : pagnes, T-shirts, repas et argent donnés par l’homme ou la femme politique. On voit ici une incrustation profonde de la sexualité et du politique.

 

Dernier exemple : les « anges de la mort »

 

Un phénomène nouveau est apparu au Congo et en RDC. Il s’agit de ce que Tonda appelle les « anges de la mort ». Dans l’accusation en sorcellerie dans les sociétés de ces pays jusqu’ici, les enfants n’étaient pas accusés. Ils étaient considérés comme des innocents, comme ceux qui portaient l’avenir de la lignée en eux. Aujourd’hui, dans les églises dits « éveillés », les enfants sont dénoncés par les parents parce qu’ils leurs apparaissent comme ceux qui veulent leur mort. Ils sont désignés comme des « enfants sorciers », ndoki en lingala. Phénomène que l’on trouve essentiellement en ville, ce sont ainsi des milliers d'enfants qui sont qualifiés de sorciers.

Le schéma est toujours le même : accablées par le chômage, frappées par un deuil, victimes d'un accident ou tout simplement vivant dans une pauvreté insoutenable, les familles cherchent un bouc-émissaire à leurs malheurs et le trouvent en la personne de leur enfant qu'ils chargent de tous leurs maux.

 

Ce phénomène ne s'est développé qu'au milieu des années quatre-vingt-dix, avec l'apparition des sectes religieuses, à la faveur de l’exode rural dû aux difficultés économiques et aux ravages de la guerre. Tenu pour responsable d'une maladie, d'un décès, d'un divorce, d'un manque d'argent ou même d'un simple désagrément, l'enfant est alors accusé de sorcellerie et devient rapidement le centre de violents conflits familiaux. Maltraité, stigmatisé, marginalisé, il est finalement rejeté puis banni du clan familial et n'a d'autre ressource que de rejoindre la rue.

 

Ces persécutions sont encouragées par les sectes qui y trouvent leur intérêt, en offrant à prix d'or aux familles leurs services pour désenvoûter les prétendus petits sorciers. D’ailleurs, bien souvent, ce sont les "pasteurs" eux-mêmes qui, par cupidité, désignent l'enfant comme porteur de pouvoir démoniaques et en font une victime expiatoire qu'ils s'empressent d'exorciser en exigeant des parents des dons souvent importants.

 

Ces trois exemples montrent l’intérêt des travaux du Professeur Joseph Tonda. Il travaille sur les imaginaires collectifs, notamment sur la souffrance telle qu’elle se manifeste dans ces sociétés. Son travail consiste à conceptualiser les formules qu’emploie la population.

Les sociétés d’Afrique centrale ne sont pas immuables, elles évoluent. Et cela se donne à voir à travers leur imaginaire, à travers leurs images de la maladie, de la mort, mais aussi de la politique et de la religion.

 

Patrice Tonda est une sommité de la recherche en sociologie et en anthropologie de l’Afrique centrale. Il enseigne ces deux disciplines à l’Université Omar Bongo. Il est un habitué du Camps numérique francophone de l’AUF de Libreville qui lui permet d’accéder en temps réel à toutes sortes d’informations scientifiques, mais aussi populaires.

 

Auteur de plusieurs articles scientifiques parus dans d’importantes revues (Politique africaine, Cahiers d’études africaines, Social Compass), il a publié trois ouvrages remarqués : La guérison divine en Afrique centrale (Congo, Gabon), Paris, Karthala, en 2002, Le Souverain moderne. Le corps du pouvoir en Afrique centrale (Congo, Gabon), chez le même éditeur en 2005 et les Eglises dans la société congolaise contemporaines, publié chez L’Harmattan en 2007.

 

Les enfants sorciers au rond-point N'gaba

Un cas concret, celui de Maurice

 

Maurice a 14 ans, il est né à Brazzaville et, comme la plupart de ses camarades, son histoire personnelle est très tourmentée. Il est le 4ème d’une famille de 7 enfants. Ses parents ont divorcé immédiatement après leur arrivée à Kinshasa. 

Son père s’est remarié rapidement et sa mère un peu plus tard. Ne pouvant pas l'emmener chez son nouveau mari, elle a confié son fils à ses grands-parents paternels.

Sans aucune raison et de manière totalement injuste, ces derniers ont commencé à accabler Maurice, l'ont déclaré responsable du divorce de ses parents et l'ont convaincu de sorcellerie, allant jusqu'à le pousser à s'initier à des pratiques sataniques.

 

Apprenant cela, sa mère est venue le chercher et l’a installé chez ses parents à elle qui, avertis du problème, ils ont décidé de chasser le mauvais esprit sans tarder.

Ils l’ont conduit dans un centre religieux et l'enfant a dû y faire une longue retraite pour être désensorcelé. Au bout d’un mois, après la grande prière de délivrance, de libération et de guérison, Maurice était déclaré délivré de toutes ses pratiques noires.

Quelque temps après, il a commencé à effectuer de petits travaux autour du rond-point Ngaba, proposant ses services comme porteur, cherchant à gagner un peu d’argent pour subvenir à ses besoins.

 

Sa grand-mère est alors retournée voir les religieux qui l'ont assurée que Maurice avait regagné le monde des sorciers et que seule la pratique du pneu enflammé passé autour de son cou pourrait désormais venir à bout de sa sorcellerie.

Terrorisé par ces menaces, l'enfant s'est enfui dans la rue et y a vécu pendant plusieurs mois. Tonda l’a rencontré devant une boutique. Il dormait à même le sol, sur un morceau de carton, couvert par un tableau.

 

Après une longue et délicate médiation dans un centre communautaire de réinsertion, Maurice a pu retourner vivre avec sa mère. Il s’est très bien réintégré, malgré l’extrême pauvreté dans laquelle vit sa famille. Sa scolarité donne toute satisfaction, il se révèle un élève sérieux et assidu. Il a même commencé à entretenir un petit jardin potager derrière sa maison, il y cultive quelques légumes et élève plusieurs poules.

 

Personne chez lui ne parle plus de sorcellerie et il n'a, quant à lui, aucune envie de retourner dans la rue !

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4 mai 2010 2 04 /05 /mai /2010 11:38

3 mai 2010

Hawa Semega 

Journal du Mali

 

 

La journée mondiale de la liberté de la presse a été initiée par les nations unies en 1993. C’était deux ans après la déclaration de Windhoek, la capitale namibienne, sur la promotion de médias indépendants et pluralistes, notamment le 3 mai 1991.Le thème choisi cette année est « la liberté d’information, le droit de savoir. » RSF a dressé une liste de quarante prédateurs de la liberté de la presse. Parmi ce nombre, huit se trouvent sur le continent africain. Les pays où la liberté de la presse se trouve entravée sont généralement ceux de l’Afrique subsaharienne. Il s’agit notamment de Érythrée, de la Gambie, du Nigeria, du Rwanda, de la Somalie, du Swaziland, du Zimbabwe et de la Guinée équatoriale. Le directeur Afrique de RSF, Ambroise Pierre rappelle que 2009 a été une année très difficile pour les journalistes du contient.

 

5 bons élèves en Afrique

 

Cependant, certains pays restent de bons élèves en matière de liberté de presse. Ainsi parmi les 50 pays les plus respectueux de la liberté de la presse, cinq sont du continent africain. Ce sont entre autres : Le Mali, le Ghana, l’Afrique du sud, la Namibie et le Cap vert. Néanmoins, ce chiffre reste encore très faible quand on assiste quotidiennement aux condamnations arbitraires de milliers de journalistes. Et malgré les mises en garde de la communauté internationale, de nombreux pays continuent de mener la vie dure aux journalistes, le bilan reste alarmant chaque année qui passe. La majeure partie de ces pays sont selon Ambroise Pierre, ceux où règnent l’insécurité, l’intimidation, la guerre, etc. ce sont le Nigéria, le Zimbabwe, la république démocratique du Congo, le Rwanda, l’Ouganda…

 

Toujours selon le rapport de Reporters sans frontières, les présidents Ben Ali de la Tunisie, Robert Mugabe du Zimbabwe et Yaya Jammeh de la Gambie, font partie des plus extrémistes en matière de répression de journalistes.

 

liberte-de-la-presse2.jpg© RSF
Depuis 2008, 5 pays africains font offiice de bons élèves dont la Mali en 2010

 

 

Des chiffres alarmants

 

Le secrétaire général des nations unies Ban Ki-Moon, rappelle qu’à travers le monde, « des gouvernements et d’autres détenteurs de pouvoir trouvent de nombreux moyens d’entraver la liberté de la presse. » l’organisation des nations unies pour l’éducation, la science et la culture (UNESCO) indique que 77 journalistes ont été assassinés dans le monde en 2009.

 

Pour le cas de l’Afrique, le Nigeria reste le pays où le métier de journaliste semble de plus en plus dure à exercer. En moins d’une année, quatre journalistes nigérians se sont fait tuer dans des circonstances assez peu claires. Certains se sont même fait abattre à leurs domiciles, triste scénario pour un continent en quête perpétuelle de repères et de lendemains meilleurs.

 


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3 mai 2010 1 03 /05 /mai /2010 11:48

3 mai 2010

Jean-Claude Péclet

Le Temps

 

Quelle est, 50 ans après l’indépendance formelle accordée à 17 pays africains, la marge de manœuvre réelle du continent ? La question a traversé en filigrane les débats du Salon africain à Genève et montré que les positions restent tranchées, voire émotionnelles dans la diaspora africaine.

 

A main gauche, le sociologue Jean Ziegler observe que sur 53 Etats africains, très peu sont capables d’affronter la « cosmocratie », qui contrôle la « bourgeoisie mercenaire et kleptocrate » à la tête des autres. Son fils Dominique, metteur en scène et auteur de N’Dongo revient, s’érige en censeur : la simple évocation de la responsabilité des dirigeants africains actuels relève d’une « dérive dangereuse » – « comme si on rendait les juifs coresponsables des crimes commis par les nazis ». Il faut dénoncer le génocide colonial et ses avatars « néo », tout en saluant « la vitalité extraordinaire de la société civile africaine ».

 

Système néocolonial

 

L’économiste sénégalais Demba Moussa Dembele affiche une position voisine. Pour lui, « il n’y a pas eu de véritable indépendance », et le système néocolonial se perpétue à travers le contrôle de la Banque mondiale et du Fonds monétaire. Et de citer l’exemple de la République démocratique du Congo, amenée à renégocier un contrat passé avec la Chine suite à la pression de ces deux institutions. « Les leaders africains rebelles ont été éliminés, restent les dociles », poursuit-il. La Françafrique, même affaiblie, manifeste encore sa poigne, notamment au Sénégal.

Le journaliste Stephen Smith, qui enseigne aujourd’hui aux Etats-Unis, refuse ces analyses. « Houphouët-Boigny et les autres n’étaient pas des larbins. Le Sénégalais Abdoulaye Wade avait une marge de manœuvre quand il a pris le pouvoir en 2000. Qu’en a-t-il fait ? Si on noie tout dans le mal universel et les théories du complot, on nie les différences, on enlève les possibilités d’agir. »

 

L’exemple du Botswana

 

Pour Gilles Carbonnier, rédacteur en chef de la Revue internationale de politique de développement, les différences existent. Dans une Afrique à la traîne, le Botswana a connu une croissance moyenne annuelle de 10% depuis 1960 – mieux que certains « tigres » asiatiques – et une faible corruption grâce à des structures traditionnelles moins bousculées par le colonialisme. Quant à la « malédiction des ressources » qui gangrène nombre d’Etats pétroliers ou miniers, poursuit-il, son issue dépendra à la fois des contre-pouvoirs internes qui se structurent lentement et des contre-pouvoirs extérieurs devenus très actifs en Afrique, Chine en tête : « Aujourd’hui, Kabila (président de la RDC, ndlr) peut vendre ses minerais à qui il veut. »

 

Quel est, justement, l’impact de la présence renforcée de la Chine ? Plutôt dynamisant, estiment Michel Beuret, coauteur de Chinafrique, et Thierry Bangui, auteur de La Chine, un nouveau partenaire de développement. Les investissements chinois dans les infrastructures, plus massifs et efficaces que les européens, équivalent à une sorte de Plan Marshall qui a toujours fait défaut au continent. Les produits chinois détruisent parfois de fragiles industries nationales, mais d’autres emplois sont créés.

 

Pékin, peu regardant sur les droits de l’homme, maintient-il les potentats corrompus au pouvoir ? Ce n’est pas aux ex-colons européens d’en juger, répondent la plupart des intervenants. La Chine « n’est pas un bon samaritain, mais au moins elle discute d’égal à égal », relève Demba Moussa Dembele. Les pays africains ont un réel pouvoir de négociation, et la transparence est possible, ajoute Thierry Bangui, qui cite l’exemple de l’accord RDC-Chine, discuté au parlement au cours d’une session retransmise à la télévision.

 

Tout le monde ne partage pas cet optimisme. Pour Jean Ziegler, la Chine est une « dictature capitaliste », tandis que Stephen Smith « voit avec tristesse la multiplication de l’offre aux dictateurs ». Soumaïla Sunjata Koly, auteur d’un roman policier, Kalachnikov blues, qui a pour cadre les réseaux de Françafrique, pense que ces derniers se sont dissous dans un ensemble plus large, la mafiafrique. Il dénonce les achats massifs de terres pour des cultures d’exportation qui ne profitent pas à la population locale et risquent au contraire de l’affamer.

 

Travail de mémoire

 

La note d’espoir vient peut-être des Africains eux-mêmes, dont quatre écrivains ont mené un brillant débat sur le thème « Des héros pour l’Afrique ». Face au « discours de dépeçage qui squatte les plateaux télévisés français » (Elizabeth Tchoungui, journaliste et écrivaine), « l’urgence est de créer une conscience de soi valorisante » (Felwine Sarr, écrivain sénégalais), sans tomber dans les bons sentiments ou la « mission commandée » (Alain Mabanckou, écrivain congolais). Ce travail de mémoire dans la brillante histoire précoloniale de l’Afrique a commencé, il reste à la diffuser et à le populariser, ce que font déjà un certain nombre d’œuvres présentées à Genève.

 

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3 mai 2010 1 03 /05 /mai /2010 11:35

3 mai 2010

ATS

 

Reporters Sans Frontières (RSF) publie lundi à l'occasion de la Journée mondiale de la liberté de la presse sa liste actualisée des "40 prédateurs". Celle-ci recense dirigeants politiques, religieux ou organisations prenant pour cible le travail des journalistes.

 

 Pas moins de 17 chefs d'Etat et de nombreux chefs de gouvernement figurent sur la liste, aux côtés de certaines forces armées régulières, d'organisations criminelles, mafieuses ou terroristes. Les présidents chinois, iranien, rwandais ou tunisien disputent ces tristes honneurs aux FARC, à l'ETA ou aux forces israéliennes ou palestiniennes.

 

 Par continent, l'ONG stigmatise les plus féroces adversaires de la liberté d'expression. "En Amérique latine, les violences proviennent toujours du même quatuor infernal: narcotrafiquants, dictature cubaine, FARC et groupes paramilitaires". RSF souligne que "le continent africain voit également peu de modifications", mais que "certains rapports de force évoluent en revanche au Moyen-Orient et en Asie".

 

 Nouveaux prédateurs

 

Plusieurs prédateurs ont disparu de la liste, comme Mohamed Warsame Darwish, le chef des services de renseignements somaliens révoqué en décembre 2008. Au Nigeria, le SSS, Service de sécurité d'Etat, a perdu de son pouvoir. La police nationale, et plus particulièrement son responsable Ogbonna Onovo, apparaît depuis peu dans ce pays comme l'acteur central des exactions contre la presse.

Reporters sans frontières a aussi retiré certains groupes islamiques de sa liste de prédateurs. En revanche, Ali Abdallah Saleh, président du Yémen, y fait son apparition. Figurent également sur la liste "les milices privées" des Philippines suite au massacre d'une cinquantaine de personnes, dont 30 journalistes, dans la province de Maguindanao le 23 novembre 2009.

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1 mai 2010 6 01 /05 /mai /2010 13:25

29 avril 2010

Africultures 

 

 

"Que fait l'armée française en Afrique ? (1) ", c'est le titre du dernier " Dossier noir " de l'association Survie paru aux éditions Agone. Un dossier on ne peut plus actuel en cette année de commémoration du cinquantenaire des indépendances africaines. Rencontre avec son auteur, Raphaël Granvaud, qui revient sur certaines questions abordées dans ce dossier.

La troisième partie de votre livre s'intitule "la réhabilitation du colonial", j'ai ressenti un vrai malaise à sa lecture. Je ne savais pas que l'armée française, du moins les forces spéciales opérant en Afrique, étaient travaillées à ce point par la nostalgie du colonialisme. Je me demande s'il ne faut pas voir dans la forte implication militaire française en Afrique, au-delà des enjeux économiques et géopolitiques, une manifestation de puissance. Comme si la France n'avait toujours pas digéré les indépendances africaines, comme si elle ne pouvait renoncer à être une "plus grande France" (formule qui désignait l'empire français)…

Les hommes politiques le revendiquent très clairement, qu'il s'agisse de Mitterrand, de Chirac ou de Sarkozy, on retrouve toujours dans leurs discours l'idée que "la France doit garder son rang dans le monde". On sent bien que c'est l'argument qui légitime le maintien de cette présence militaire en Afrique. Bien sûr cette présence offre de nombreux avantages : elle conditionne, dans une large mesure, la possibilité d'entretenir des situations de monopole économique dans certains pays et de surveiller des ressources stratégiques.

D'ailleurs certains régimes africains comme ceux du Tchad ou de la Centrafrique ne tiennent que par la force des armes, que par le soutien de l'armée française. 

Depuis les indépendances, le prétexte majeur du maintien de la présence militaire française c'est de défendre les pays africains, avec lesquels on a passé des accords militaires, contre des agressions extérieures. Dans les faits, il n'y a quasiment jamais eu d'agressions extérieures, l'armée française n'a servi qu'à gérer les problèmes internes à des régimes confrontés à des rébellions armées ou à des mouvements populaires.

Le plus souvent, les armées des Etats africains postcoloniaux se comportent vis-à-vis de leurs propres populations comme des armées d'occupation. Leurs forces armées sont conçues avant tout pour répondre au péril de l' "ennemi intérieur" et non à celui d'une agression extérieure. Vos analyses montrent clairement la responsabilité de la France dans cet état de choses. 

Absolument, ça faisait partie du kit théorique doctrinal qui a été inculqué aux officiers africains formés dans les écoles militaires françaises. Il faut rappeler qu'au moment des indépendances, les armées africaines sont créées de toute pièce : elles constituent alors une sorte de prolongement de l'armée coloniale française. Les armées africaines sont des filiales de l'armée française, elles sont structurées sur le même modèle, formées à partir de la même idéologie : la doctrine militaire de la "guerre révolutionnaire", de la "contre-insurrection" qui veut que le rôle principal de l'armée soit le "contrôle de la population". Mais pour les armées africaines, il ne s'agit pas du contrôle d'une population étrangère comme dans le cas de l'armée française en Algérie. La mission des militaires africains est de contrôler leurs propres populations, mais avec les mêmes méthodes que l'armée française a employées dans ses guerres coloniales. C'est ce qui s'est passé au Cameroun, au moment de l'indépendance, dans la guerre sanglante menée contre les maquis de l'UPC (Union des Populations Camerounaises). Dans le cas du Rwanda, le chercheur Gabriel Périès a retrouvé des mémoires d'officiers rwandais, formés en France dans les années 80-90, dans lesquels on retrouve cette obsession de lutter contre l'ennemi intérieur, de mettre en œuvre des tactiques contre-insurrectionnelles. Menée à son terme, la logique du " contrôle de la population " conduit au génocide…

En dressant la généalogie de la guerre contre-insurrectionnelle, votre livre souligne les continuités et similitudes qui existent entre guerres coloniales d'Indochine et d'Algérie et guerres postcoloniales du Cameroun (une guerre occultée) et du Rwanda.

Je n'ai fait que rapporter des travaux qui existent sur le sujet. Officiellement, depuis la fin de la guerre d'Algérie, ces théories contre-insurrectionnelles sont remisées et des méthodes comme la torture ou la guerre psychologique proscrites. Dans les faits, il y a eu une première vague d'exportation des tactiques anti-subversives françaises à destination des dictatures sud-américaines : des gens comme le général Aussaresse (connu pour ses révélations sur l'usage systématique de la torture en Algérie) ont pu ainsi continuer à transmettre leur " savoir-faire "… Puis ce savoir-faire anti-insurrectionnel a été recyclé en Afrique francophone pour gérer les indépendances et la période post-indépendance. Moi, ce que j'ai essayé de montrer, c'est que cette tradition de la "guerre révolutionnaire" se poursuit aujourd'hui, de façon plus subtile. Quand on lit les publications militaires contemporaines, on retrouve des références à des gens comme Trinquier (théoricien principal de la "guerre contre-insurrectionnelle"), mais aussi des références aux techniques de conquête coloniale de Liautey ou de Gallieni (guerres coloniales de "pacification" fin 19ème - début 20ème siècle) ; des stratèges qui reviennent au goût du jour quand il s'agit de penser des situations de conflit comme celles de l'Afghanistan ou de la Côte d'ivoire.

Sur le plan des savoir-faire et des discours, l'armée française entretient donc un rapport intime avec son histoire coloniale. Y a-t-il une spécificité de l'armée française de ce point de vue là ?

Les militaires français considèrent qu'il y a une tradition culturelle française plus forte que celle des anglo-saxons sur le plan du contact avec les populations. L'armée française prétend détenir un vrai savoir-faire lui permettant de mieux se faire accepter en tant qu'armée d'occupation. C'est la question du "contrôle des populations". Pour les militaires français, il ne faut pas faire comme les Américains qui arrivent, militairement par la force, et qui ensuite se barricadent. L'armée française se flatte d'être capable d'agir de manière psychologique, en menant des opérations "civilo-militaires" pour faire accepter auprès des populations civiles la présence des militaires. Toujours avec cette idée, qui remonte à l'Indochine, qu'on va pouvoir séparer dans la population le bon grain de l'ivraie, et couper les rébellions de leurs bases populaires.

L'armée française a-t-elle recours à des savoirs de type ethnologique dans son approche des populations des pays occupés ?

Quand on gratte un peu, on retombe toujours sur une espèce de prêt à penser, directement issu de la période coloniale. Les forces spéciales françaises sont sensées, en plus d'un savoir-faire proprement militaire, posséder un savoir culturel, ethnologique qui les rendrait plus à même d'opérer dans certaines zones géographiques du monde, en particulier en Afrique. Ces savoirs "culturalistes" reposent sur des conceptions complètement dépassées d'un point de vue universitaire. Quand on lit des interventions d'officiers dans des colloques, on trouve des choses absolument ahurissantes comme : "la présence de l'armée française est nécessaire parce que les Africains ont du mal à se projeter dans l'avenir". Les mêmes clichés éculés qui émaillaient le discours de Dakar de Sarkozy : ce vieux fond colonial qui prétend être une connaissance permettant une intervention sur des populations.

Revenons sur le cas du Cameroun, le premier pays africain, en 1960, à accéder à l'indépendance (le 1er janvier). Du milieu des années 50 au début des années 70, il s'est produit une véritable guerre dans ce pays : des dizaines de milliers de morts, plus de 100 000 selon certaines sources. Cette guerre menée contre l'UPC par un régime à la solde de la France relève-t-elle, elle aussi, de la guerre "anti-insurrectionnelle" ?

Le chercheur Gabriel Périès a montré récemment comment les dispositifs mis en place en Algérie ont été décalqués au Cameroun à la même époque (2). Le quadrillage des territoires, la torture à grande échelle, la déportation des populations, la politique de la terre brûlée, tout ce qui se faisait en Algérie a été repris tel quel au Cameroun. Il faut signaler sur le sujet l'excellent documentaire "Autopsie d'une indépendance" (3) dans lequel on peut entendre Mesmer déclarer à propos des bombardements des villages au napalm que "ce n'est pas important". Ce sont des choses qui, ces dernières années, commencent à remonter à la surface.

Cela remet donc complètement en question le mythe d'une "décolonisation douce"…

La " décolonisation en douceur " reste la version officielle si l'on se réfère aux programmes scolaires en histoire au collège ou au lycée. Un des enjeux de l'étude de la décolonisation c'est de montrer qu'il y a eu, d'un côté, une décolonisation violente, celle de l'Algérie et, de l'autre, une décolonisation qualifiée de pacifique, de "douce". Les cas du Cameroun et de Madagascar suffisent à montrer que c'est un mythe complet : le mythe des indépendances en douceur préparées par Deferre et de Gaulle après la conférence de Brazzaville en 46. Dans les faits, tout ce qui a été concédé par la France l'a été contre le gré de la métropole, souvent après des tentatives désespérées de reprise en main violentes. Cela s'est accompagné d'un processus d'élimination des mouvements indépendantistes et de leurs leaders, mais aussi de la promotion d'hommes politiques à la dévotion des intérêts français. Dans l'après-guerre, il y a eu une émergence de mouvements indépendantistes, autonomistes, progressistes, révolutionnaires, un vent d'espoir irrésistible : il y avait des idéologies variées qui mobilisaient les populations, et ces mouvements ont été étouffés, brisés, parfois, comme dans le cas du Cameroun, complètement éradiqués. Il y a donc eu une longue période où les populations africaines ont été orphelines d'un certain nombre de mouvements et de leaders. Ça commence à renaître maintenant avec les mouvements sociaux africains et les contre-sommets où la question de la domination néocoloniale est au centre des préoccupations de la société civile ; qu'il s'agisse de la présence française ou de systèmes plus mondialisés comme la dette et les politiques imposées par le FMI et la Banque Mondiale.

Revenons à l'armée française. Dans votre livre vous mentionnez un "détail" qui fait froid dans le dos : les troupes de marine sont toujours surnommées la "Coloniale"…

Les questions de tradition et d'identité sont des questions extrêmement fortes, en particulier dans les forces spéciales, dans cette composante de l'armée française issue de l'armée coloniale. Les troupes de marine sont extrêmement fières de leur passé colonial, elles en revendiquent l'esprit et les méthodes. Les prises d'armes comme les éditoriaux de leur revue L'Ancre d'or continuent à se clôturer sur ces mots " Et, au nom de Dieu, vive la Coloniale ! "

Et j'imagine qu'on retrouve souvent ces troupes de marine dans les opérations françaises menées en terre africaine.

Elles composent en effet la majeure partie des forces spéciales auxquelles on fait appel lors des opérations sensibles : des opérations "coups de poing", des opérations à forte teneur en renseignement. On les retrouve également dans les opérations européennes (EUFOR). Lors de la première d'entre elles, en République Démocratique du Congo, en 2003, la France s'était flattée d'avoir inculqué un certain nombre de méthodes à des forces militaires européennes, en particulier aux forces spéciales suédoises. Depuis on se demande quelles méthodes puisque parmi ces forces suédoises, certains militaires s'étaient plaints auprès de leur hiérarchie d'avoir eu à subir la vision d'actes de torture pratiqués par des militaires français sur des congolais. Ca a fait beaucoup de bruit en Suède, beaucoup moins en France…

Est-ce qu'il y a un contrôle du Parlement français sur les opérations militaires menées en Afrique ?

Théoriquement, depuis la modification constitutionnelle opérée à l'été 2008, il y a un droit de regard du parlement sur les opérations extérieures, mais un droit extrêmement limité. Les députés ont le droit d'être informé d'une opération extérieure dans les 3 jours après son déclenchement, ils restent donc mis devant le fait accompli. Le parlement ne possède un pouvoir de contrôle que sur les opérations lourdes de plus de 4 mois (qui ne représentent qu'une petite partie des opérations militaires) dont il peut refuser le renouvellement. Il n'y a aucun contrôle par contre sur les opérations secret-défense spéciales et les opérations clandestines de la DGSE.

Le Tchad et la République Centrafricaine (RCA) représentent certainement aujourd'hui l'exemple le plus caricatural de l'ingérence militaire française dans certaines régions d'Afrique. Vous consacrez d'ailleurs une place importante dans votre livre à ces deux terrains d'intervention.

En 2006, en RCA, la France a monté une opération du même type que Kolwezi (sauvetage du régime de Mobutu grâce à l'intervention des parachutistes français) : l'armée française a largué des parachutistes pour reconquérir Birao, dans l'ignorance totale de la population française mais aussi des parlementaires. Cette opération a sauvé le régime du président centrafricain Bozizé. Ce type d'opération reste aujourd'hui tout à fait possible. Plus récemment, lors de la dernière offensive sérieuse des rebelles sur la capitale tchadienne, il y a eu une intervention officielle de l'armée française sous prétexte de sécuriser ses ressortissants. Cette opération a permis de sécuriser l'aéroport d'où ont pu décoller les mercenaires d'Idriss Deby… D'après le journal La Croix, la "sécurisation" de l'aéroport de N'Djamena s'est accompagnée aussi d'une intervention militaire des forces spéciales françaises qui ont pris directement part aux combats contre les rebelles : une opération clandestine qui n'est toujours pas reconnue par les autorités françaises...

Dans son dernier rapport sur la Centrafrique, Human Rights Watch est très critique par rapport aux dernières interventions de l'armée française en RCA. 

Dans le rapport qu'elle a publié en 2007, l'ONG a pointé un certain nombre de choses : elle a détaillé la politique de terre brûlée menée par l'armée centrafricaine à l'égard des populations du Nord, des populations accusées de soutenir les mouvements rebelles. Là aussi, on retrouve les techniques coloniales françaises : il s'agit de terroriser les populations afin de priver de leur soutien les mouvements rebelles. Les exactions les plus graves ont été commises dans le sillage direct des interventions militaires françaises. Après la reprise de Birao par l'armée française, cette ville a été ravagée par les forces centrafricaines. A l'époque, dans les journaux, les militaires français ont fait peser la responsabilité des destructions sur les rebelles. On sait depuis qu'il s'agissait d'une tentative de dissimulation qui relève de la complicité de crime de guerre. Il y a également dans le rapport de HRW des photos qui interrogent : on voit des officiers français à proximité directe de l'OCRB (Office Central de Répression du Banditisme), une sorte de milice qui se livre à des exécutions sommaires.

Vu la nature de ses interventions en Afrique, la France est-elle vraiment en mesure de commémorer le cinquantenaire des "indépendances" africaines ?

On sent qu'il y a un gros malaise au niveau de la commémoration de ce cinquantenaire. Ce malaise n'est pas étranger au fait que toutes les interventions orales de Nicolas Sarkozy sur la question de l'Afrique affirment une volonté de rupture avec les pratiques de ses prédécesseurs. Mais en dehors des discours, de rupture on n'en voit pas : c'est toujours le règne des pressions diverses, des émissaires occultes, des accords secrets, des opérations clandestines. On va avoir en guise de célébration des choses assez caricaturales : un défilé du 14 juillet où, sous couvert de rendre hommage aux tirailleurs africains, on va inviter des armées comme celles du Cameroun ou du Congo connues pour leurs exactions envers les populations. La véritable décolonisation et la célébration de cette décolonisation restent à faire...

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28 avril 2010 3 28 /04 /avril /2010 23:15

20 avril 2010

Mahorou Kanazoe

 Le Pays

 

 

 
Zone franc: L’indispensable indépendance monétaire

 

Les ex-colonies françaises d’Afrique célèbrent cette année le cinquantenaire de leurs indépendances en grande pompe. C’est dire que les dirigeants au pouvoir sont satisfaits du chemin parcouru jusque-là. On peut cependant émettre bien des réserves sur les acquis de cette Afrique post-indépendances, sur tous les plans de la vie des pays concernés. Sur le plan économique et financier, l’arrimage du franc CFA au Trésor français demeure un cordon ombilical tenace que personne n’ose rompre. C’est pourtant un des derniers vestiges de l’ère coloniale puisque son histoire est consubstantielle à la colonisation française.

Le sigle CFA a d’abord signifié "colonies françaises d’Afrique", puis "communauté française d’Afrique" et enfin "communauté financière africaine". Les noms ont changé, mais les réalités demeurent les mêmes, celles des pays subsahariens obligés de confier une grande partie de leurs réserves de change au Trésor français, et de rendre compte de leur gestion deux fois par an au ministre de l’Economie et des Finances français. C’est la fameuse réunion des ministres de la Zone franc, dont le nouveau rendez-vous a lieu à N’Djamena ce 20 avril. Et pourtant, l’indépendance tant chantée devait aussi s’accompagner d’une prise en charge exclusive de la monnaie, à l’instar des pays africains anglophones ou lusophones, qui ne s’en portent d’ailleurs pas mal. Certes, l’un des avantages du F CFA, c’est qu’il a cours dans plusieurs pays, facilitant ainsi leur intégration monétaire. C’est un avantage certain qu’on ne peut nier, quand on regarde la balkanisation monétaire des autres pays.

Monnaie unique ne signifie cependant pas développement. Car des pays battant leur propre monnaie, en particulier les pays anglophones, ont résisté eux aussi, aux différents chocs économiques que le continent a subis ces dernières années. Ils ont même réussi des prouesses économiques que leur envient bien des dirigeants brassant le CFA. Du reste, après sa dévaluation en 1994 et le recours au dollar par les opérateurs économiques pour leurs transactions, le CFA a beaucoup perdu de son lustre. Dans la sous-région ouest- africaine, le Ghana et son cedi sont la preuve vivante qu’un pays non membre de la Zone franc n’est pas voué à la mort. Mieux, le Ghana dont la monnaie n’est rattachée à aucune institution financière de l’ex-colonisateur, se hisse au sommet des performances en matière de croissance en Afrique. On peut comprendre les dirigeants des pays d’Afrique francophone dans leur attachement quasi-fétichiste au CFA et au giron français. Au-delà des questions purement monétaires, cette situation traduit une dépendance politique. Le pré carré français n’est pas une vue de l’esprit. Nombre de dirigeants africains se croient toujours obligés d’être serviables vis-à-vis de Paris, pour mériter leur poste.

 

Dans ces conditions d’allégeance, la monnaie devient un outil politique aux mains des uns et des autres, Africains franco-phones comme Français, pour des intérêts particuliers. C’est pourquoi réunions après réunions, les ministres des Finances de la Zone franc parlent de tout, sauf du sujet tabou du décrochage d’avec la France. Cinquante ans après les indépendances, la monnaie reste un élément d’humiliation dans les relations franco-africaines. La peur de l’inconnu explique sans doute aussi les hésitations africaines. Comme un enfant incapable de s’assumer sans son père, ces Africains se demandent s’ils surmonteront une éventuelle rupture monétaire avec l’ancienne puissance colonisatrice. Cette crainte est peut-être aussi ravivée par la partie française, peu encline à tourner cette page peu glorieuse pour les Africains mais qui lui apporte prestige et devises. Ce n’est pas en effet pour les beaux yeux des Africains que la France garantit leur monnaie. Elle y tire des avantages. Il appartient aux Africains de savoir grandir. En cela, le président sénégalais a le mérite d’être l’un des rares dirigeants africains à demander cette émancipation monétaire. Mais que peut-il, seul face à une dizaine d’autres chefs d’Etat préférant se contenter de la honteuse mais douillette tutelle française ?

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Textes De Juliette